Par Ferghane Azihari, Christophe Seltzer, Rafaël Amselem et Thomas Pala.
Nombreux sont les observateurs et responsables politiques qui présentent le Brexit comme un danger pour les relations commerciales entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Ces peurs sont néanmoins infondées dans la mesure où le libre-échange peut s’affranchir des organisations intergouvernementales.
Brexit et libre-échange : la fausse inquiétude
L’inquiétude courante vis-à-vis d’une éventuelle sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne concerne le libre-échange entre ces deux espaces européens. Barack Obama a par exemple averti qu’un Brexit signifierait pour le Royaume-Uni la nécessité de renégocier, dans une position défavorable, des traités commerciaux durant plusieurs années.
Mais ainsi que le rappelle régulièrement le professeur Patrick Minford de l’Université de Cardiff, qualifier l’Union européenne de zone de libre-échange est une erreur. L’Union européenne est avant tout une union douanière et politique qui érige ses propres barrières contre les biens et services extérieurs. En témoigne d’ailleurs le discours de ceux qui, comme Wolfgang Schäuble, ne cessent de brandir la menace de l’accès au marché intérieur pour dissuader le Brexit. Ce que l’on peut considérer comme du protectionnisme bruxellois entrave en réalité le bon déroulement de la division internationale du travail et ralentit le progrès économique.
Ces débats révèlent l’hégémonie d’une conception particulière du commerce qui peine à s’affranchir du cadre intergouvernemental : une conception des échanges internationaux d’autant plus curieuse que les grands penseurs du libre-échange ont toujours réfuté l’utilité des traités commerciaux. L’économiste classique Vilfredo Pareto écrivait ainsi dans son Nouveau dictionnaire d’économie politique que « si l’on accepte le libre-échange, les traités commerciaux n’ont aucune raison d’exister. Nous n’avons pas besoin d’eux dans la mesure où ce qu’ils ont prétention à réglementer n’existe plus, chaque nation laissant librement entrer et sortir n’importe quelle marchandise à ses frontières ».
Le libre-échange est en effet une affaire locale. Il consiste pour les autorités à lever unilatéralement les barrières aux échanges indépendamment des éventuelles pratiques protectionnistes des États tiers. Les pays les plus ouverts bénéficient pleinement des avantages comparatifs. Les industries locales deviennent plus productives tandis que les consommateurs profitent de produits étrangers moins coûteux pour satisfaire leurs besoins.
Loin d’être utopique, l’application au Royaume-Uni de cet unilatéralisme s’est déjà observée dans le passé avec l’abolition des lois céréalières (Corn Laws) en 1846 sous la pression de l’Anti Corn-Law League. Les économistes s’accordent pour dire que cette mesure arrachée au gouvernement conservateur de l’époque – à la solde des grands propriétaires fonciers – a durablement contribué à moderniser l’industrie britannique pendant près d’un siècle tout en renforçant le pouvoir d’achat des masses. Ceci explique pourquoi un économiste Français comme Frédéric Bastiat a tenté d’importer dans l’hexagone via sa « Ligue du libre-échange » des idées qui apparaissaient à l’époque comme véritablement révolutionnaires.
Concurrence institutionnelle, réglementaire et fiscale
Les avantages de la libre-circulation ne sont donc pas exclusivement liés à l’Union européenne et peuvent s’obtenir sans elle. De nombreux pays participent d’ailleurs au marché commun sans être membre de l’Union pour autant. C’est le cas de la Suisse, de la Norvège ou du Liechtenstein. La construction européenne génère en revanche bon nombre d’inconvénients dont on ne peut se passer qu’en quittant le navire bruxellois.
En effet, depuis plusieurs années, l’Union européenne s’est donnée – au nom d’une prétendue nécessité de « coordonner » la gouvernance de notre continent – l’ambition d’une harmonisation toujours plus poussée des politiques publiques. Or cette harmonisation est dangereuse pour la concurrence institutionnelle que le Prix Nobel d’économie Friedrich Hayek concevait comme un « processus de découverte » indispensable au progrès.
