Par Thierry Godefridi.
« Le droit est la plus puissante des écoles de l’imagination. Jamais poète n’a interprété la nature aussi librement qu’un juriste la réalité », dit Jean Giraudoux dans La guerre de Troie n’aura pas lieu, cette pièce dans laquelle il dénonçait en 1935 la bêtise obstinée des hommes et le cynisme des politiciens, la manipulation du droit, des symboles et des esprits, alors que sévissaient les séquelles de la crise de 1929 et montaient les dictatures qui déclencheraient la Seconde Guerre Mondiale.
« Je ne crois pas que le Brexit aura lieu, écrivit Gideon Rachman dans le Financial Times du 27 juin. Il y aura des hurlements de rage, mais pourquoi faudrait-il que des extrémistes des deux bords décident comment l’histoire se termine ? » Le chef de la rubrique des affaires étrangères du grand journal financier explique que, la nuit du référendum, il alla au lit à 4 heures déprimé par le résultat et que sa mélancolie ne fit qu’empirer à son réveil et jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il avait déjà vu la pièce, qu’il savait comment elle se terminait et qu’elle ne se terminerait pas par la sortie du Royaume-Uni hors de l’Europe.
Le Brexit, des votes qui ne servent à rien ?
Tout observateur de longue date de l’Union européenne connaît les précédents. Les Danois votèrent en 1992 contre le Traité de Maastricht et les Irlandais tout à la fois contre le Traité de Nice en 2001 et le Traité de Lisbonne en 2008. Que se passa-t-il par la suite ? Leurs partenaires offrirent quelques concessions aux uns et aux autres, leur permettant d’organiser un second référendum, et l’UE alla de l’avant. Pourquoi en irait-il autrement dans le cas du Brexit ?
Boris Johnson, partisan le plus en vue du Brexit et successeur présomptif du Premier ministre David Cameron jusqu’à ce que l’ancien maire de Londres, trahi et devancé par l’un de ses alliés conservateurs du Brexit (Michael Gove), ne se retire de la course, n’avait-il pas dit en février qu’il considérait le référendum comme le seul moyen d’obtenir des instances européennes ce que l’on veut. « L’Histoire montre qu’elles n’écoutent vraiment que quand le peuple dit non ! », avait laissé entendre BoJo dont le cosmopolitisme (il est né à New York et fut maire de Londres, centre de la finance internationale et ville ayant voté à 60% en faveur de l’appartenance européenne) en faisait une figure de proue improbable du Brexit.
1 État, 4 nations
Un autre aspect de la problématique est que le Royaume-Uni est composé de quatre nations. Deux (l’Angleterre et le Pays de Galles) ont voté contre l’UE et deux (l’Écosse et l’Irlande du Nord), pour l’appartenance. Forts de ce que l’article 50 du Traité de Lisbonne prévoit que « tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union », d’éminents constitutionnalistes britanniques ont exprimé l’opinion qu’avant que le Royaume-Uni ne puisse demander l’application de l’article 50, le Parlement britannique devrait se prononcer en ce sens. Un membre du gouvernement britannique en place a d’ailleurs évoqué publiquement qu’une renégociation des accords passés avec l’UE pourrait déboucher sur un second référendum au sujet de l’appartenance, voire sur de nouvelles élections législatives qui en tiendraient lieu.
Retenir la Grande-Bretagne à tout prix ?
La Grande-Bretagne jouit déjà d’un statut à part dans l’Union européenne puisqu’elle ne participe ni à l’euro, ni aux accords de Schengen. Que faudrait-il lui concéder de plus ? Facile, selon Rachman ! Il suffirait de permettre à la Grande-Bretagne (où travaillent trois millions d’Européens du continent dont 800 000 Polonais) de limiter le nombre de ressortissants d’autres États de l’Union européenne s’y établissant au-delà d’un certain seuil.
« Si un tel deal intervenait, il y aurait des cris d’orfraie de la part des partisans irréductibles du Leave et des ultra-fédéralistes de l’Union disposés à se servir du référendum pour pousser la Grande-Bretagne vers la sortie et faire avancer leur propre agenda, mais un deal ne serait-il pas préférable à toute autre option ? », s’interroge le journaliste du Financial Times. « Comme dans tous les drames, concluait-il, le Brexit a choqué et bouleversé, mais la fin de l’histoire n’a pas encore été écrite ! » Entre-temps, que l’on se souvienne comment finit la pièce de Jean Giraudoux et sur quoi débouchèrent l’obstination et le cynisme de son époque.
—
« Il suffirait de permettre à la Grande-Bretagne de limiter le nombre de ressortissants »
Il y aurait des « cris d’orfraie » des 2 cotés, car ce pragmatisme ne serait pas accepté de ceux qui veulent punir le R-U ou surtout casser la volonté des autres prétendants à la sortie de l’UE.
Et que veut dire « limiter » ? Cela veut dire décider, avoir la responsabilité et le droit. Ce qui remet en cause également l’autorité juridique de Bruxelles, entre autres…
Donc, cette proposition est un leurre, proposé pour calmer l’homme de paille sélectionné par les sondages anglais pour expliquer la défaite du Remain.
Bien vu !
