Par Kevan Saab.
On savait que le répit serait de courte durée, mais c’est encore une fois avec un carnage sur le sol national que le terrorisme retourne sous le feu des projecteurs. Après les attaques du 13 novembre 2015 et la tuerie de Charlie Hebdo, l’attentat de Nice porte à plus de 240 morts depuis 2012 le bilan des attaques terroristes. Puisque tous les experts s’accordent à dire que le risque d’attentat demeure encore à son plus haut, l’enjeu majeur consiste à comprendre pourquoi et comment ces attaques ont pu être perpétrées alors que la France est théoriquement en état d’urgence face au terrorisme.
Pour répondre à cette question, les députés Georges Fenech et Sébastien Pietrasanta se sont penchés sur l’efficacité et l’organisation des moyens mis en place dans la lutte contre le terrorisme. Le fruit de leur travail fut présenté sous la forme d’un rapport parlementaire captivant que le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, s’empressa pourtant de jeter aux oubliettes. Une tradition gouvernementale malheureusement bien française.
À défaut d’offrir un plan pouvant garantir le risque zéro, les manquements identifiés par le rapport Fenech expliquent une bonne partie des défaites encaissées ces dernières années dans la lutte contre le terrorisme. Prenons donc le temps d’en aborder les principales conclusions.
Une organisation kafkaïenne des services de renseignement
En France, pas moins de 10 agences gouvernementales constituent le cœur du renseignement français, les 6 premières étant les plus importantes :
- la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE)
- la direction du renseignement militaire (DRM)
- la direction de la protection et de la sécurité de la défense (DPSD)
- la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI)
- la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)
- le service de traitement du renseignement et de l’action contre les circuits financiers clandestins (Tracfin)
- le service central du renseignement territorial (SCRT)
- la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP)
- la sous-direction de l’anticipation opérationnelle (SDAO) de la gendarmerie nationale
- le bureau du renseignement pénitentiaire (BRP)
À ces 10 agences, s’ajoutent 6 bases de données principales liées de près ou de loin à la lutte contre le terrorisme :
- Le fichier CRISTINA utilisé par la DGSI
- Le fichier SIREX utilisé la DPSD
- Le fichier PASP utilisé par la police SCRT et DRPP
- Le GIPASP de la gendarmerie nationale, utilisé par le SDAO
- Le FEA partagé par le SCRT et la DRPP
- Le fichier des personnes recherchées (FPR), dont la catégorie Sûreté de l’État regroupe plus de 20 000 personnes jugées potentiellement dangereuses, les fameux fichés « S »
Enfin, pour tenter de faire fonctionner ce mille-feuilles administratif, pas moins de 3 services coordinateurs furent créés :
- le Coordonnateur national du renseignement auprès du Président de la République
- l’État-major opérationnel de prévention du terrorisme (EMOPT) directement rattaché au ministre de l’Intérieur
- l’Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) qui n’a autorité que sur les services relevant de la police nationale
Vous êtes perdu ? Vous n’y comprenez rien ? C’est normal. Nos alliés n’y comprennent rien non plus. Pour preuve, tous les responsables du renseignement israélien, américain, grec et turc rencontrés pendant la conception du rapport furent incapables de nommer clairement leurs équivalents français. Un comble à une époque où la coopération internationale est essentielle dans la lutte contre le terrorisme.
Évidemment, une telle organisation cloisonnée et inutilement compliquée se devait de créer son lot de fiascos. Par exemple, Yassin Sahli, le terroriste qui a sauvagement décapité son employeur en juin 2015 avant de tenter de faire exploser son lieu de travail, fut tout simplement rayé des listes de surveillance en déménageant d’un département à l’autre.
En partie en réponse à ce raté, un fichier commun, le Fichier de traitement des Signalés pour la Prévention et la Radicalisation à caractère Terroriste ou FSPRT entre en service en octobre 2015. Le projet est louable et demandé unanimement depuis plusieurs années, mais encore une fois, des lacunes colossales le fragilisent dès le départ. Ainsi, malgré la bonne volonté des services concernés à approvisionner la plateforme en données, le fichier n’est pour le moment pas consultable par la DGSE, le renseignement pénitencier ou encore la DPSD. Pire, le fichier n’a pas vocation à inclure les suspects étrangers, un écueil majeur à une époque où des individus dangereux complotent à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières françaises. L’exemple le plus notable étant celui de l’attentat avorté du Thalys dont l’auteur signalé plusieurs fois au niveau européen passa complètement à côté du radar des autorités françaises et belges.