Un tel mécanisme de concurrence favorise l’émulation entre gouvernements. Elle conforte l’émergence et la diffusion des meilleures politiques publiques associées au respect de la libre-entreprise indispensable à l’épanouissement des sociétés humaines. Celle-ci permet de générer de saines incitations politiques.
Elle régule les ardeurs des souverains qui, par crainte de voir leurs sujets affecter leurs industries et leurs capitaux dans des juridictions plus respectueuses de leurs droits, ont beaucoup moins intérêt à interférer avec le déroulement libre des activités humaines. Ainsi, dans son célèbre ouvrage The European Miracle, l’historien de l’économie Eric Jones impute la prospérité et la singularité européennes à la concurrence institutionnelle longtemps entretenue par la fragmentation politique du vieux continent.
La défiance vis-à-vis de la construction européenne n’est donc pas nécessairement synonyme de nationalisme tribal. Elle peut embrasser un désir encore plus fort d’ouverture. Lutter contre l’atonie que nous promet une Europe toujours plus centralisée revient donc à se féliciter de l’émergence d’idées, dont l’expression conduirait à une plus grande dispersion du pouvoir pour sauvegarder les incitations productives dans le cadre d’un marché plus ouvert à la mondialisation. Il en va ici de la vivacité du vieux continent et de sa capacité éternelle à s’offrir une nouvelle jeunesse.
- Ferghane Azihari – Responsable local pour European Students for Liberty en région parisienne
- Christophe Seltzer – Coordinateur national pour Students for Liberty – France ; Co-fondateur du Free Startup Project
- Rafaël Amselem – CoPrésident #HackLaPolitique
- Thomas Pala – CoPrésident #HackLaPolitique
L’Angleterre sort de l’UE !
Hollande a perdu
On va devoir se coltiner un discours du capitaine de pédalo qui va nous mentir en nous disant qu’il faut rester dans l’UE
Merci pour cet article qui bat en brèche le postulat central de l’UE.
Oui, on a beaucoup insisté sur les aspects èconomiques qui ont été « le cheval de Troie » de la construction européenne. Or, ce qui est visé est une construction politique.
Eh bien. Tant de naïveté. C’est beau.
Les anglais ont voté pour un résultat purement national. Que croyez vous? Qu’ils savent réellement quoique ce soit a propos de l’UE? Demandez leur des chiffres, des pourquoi, des comment, ils seront incapables de répondre. Ils ne savent rien de ce pour quoi ils ont voté. Arrêtez de croire que ces idiots ont voté pour « s »affranchir de la bureaucratie et être libres <3". Ils se sont affranchi de la bureaucratie européenne pour en mettre une bien pire en place chez eux. Ils ont pris le parti des populistes socialo, c'est eux qui ont gagné, et si vous croyez que ces gens se soucient réellement de conserver le libre-échange et tout ces beaux principes, c'est que vous n'avez encore rien compris. Le socialisme nationaliste n'a jamais abouti au libre échange. Et ce ne sera une fois de plus pas le cas.
Votre haine de l'UE vous aveugle sur les fondements réels de cette décision. D'ailleurs les partisans du Brexit, qui vont arriver au pouvoir maintenant, n'ont jamais fait mystère de leur haine du libre échange et de la libre circulation, ils veulent renfermer le RU sur lui même, ils ont été clairs. Arrêtez donc de rêver.
+1 d’ailleurs la sociologie électorale rapproche ce vote du traité de Maastricht en 1992: la majeurs partie des votes pro brexit sont issus des classes populaires en milieu péri-urbain et de la classe moyenne qui in fine a souffert de la crise comme dans le reste des pays de l’UE, à l’inverse les partisans du maintien sont les classes moyennes et supérieurs cultivés et intégrés à la mondialisation.