Votre article se fonde sur des comparaisons … inadéquates !
1) Le poids des danois – irlandais … ne se compare pas avec l’histoire UK.
2) les propos journalistiques du FT (supporters du Remain…) sont biaisés.
3 ) Feriez-vous ici un pari sur une Nième victoire de l’establishment U.E. ?
Intoxiqués et apeurés comme nous le sommes massivement par nos politicards douteux de l’U.E. ( = des nuls, particrates et arrogants, des marionnettes d’opérettes) ainsi que par ces médias où l’esprit d’indépendance intellectuelle est quasiment absent … cela revient à nier le droit à l’autodétermination des peuples.
Par ailleurs, aucun « pronostic économique » n’est fiable pour tester les incidences futures en + ou en – ! Faites donc une comparaison avec les prédicats « documentés » en matière d’avenir climatique ?
Tâchons de raisonner sur les comportements de SYTEMES NON LINEAIRES (et les variables d’amortissement dans une longue période de TRANSITIONS) ? Les unq et les autres – pronostiqueurs – valent autant qu’au jeu du VOGELPIK flamand ou des DARTS à l’anglaise …
En chaque hypothèse l’U.E. ne s’en sort(ira) pas grandie (ce qui se révèle partout après le mutisme hypocrite des bien-pensants). Son INcapacité chronique à opérer des réformes internes a été maintes fois testée : sans résultats probants (hors des réussites techniques et qq-unes juridiques). Mais ce ne sont pas les jongleries de « textes » qui seront cette fois de nature à renverser et à taire les chocs culturels et incohérences de gouvernance du réel.
Je vous invite donc à lire davantage sur la DYNAMIQUE DES ORGANISATIONS (systèmes non linéaires). Tenter une comparaison entre votre (jeune?) expérience d’entreprise et celle de la conduite d’un paquebot bureaucratique tels celui européen se trouve condamné à des erreurs de jugement. Il faut vivre « leur dedans » pour mieux estimer ces constats. Puis miser aussi sur l’application d’une subsidiarité bien comprise ?
Notre défi restera de balayer les errements de nos particraties : je doute qu’ELLES se corrigeront.
Reste donc à parier sur l’H/F emprunt de réalisme, ne mode bottom-up …
Cordialement
L’actualité semble donner raison à l’auteur de l’article, Johnson out, Farrage out, le potentiel successeur de Cameron est euro-septique mais discipliné,
Vous semblez oublier que Johnson et Farrage n’étaient pas les seuls à militer pour le Brexit…
Après concernant ce dernier, je pense que vous faites allusion à sa démission…et absolument pas au raid des amis des « grands démocrates pro-ue » dans ses bureaux à Bruxelles…
Enfin, pour la probable future prime minister, « Brexit means Brexit »…sans parler du fait que le moins pire de nos candidats à la présidentielle est en faveur d’une sortie négociée intelligemment – au contraire de ce qu’indiquait vouloir l’actuel occupant des lieux pas plus tard que la semaine passée – par ailleurs, il semble que les postures martiales prises par les pro-européens soient en train de s’assouplir…ils semblerait qu’ils aient enfin pris conscience du fait que l’UE serait imputée d’1/4 de son PIB…et que sans accords bilatéraux…l’UE est cuite…
Et si jamais les anglais choisissaient de rester dans l’UE, ils pourraient sans peine dire non à l’intégralité des discussions desquelles ils sont illégalement exclus depuis que le résultat du référendum est connu…
en politique seuls ceux qui crient le plus fort se font entendre
Et il y a aussi ceux qui ont un biais de lecture et qui croient qu’il pleut car c’est écrit dans le journal…
On ne « punit » pas l’un des trois grands pays européen et la 5ème puissance économique mondiale, la « punition » c’est bon pour les petits Etats turbulents et sans grande force, la Grèce par exemple, se souvenir « des animaux malades de la peste » du bon monsieur de La Fontaine – selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de Cour vous rendront blanc ou noir.
L’UE est la plus malade et son destin est d’éclater à plus ou moins brève échéance; engager une guerre « de punition » contre la GB reviendrait à accélérer le processus inéluctable.
Mais Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre (Quos vult perdere Juppiter dementat : l’Énéide de Virgile), dit l’adage antique, et rien n’est impossible avec les petits gnomes qui parait-il nous gouvernent.
Par ailleurs, le UK est une vraie démocratie, pas une démocratie viciée comme la France (flawed democracy), et il est douteux qu’une fois que le Peuple a parlé, les politiciens anglais tripatouillent et magouillent comme l’ont fait il y a huit ans les politicards français pour négliger le vote populaire (le référendum de 2005) et commettre la forfaiture de revoter par la voie parlementaire le texte refusé à peine aménagé pour la forme en 2008.
Donc wait and see .. et boire frais.
Le fait est que la chambres des communes est majoritairement favorable au Remain donc on voit pas bien comment on pourrait échapper à une clarification via des élections anticipées.
Ce n’est pas parce que le vote des français en 2005 a été bafoué qu’il en irait de même au RU. Wait & see, on parle d’un pays démocratique pas de la monarchie égalitariste française.
Je pense que vous vous avancez….