Contrairement à plusieurs idées reçues, les réformes récentes ont largement augmenté les moyens humains et techniques à la disposition des agences de renseignement. D’ailleurs, sur un quota d’écoute de 2 700 personnes par an, les services n’en ont utilisé qu’une fraction. Bref, en matière de renseignement, la réponse est à chercher davantage au niveau de l’organisation et de la collaboration qui laissent à désirer plutôt que du côté d’un prétendu manque de moyens.
Les prisons françaises : véritable cursus de radicalisation accéléré
Contrairement aux idées reçues, le Code pénal offre une palette d’options très complète pour condamner les terroristes, après comme avant le passage à l’acte. Les problèmes commencent quand il s’agit de faire appliquer la peine prononcée. Deux options de contrôle s’offrent aux juges d’instruction : la prison ou le bracelet électronique, assorti d’une série de contraintes (interdiction de sortie du territoire, d’entrer en communication avec certaines personnes, etc.).
Comme on peut logiquement s’y attendre, le bracelet électronique révèle vite ses limites, les pointages en commissariat faisant souvent l’objet d’un suivi désastreux. Samy Amimour, un des membres du commando du Bataclan, avait par exemple réussi à se rendre jusqu’en Syrie alors qu’il était encore sous contrôle judiciaire et à revenir en Europe sans être inquiété.
Reste alors la prison comme seule alternative sérieuse pour cantonner les condamnés dangereux. Et, c’est là que le bât blesse. En effet, la surpopulation carcérale empêche toute politique d’isolement des détenus radicalisés à grande échelle. Selon les derniers chiffres officiels, la France compte 68 542 individus écroués pour 58 683 places opérationnelles, soit un taux d’occupation de 117%. La situation est particulièrement dramatique dans les maisons d’arrêt où le taux d’occupation atteint 138%.
La maison d’arrêt étant souvent le point d’entrée dans le système carcéral pour les petits délinquants influençables, l’extrême densité carcérale et les moyens dépassés de l’administration pénitentiaire transforment ces établissements en véritable terrain de chasse pour les émissaires du djihad. Pour contrer ces dérives, le bureau du renseignement pénitencier ne dispose que de 114 agents en équivalents temps plein pour surveiller 68 000 détenus sous écrous, 235 000 en milieu ouvert, le tout à travers 189 établissements en France. Bref, à l’heure actuelle, les islamistes ont relativement les mains libres au sein des prisons françaises et continuent de recruter à tour de bras les petites frappes des quartiers dont l’itinéraire en vient inévitablement à croiser la case prison.
Conclusion
Encore une fois un cocktail néfaste de laxisme judiciaire décontracté, de déni de la réalité et d’organisation bureaucratique abracadabrantesque a transformé notre stratégie antiterroriste en véritable passoire. Même si plusieurs réformes audacieuses tentent depuis quelques années d’aplanir les obstacles administratifs qui plombent les services de renseignement français, les querelles de chapelle et les rivalités inutiles sont encore un obstacle à la fusion logique de certaines organisations qui partagent pourtant les mêmes missions. En ce qui concerne le système carcéral, le manque de moyens chronique est à attribuer en grande partie aux politiques ridicules qui clament haut et fort que la construction des 20 000 places supplémentaires nécessaires pour conduire une politique carcérale correcte serait une fuite en avant dans le « tout répressif ».
Dans un prochain article, nous nous attarderons sur la situation dans la zone syro-irakienne en détaillant comment la politique étrangère française a contribué à faire naître et croître un marécage géopolitique inextricable qui s’est peu à peu muté en pépinière pour djihadistes.
Les attentats ne sont que la résultante d’une politique débile de gribouille.Ils sont la conséquence et la réponse à la destructions de pays entiers: Afghanistan, Syrie, Irak, Libye au nom de je ne sais quel principe qui imposerait d’apporter aux peuples la paix et la démocratie … à coup de canon.
