Par Olivier Hassid.1
La tuerie de Nice jeudi soir dernier rappelle que la France est confrontée à un phénomène terroriste nouveau.
Nouveau, tout, d’abord parce que la détection de tels actes est délicate à prédire. Nouveau, ensuite, parce que ce phénomène est diffus. Il peut se produire aussi bien au centre de Paris que dans l’atmosphère estivale de la « French Riviera ». Nouveau, enfin, parce que le passage à l’acte n’est pas nécessairement prémédité et que les personnes passant à l’acte ne sont pas toujours des terroristes notoirement connus, mais ce que les criminologues appellent de manière plus évasive des « tueurs de masse », c’est-à-dire des tueurs qui ne sont pas insérés dans un réseau organisé.
Dans ce contexte, les réponses actuelles – état d’urgence, Sentinelle, etc. – paraissent faiblement efficaces pour empêcher la survenance d’événements aussi aléatoires que ces actes abjects. Certes, ces réponses peuvent en réduire la probabilité – des arrestations ont lieu régulièrement –, mais le nombre d’individus potentiellement dangereux est si élevé que la capacité d’annihiler tout passage à l’acte est à la fois complexe et vaine.
Dans ce contexte faut-il aller vers un nouveau modèle sécuritaire et si oui lequel ?
Du modèle new-yorkais au modèle israélien
Dans les années 1990, nos responsables politiques et experts voulaient transposer à tout prix le modèle américain et plus particulièrement le modèle new-yorkais pour combattre la délinquance. Le concept de la « tolérance zéro » était à la mode. Tout le monde voulait reproduire la stratégie policière initiée par William Bratton nommé chef de la police de New York. Des voyages d’études étaient alors financés par le ministère de l’Intérieur. Les ministres de l’Intérieur Chevènement et Sarkozy ont pu ainsi rencontrer le maire de New York, le célèbre Rudolph Giulani pour évoquer ce nouveau modèle.
Ce modèle est maintenant moins à la page et un nouveau modèle semble émerger, le modèle israélien.
Qui sait mieux que quiconque gérer les actes terroristes, si ce n’est les Israéliens, confrontés à des actes dont le mode opératoire change souvent (attentat à la bombe, mass stabbing, fusillade…) et qui sont victimes d’actes terroristes fréquents ? Ainsi, aujourd’hui, des politiques, des experts, des directeurs sécurité se rendent-ils en voyage en Israël pour observer la stratégie de lutte contre le terrorisme à la mode israélienne.
Prévention, technologie et diversification
Cette stratégie pourrait être résumée en trois points essentiels.
- Le renforcement de la prévention situationnelle. Tout site considéré comme sensible voit donc sa sécurité renforcée : mise en place de barrages filtrants, agents de sécurité privée hautement qualifiés essentiellement recrutés dans les armées et notamment dans les unités d’élite, fouille des véhicules systématiques à l’entrée des sites, des profileurs assurant également une surveillance des espaces recevant du public.
- Le développement de la technologie sécuritaire : usage de drones, de robots et d’armes de neutralisation.
- Enfin, la diversification des formes de renseignement : renseignement technologique, renseignement sous couverture (Under cover), cyberattaque et actions clandestines.
Ce modèle verra-t-il le jour en France dans les années à venir ? Difficile à dire. Toujours est-il que la pression politique et médiatique risque de nous amener vers un modèle sécuritaire très différent de celui que l’on connaît actuellement. Moins préoccupé par la question des libertés fondamentales, et plus « étanche » ?
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Sur le web-Article publié sous licence Creative Commons-CC BY-ND 4.0.
- Chargé de cours, Université Paris Ouest Nanterre La Défense – Université Paris Lumières. ↩
Le seul modèle efficace sera celui où tous les français jugeront nécessaire d’intervenir mais pas en bougie, en pleurs ou en fleurs mais avec armes pour éviter les carnages en éliminant assez tôt ces salopards.
Pourquoi prendre en modèle un système qui n’a pas marché. En plus de tomber dans une sécurisation et une répression à outrance, le modèle israélien n’empêche en rien les actes terroristes d’avoir lieu sur leur territoire, il suffit de suivre les actualités. Une double peine pour la population de ce pays en quelque sorte. Car ce type de politique entraîne une restriction des libertés et une mise en danger (tant physique que psychique) des habitants du pays dont le gouvernement utilise ces méthodes.
Dans le même sens, un officier français avait soulevé que les manuels de l’armée des usa ne prenaient pas en compte la légitimité ou non d’une action militaire pour en évaluer les répercussions et les impacts stratégiques. Un chercheur israélien avait même qualifié de non rationnel la résistance des vietnamiens lors des bombardements sur le nord Vietnam dans les année 70 (dans le sens où ils avaient plus à perdre qu’à gagner en résistant). Comment peut-il arriver à de telles conclusions ? Ce qui semble irrationnel est de ne pas prendre en compte dans une action de coercition sa légitimité. Ce qui risque évidemment de provoquer le contraire du résultat souhaité en alimentant toute sorte de résistance au lieu de l’éliminer :
http://www.electron-libre.org/2016/03/08/que-nous-enseignent-les-guerres-americaines/
On peut donc voir en ce qui nous concerne que certaines de nos interventions extérieures au Moyen Orient sont illégitimes (les Anglais n’ont pas hésité récemment à en parler).
Que la montée de l’extrême droite en France depuis des dizaines d’années apporte aussi son lot d’illégitimité en ce qui concerne les propos incohérents et souvent sans prise avec la réalité envers la population musulmane. Sans parler des agressions gratuites qui ont lieu sur les musulmans suites aux vagues d’attentats :
http://www.electron-libre.org/2016/01/07/quelques-reponses-au-idees-recues-sur-les-communautes-francaises-dorigine-etrangeres-et-sur-lislam/
http://www.electron-libre.org/2016/01/31/insecurite-le-fn-a-t-il-conscience-de-sa-part-de-responsabilite/
Une autre illégitimité moins connu de ceux qui n’habitent pas dans les « quartiers sensibles » est le harcèlement policier que subissent certaines catégories de personnes. Il est même regrettable de voir que dans certains instituts de formation policière on peut y voir des recrues affichant ouvertement leurs intentions de « casser de l’arabe » sans que les encadrants (officiers et sous off) ne trouvent quelque chose à redire. Je connais certains policiers dégoûtés de cette mentalité, mais ce sont eux aussi qui risquent d’être mis à l’écart et/ou de partir à cause de la pression sociale qui règne.
Inutile de préciser que les forces de police se doivent d’être un exemple car elles représentent le gouvernement français et par extension la France. Inutile de préciser encore que face à un tel type de harcèlement et humiliation quotidienne certains voient la France d’un mauvais œil. Que certains en viennent à péter un plomb et aient des envies de caillasser tout ce qui représente le gouvernement ou la France (police, pompier, transport en commun, etc). C’est juste humain.
On peut donc se dire que toutes ces illégitimités contribuent à préparer le terreau des futurs terroristes sur notre sol. J’imagine qu’il pourrait y avoir des améliorations à faire de ce côté avant de penser au tout répressif et sécuritaire, avant de restreindre nos libertés et de nous infliger une double peine. Avant de jouer les cow boys et taper sur la tête des autres au lieu de réfléchir à la légitimité de ce type d’action.