L’Eurogroupe vient tout juste de débloquer une nouvelle tranche d’aide à la Grèce. 7,5 milliards d’euros supplémentaires sont accordés pour renflouer les caisses de l’État en difficultés. Un prêt sous conditions qui fait une nouvelle fois redescendre Tsipras de son nuage de promesses électorales déconnectées des réalités.
Par Cécile Belliard.
Alexis Tsipras a le sourire. Pour lui, les dernières négociations effectuées avec l’Eurogroupe sonnent déjà la fin de la crise grecque et le retour attendu de la confiance. 10,3 milliards d’euros au total devront être prochainement injectés dans l’économie grecque, 7,5 milliards en juin et 2,8 milliards d’euros dès l’automne. De quoi relancer le troisième plan d’aide démarré en août dernier.
« D‘énormes progrès ont été faits », s’est enthousiasmé le commissaire européen aux affaires économiques et financières, Pierre Moscovici. « Et c’est pourquoi je suis si heureux que nous ayons pu décider, il y a quelques minutes, avec le conseil des gouverneurs du Mécanisme européen de stabilité, le déboursement de 7,5 milliards d’euros à la Grèce. Je pense que cela apportera une vraie bouffée d’oxygène à l‘économie grecque. C’est ce que nous en attendons. C’est ce que nous voulons ».
Tsipras : champion du rétropédalage
Si l’ensemble des parties semble aujourd’hui ravi, le terrain d’entente a longtemps été mouvant, avec un Alexis Tsipras accroché mordicus à des promesses électorales trouvant l’écho nécessaire auprès des Grecs pour gagner dans les urnes, mais éloignées des chiffres et de la réalité d’un pays en dette qui doit redoubler d’efforts pour redresser la barre.
Il faut dire que Tsipras est depuis longtemps passé maître dans l’art de dire aux Grecs ce qu’ils voulaient entendre, promettant son lot de mesures que d’aucuns pourraient qualifier de démagogiques quand d’autres iraient jusqu’à crier l’incompétence d’un Tsipras aveuglé par ses propres convictions. Le programme de Syriza en 2015 prévoyait de freiner l’austérité afin de réformer l’État dans un marasme de promesses électorales aussi séduisantes que déraisonnables. La volonté de créer une « Grèce économiquement indépendante, souveraine » passait alors par des initiatives qui certes flattent l’oreille mais plombent les comptes.
Pour séduire son électorat de gauche, Tsipras avait notamment promis en janvier 2015 de stopper la privatisation du port de Pirée. Une décision sévèrement critiquée par les analystes, ces derniers expliquant qu’un tel arrêt serait fondamentalement nocif pour l’économie du pays, refroidissant la confiance des investisseurs. En avril dernier, la Grèce a finalement consenti à céder 67 % de la société du port (Olp) à l’armateur chinois Cosco Shipping Corporation, au terme d’un processus de cession compliqué par les réticences de Tsipras.
En parallèle, alors que les chantiers navals grecs, de renommée mondiale, sont en difficulté, la coalition Tsipras-Kammenos s’est une nouvelle fois perdue dans son populisme et dans ses stratégies politiques floues, annonçant à qui voulait l’entendre qu’ils allaient unifier les trois ports d’Athènes sous une seule entité pour ensuite la vendre. Une déclaration surprenante alors même que le gouvernement grec ne possède pas l’intégralité des chantiers navals et que la question de leur expropriation ne semble pas mériter de réponse de la part de Tsipras.
Suivre la logique des créanciers
Le chef de Syriza ainsi que Panos Kammenos, ministre de la Défense Nationale, ont également tout fait pour empêcher qu’un milliard d’euros d’investissements étrangers viennent alimenter les comptes d’un projet de mine d’or. Le gouvernement grec a en effet imposé l’arrêt de l’exploitation de la mine d’or de Soukies, propriété de la compagnie canadienne Eldorado Gold. Pour Syriza, ce projet est un vieux combat qui doit être suspendu sous peine de nuire grandement à l’environnement local.
Encore une fois, la volonté de Tsipras et Kammenos se gonfle de bons sentiments sans forcément prendre en considération les versants d’une réalité plus complexe. « Au moment même où les ministres du gouvernement grec supplient, à Londres et à New York, les investisseurs de venir en Grèce (…), le comportement ouvertement conflictuel de ce même gouvernement nous oblige à arrêter nos opérations », déclarait en début d’année le patron d’Eldorado Gold lors d’une conférence de presse. Soit dit en passant, l’arrêt de la mine a causé la perte immédiate de 600 emplois.
Des décisions comme celles-ci, le duo Tsipras-Kammenos en est coutumier. Sans forcément chercher à faire mal, les deux hommes politiques sont tout de même loin de faire du bien à un pays en quête de bases solides pour mettre en place un programme qui doit lui permettre de sortir du rouge. Les belles paroles de Tsipras, lorsqu’il s’efforce de plaire à sa classe politique ou au peuple grec, fragilisent encore davantage la Grèce. La coalition formée par Tsipras et Kammenos ne met pas en confiance les investisseurs et complique la réhabilitation du pays sur la scène internationale. La Grèce doit donc retrouver une crédibilité au travers de dirigeants qui savent faire preuve de bon sens une fois au pied du mur.
La nouvelle tranche d’aide qui vient d’être attribuée par l’Eurogroupe s’accompagne de nombreuses conditions et mesures d’austérité que Syriza devra appliquer pour satisfaire ses créanciers. On dit souvent que les promesses sont des dettes. Déjà acculé plus qu’il ne faut, le gouvernement grec doit désormais apprendre s’engager sur des paroles qu’elle est en mesure de tenir. Il en va de la confiance du peuple grec et des créanciers.
Bon article.
Je trouve que ce mot « austérité » largement utilisé par les médias est une forfanterie, un mensonge propagandiste.
Le mot correcte est « bonne gestion », un état ne doit en aucuns cas dépenser plus que ce qu’il reçoit des impôts des citoyens.