Il est illusoire de persister dans l’erreur et d’en attendre un résultat différent (Einstein)
Continuons dans des guerres qui ne sont pas les nôtres et les attentats continueront C.Q.F.D.
C est pas sur qu en ayant laisse les talibans prosperer en afghanistan on aurait rien eut … Ca aurait peut etre pris plus de temps ou une forme differente. Mais a partir du moment ou vous avez des gens qui vous detestent et qui decident de vous soumettre (ce qu a fait Ben Laden alors que personne ne lui cherchait de noise a l epoque), vous aurez des attaques
De meme, se plaindre que Kadafi n existe plus est profondement debile: aucun terroriste ne vient de lybie alors que ce brave Kadafi lui n a pas hesite a sponsoriser le terrorisme international (cf le DC10 d UTA)
Pire, quasiment toutes les attaques que nous avons subies l ont ete par des gens soit de nationalite francaise soit legalement en france et venant pas des pays que vous citez. Il serait plus efficace de reeducquer par le travail les delinquants comme en coree du nord, vu que quasiment tous les terroristes ont eut un passe criminel
Excellent article. Pour ce qui est du chaos administratif à l’entrée sur le territoire, il suffit de comparer la manière dont les contrôles policiers sont faits dans les aéroports en France, en GB, en Suisse ou aux Etats-Unis. Les policiers français bavardent avec leurs collègues, vous regardent à peine. Ils exercent leur profession avec une négligence impressionnante.
Ce qui ressort de cet article c’est l’abus du mille feuille administratif qui est source du désordre mais c’est aussi du fait que ce n’est plus la compétence qui fait évoluer la carrière de nos fonctionnaires, mais leur soumission aux politiciens..toutes les administrations sont concernées (armée, police, éduc nat, finances,…), des « chefs » promu on ne sait d’ou, on ne sait comment ou par qui (la force du réseau…) arrivent démontent tout dans les services mais sont incapables de créer quelques choses de cohérent rationnel logique. Muté au bout de 3 ans, seul compte les stats à court terme pour une carrière ascendante ..la récente lettre des membres du gign contre leur colonel, n’est qu’un exemple parmi une multitude dans toutes les administrations
Ou quand l’idéologie domine le bon sens … il y a de l’argent pour les radars mais pas pour construire des prisons ? où sont les priorités ? les prisons pourraient rapporter si l’on faisait travailler ceux qui s’y reposent et se radicalisent aux frais du contribuable … quant au monde du renseignement on pourra faire nombre de réorganisations cela ne suffira pas si les rapports sont systématiquement édulcorés afin qu’aux plus hauts niveaux ces messieurs puissent lire ce qu’ils attendent et non la réalité du terrain … enfin tant que l’électoralisme prédominera dans certains communes le problème de la radicalisation s’amplifiera … le déni des réalités est la pire des politiques !!
l’abus du mille feuille administratif…. en fait , tout les problêmes émanant de ce pays viennent de ce mille feuille administratif que l’on retrouve de partout , que ce soit pour créer son entreprise , changer d’adresse , acheter un bien , embaucher etc etc etc et ça devient grave quand ça concerne la sécurité d’un pays , le notre en l’occurence ;et en plus ça nous revient cher pour des résultats mitigés ; mais allez expliquer ça à des gens obtus …..
Pour faire établir une carte grise pour votre enfant s’il travaille et habite avec ses parents et n’est pas disponible aux heures d’ouverture de la préfecture :
– carte grise originale, barrée par l’ancien propriétaire
– justificatif d’identité du nouveau titulaire (fils) (original + copie),
– justificatif d’identité du demandeur (parents) (original + copie)
– justificatif de domicile (parents) (original + copie) datant de moins de 3 mois
– attestation du nouveau titulaire (fils) indiquant qu’il habite chez ses parents
– attestation des parents indiquant qu’ils hébergent leur fils
– procuration du nouveau titulaire (fils) pour autoriser les démarches par le demandeur (parents)
– coût de la carte grise, en chèque ou CB
– preuve du contrôle technique datant de moins de 6 mois
– formulaire cerfa n°13750*05
– formulaire cerfa n°13754*02 ou facture vendeur
– * justificatif de permis de conduire (fils) (original + copie)
* loi de modernisation de la justice du XXIè siècle : cette justification du permis de conduire est demandée alors que le décret n’est pas encore paru !
