Par David Stockman.
La mainmise des banques centrales sur le marché obligataire, supprimant un marché libre et honnête, ruine la classe moyenne et les retraités.
Le système actuel des banques centrales provoque des cycles sans fin d’expansions et de récessions financières. S’y ajoutent des niveaux de plus en plus élevés d’instabilité financière et une dilapidation croissante des ressources économiques réelles du fait de mauvaises affectations et d’investissements inappropriés. Résultat : le monde finit par s’appauvrir.
Pourquoi ?
Parce que les bénéfices dans la production et la richesse réelle dépendent d’une évaluation efficace de la valeur du capital et de l’épargne. Mais le modus operandi des banques centrales aujourd’hui est de délibérément déformer et falsifier les prix financiers.
L’essence de la politique des taux d’intérêt nuls (ZIRP) et des taux d’intérêt négatifs (NIRP) est de pousser les taux d’intérêt en dessous de leurs niveaux naturels d’équilibre des marchés pour susciter plus d’emprunts et de dépenses de la part des entreprises et des consommateurs.
C’est également le résultat inhérent d’un assouplissement quantitatif (QE) massif sur le marché obligataire par lequel les banques centrales financent leurs achats avec des crédits créés à partir de rien. La mainmise des banques centrales sur l’offre et la demande du marché obligataire donne des rendements bien inférieurs à ceux qu’accepteraient des épargnants réels dans un marché libre et honnête. La classe moyenne et les retraités qui comptent sur leur épargne se retrouvent les grands perdants.
Même chose pour la vieille doctrine du stimulus des « effets richesse. » Après son lancement par Alan Greenspan il y a 15 ans, elle a depuis été adoptée avec encore plus de conviction par ses successeurs à la Fed et ailleurs.
Ici, le canal de transmission monétaire se fait au travers des premiers 1 % qui possèdent 40 % des actifs financiers et des premiers 10 % qui possèdent plus de 85 % des actifs financiers. Les cours boursiers sont intentionnellement poussés vers des niveaux plus élevés par le moyen d’un « assouplissement financier. » Ceci est un euphémisme pour désigner une finance bon marché voire gratuite pour ceux qui se lancent dans les carry trades et pour les spéculateurs courts termistes.
Tandis que les indices boursiers montent et que leurs portefeuilles, subventionnés par la Fed, atteignent des « niveaux de référence » toujours plus élevés, ils sont censés se sentir… plus riches. Ils sont par conséquent motivés pour dépenser et investir plus et pour doubler la mise sur ces gains en papier qu’ils utilisent comme nantissement pour obtenir encore plus de financements bon marché pour encore plus de spéculations.
Le problème est qu’on ne peut falsifier indéfiniment les valorisations financières. À la longue, ils sont soumis à un pur jeu de confiance, à un risque de chocs et de cygnes noirs que même les banques centrales sont incapables de compenser. Puis arrive le jour du Jugement Dernier.
Aujourd’hui les banques centrales et leurs filiales possèdent environ 21 000 Md$ d’obligations d’État et autres titres apparentés. La plupart de ceux-ci ont été achetés au cours des deux dernières décennies mais plus principalement depuis la crise de 2008.
Mais lorsqu’on remplace les épargnants par des banquiers centraux au cœur même du processus de détermination des prix sur les marchés financiers, le système finit par dérailler et on se retrouve à marcher sur la tête.
La folie des rendements négatifs
Ceci a été très bien décrit dans un article du Wall Street Journal à propos d’un récent développement des marchés de la dette souveraine qui défient totalement la nature humaine et la dynamique essentielle des démocraties modernes de l’État Providence.
Une frénésie d’achat de la part des banques centrales réduit la disponibilité de dette publique pour les autres acheteurs et intensifie les guerres des offres qui éclatent lorsque les investisseurs deviennent nerveux, ce qui fait monter les prix et réduit les rendements. Le rendement du bon du Trésor à 10 ans a atteint un plus bas record mercredi. « Le facteur de pénurie existe mais il devient réellement palpable pendant les périodes de stress lorsque les rendements s’effondrent tout d’un coup. » Vous pouvez vous retrouver expulsé du marché obligataire juste au moment où vous en avez le plus besoin.
Mercredi, le rendement de l’obligation d’État japonaise à 20 ans est passé en territoire négatif pour la première fois, rejoignant ainsi un groupe d’obligations à rendement négatif qui s’est rapidement développé au cours de l’année dernière. En Suisse, le rendement de l’emprunt d’État avec la plus longue maturité, à 50 ans, est passé sous zéro. En Allemagne, les titres avec des maturités allant jusqu’en janvier 2031 sont passés sous la barre des 0 %.
Du fait de cette « pénurie » totalement insensée, les banques centrales et les spéculateurs ont ensemble conduit le rendement de près de 12 000 Md$ de dette publique, soit presque 26 % du total des encours sur la planète, en territoire négatif. Ce chiffre comprend plus de 1 000 Md$ pour l’État allemand, environ la même somme pour l’État français et presque 8 000 Md$ de dette publique japonaise.
Cette falsification systématique des valorisations financières est la principale activité des banques centrales contemporaines. Par exemple, dans 40 ans, au Japon, les retraités seront plus nombreux que les travailleurs et le système fiscal et monétaire du pays aura implosé bien avant.
Mais peu importe. Avant qu’elle ne s’autodétruise, la BoJ aura de toute façon acheté toute la dette publique japonaise.
Elle en possède déjà pour une valeur de 426 000 milliards de yens, une somme équivalente à 85 % du PIB. Par conséquent, concernant la dette publique, on peut bien dire que la « détermination des prix » est bel et bien terminée.
Le Japon n’est que la partie visible de l’iceberg mais la tendance est on ne peut plus claire. Le prix de la dette souveraine est là où les banques centrales le fixent, et non pas là où les épargnants d’argent réel et les investisseurs l’achèteront.
Mais ce n’est pas le pire.
L’argent réel de la classe moyenne forcé d’aller vers le risque
Cela signifie que les épargnes avec de l’argent réel, qui doivent avoir un rendement nominal positif, sont orientées vers des investissements plus risqués à la recherche de rendements, plus particulièrement dans la zone des risques de crédit des entreprises.
Actuellement, par exemple, il y a près de 3 000 Md$ d’obligations à haut risque et d’emprunts en cours rien qu’aux États-Unis. C’est le double du niveau qui existait à la veille de la grande crise financière. Mais doubler l’argent entraîne plus qu’un doublement du risque.
Pourquoi ? Parce qu’une partie très importante du crédit à risque en cours alimente des spéculations telles que même les fonds d’investissement spéculatifs n’auraient pu envisager il y encore 15 ans : spéculations sur les prix des matières premières dans les secteurs du schiste, de l’exploitation minière entre autres, des systèmes de crédits auto subprime, le financement de rachats d’actions et de recapitalisation de dividendes par des sociétés hautement spéculatives.
En effet, la ruée pour les rendements générés par les agissements des banques centrales a imprégné les marchés mondiaux de DFE (dispositifs financiers explosifs). Environ 100 banquiers centraux ont passé les sept dernières années à pousser les taux d’intérêt vers zéro ou en dessous. Cela a peut-être été une aubaine pour les 1% qui ont gagné le gros lot au casino.
Mais cela a écrasé la classe moyenne et les retraités.
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