Un débat avait lieu la veille sur FR 24 et le porte parole de Jean Luc Mélanchon pour qui je n’ai aucune accointance était remarquablement clairvoyant: il disait que peu importe le résultat, le débat qui entoure le référendum s’est construit largement sur des bases identitaires et réactionnaires et que de toute manière le référendum était une échéance supranational orgnaisé
Il faut être sacrément à l’ouest pour croire que le RU quitte l’UE pour plus de libre-échange et de liberté.
Politiquement le RU s’est pinuts sans l’UE, l’Afghanistan et l’Irak ont ruiné le pays sur le plan des relations internationales et de la politique étrangère.
La désunion est avant tout au sein du RU avant de l’être entre lui et l’UE, sans compter qu’il n’est pas du tout en position de force pour renégocier des accords quelconques.
Mais vu l’instrumentalisation des débats sur le sujet ça m’étonnerai pas que l’on accuse l’UE d’avoir sorti le RU de l’UE.
Un autre article sur challenge assez pertinent pointait les perspectives positives en terme de politique étrangère pour l’Europe avec un départ de l’Angleterre de l’UE.
Bref affaire à suivre mais l’euphorie de la victoire des pro-brexit va vite s’estomper quand il s’agira d’aborder les choses sérieuses.
Sans compter que la possible succession de Boris Johnson suite à la démission de David Cameron n’est certainement pas un signe positif envoyé à Bruxelles pour entamer d’hypothétiques négociations, objectivement sur le plan purement politique aucun cadeau ne devrait être fait au gouvernement anglais
La souveraineté comme la liberté implique son corollaire: la responsabilité.
Sauf que le brexit à été voté plus massivement que le traité inique de Maastricht…et je n’ose parler de la constitution européenne…Après Mélangeons (pardon Mélanchon) qui donne des leçons sur « des bases identitaires et réactionnaires »…c’est hôpital qui se fout de la charité…il bichonne le même électorat qu’une certaine marine en utilisant ces bases.
Après, pour ce qui est de « ruiner le pays sur le plan des relations internationales et de la politique étrangère »…on peut parler du Mali ? de l’animosité envers Rahan Tata et bien d’autres qui ont fait durablement fuir les entrepreneurs étrangers ? Arrêtez de vous regarder le nombril !
Ce qui compte ce n’est pas de pleurer comme un gamin en mode « ouin ouin, je suis tombé, je me suis fait mal, c’est la fin du monde »…mais plutôt de raisonner en adultes et de se comporter en tant que tel : OK, les anglais quittent l’UE, que doit-on faire pour se relever ? Le brexit est une opportunité, tant pour l’union européenne que pour les anglais, et il faut être idiot pour ne pas s’en rendre compte…je parie que d’ici à 2 ans, le cours de la livre se sera très largement repris alors que celui de l’euro baissera fortement, du fait de l’arrivée à échéance de la cavalerie de certaines dettes laissées notamment par notre moi-président qui est en mode « après moi le déluge » depuis son arrivée au pouvoir…
Les anglais ont dit merde à l’UE politique, mais resteront dans la zone de libre échange, sans parler du fait qu’ils resteront très probablement l’un des pilliers de la défense de l’UE…car aucun autre pays membre n’est doté d’une armée moderne, professionnelle et bien équipée…
En cadeau : http://www.eureferendum.com/themarketsolution.pdf
Je ne vois pas de haine, comme vous l’écrivez, dans les réactions précédentes. Je suis d’accord avec vous que le commun des votants ne voit pas les raisons profondes évoquées dans cet article, mais le sentiment de trop de bureaucratie Européenne, ça les habitants du R.U. le sentent bien. Comme nous aussi. Et nos concitoyens ne sauront pas mieux les chiffres que vous connaissez.
Reste que ce Brexit est, comme je rejoins l’article une opportunité pour sortir de ce carcan. Petit on nous enseignait que la CEE était un espace de libre échange qui allait améliorer notre quotidien. Cela a peut être été vrai. Mais maintenant c’est devenu une prison avec toujours plus de loi, de perte de liberté, etc. C’est une des raison qui m’a pousser à partir … De l’Europe
Excellent article dont je ne peux que féliciter les auteurs !