(c’est moi qui a rajouté (fils) et (parents) )
___________
Bon, si c’est un ami qui fait la démarche vous rajoutez les procuration, original et copie de documents d’identité.
Et si c’est une voiture étrangère je vous dis pas !
Alors que dans 99.9% des cas l’état a déjà toutes ces informations : identité, permis de conduire, lieu d’habitation, contrôle technique (il revend même ces infos aux concessionnaires auto !)
Parmi ses 7 travaux Hercule nettoya les écuries d’Augias.
Si le prochain président pouvait en réussir un seul : passer à la paille de fer notre administration, la réduire, simplifier ses statuts, l’orienter vers l’utile pour les citoyens et non pour ses agents.
Je rêve !
article très intéressant sur l’échec de la lutte contre le terrorisme
des politiques de plus en plus nuls obnubilés par leur carrière sans compter sur les soit disant hauts fonctionnaires à bac plus 7
quelle tristesse
Selon un article du Dailymail des témoins oculaires auraient vu les autorités françaises retirer les fourgons de police bloquant l’accès à la promenade des Anglais avant l’arrivée du camion :
http://www.express.co.uk/news/world/690236/Nice-terror-attack-french-police-remove-roadblock-Promenade-des-Anglais-Mohamed-Bouhlel
Les policiers de la police nationale ont fini leur service à 20h30 – 21h00 ce jour là et sont partis avec leur véhicule !… et ont donc levé le barrage. Le camion est arrivé 1 heure 1/2 après. C’est dans Libé du 20/07. Ce pays se barre en couill3s.
Pourquoi? Parce que ce n’est absolument pas la priorité de ceux qui nous gouvernent. Pourquoi on va encore perdre? Parce qu’on persiste à garder les mêmes et on ne demande la démission de personne.
» Même si plusieurs réformes audacieuses » comme la loi renseignement?
« Ingénieur de formation et accro du fact-checking, Kevan Saab anime le blog LesChiffres.info. Son objectif est simple : passer l’info au travers du filtre intransigeant de la raison et de la rigueur scientifique, n’en déplaise à ceux qui n’aiment pas voir les faits gâcher une belle fiction. »
Énumérer tout un tas de faits c’est très bien. Le problème c’est que les fact-checker ont souvent tendance à sous entendre le raisonnement sous-jacent. Ceci permettant de ne pas voir où il y a des trous, puisque le lecteur n’a qu’un tas de données brutes, parfois cherry pickées, et que les détails qui sont censés démontrer la solidité de la démonstration ne sont pas présent dans les quelques phrases explicatives qui accompagnent l’article.
Dans son article Kevan SAAB dresse un inventaire des incohérences de nos dirigeants en matière de lutte antiterroriste. La relation kafkaïenne des services de renseignement donne le vertige.
En fait, il s’agit d’un article de plus qui relate l’inconséquence de la politique de notre pays qui n’est qu’une réminiscence d’une grandeur passée. La réalité actuelle est tout autre puisque la France est devenue un pays sans importance au niveau mondial et, de surcroît, un pays en récession économique.
Dans une économie française partie en vrille, les français doivent comprendre que leur volonté d’avoir accueilli des migrants et, de continuer à en accueillir, a et aura un coût de plus en plus important. Il en est de même de la politique interventionniste en Libye, en Syrie, en Afrique qui génère un ressentiment certain.
Devant ce constat d’échec, il faut que les français passent à la caisse car, entre autre, il devient nécessaire de construire de nouveaux quartiers urbains pour les immigrés ou leurs descendants, il faut tenter de leur apporter une éducation, il faut leur verser des rentes sous la forme d’aides sociales diverses et variées, ll faut leur verser des indemnités de chômage, il faut enfin lancer un vaste programme de construction d’établissements pénitentiaires assurant le bien être des détenus.
Au final, il faudra encore augmenter les ponctions de la fiscalité et des charges sociales et, bien sûr, il faudra continuer à s’étonner du manque de compétitivité de notre économie….