Par Guillaume Richard-Sadowski.
Un article de Trop Libre
Aujourd’hui le lobbying joue un rôle croissant dans l’élaboration des décisions politiques. En temps de crise de confiance, il est plus que nécessaire d’encadrer les échanges entre groupes d’intérêt et législateurs. C’est dans ce contexte, que le sénat a adopté la loi Sapin 2, le 8 juillet 2016. Si cette initiative permet de mieux encadrer le lobbying, on peut toutefois émettre quelques réserves sur son efficacité à rendre la vie politique plus transparente.
Transparence et lutte contre la corruption
Fondamentalement, la loi vise à renforcer la transparence des procédures de décisions publiques et à réprimer plus rapidement et sévèrement la corruption. Trois points fondamentaux résument cette loi.
- Il y a l’instauration de plus de transparence dans le processus d’élaboration des décisions publiques et dans la vie économique. La création d’un répertoire numérique des représentants d’intérêts impose dorénavant aux groupes d’intérêt de déclarer la raison de leurs activités et l’identité des législateurs qu’ils ciblent. En outre, avec la garantie d’une meilleure protection des lanceurs d’alerte, les objectifs de la loi Sapin 2 convergent selon le gouvernement vers une lutte contre la corruption. Cette protection pourrait cependant dépendre d’événements extérieurs tels que les enjeux et les positions géopolitiques. L’affaire de l’ancien analyste de la NSA, Edward Snowden, reste très emblématique en matière de droit d’asile ; alors que Paris lui ferme ses portes, Moscou l’accueille à bras ouverts. Il serait donc utopique d’imaginer qu’un État puisse s’engager systémiquement dans la “protection des lanceurs d’alertes » en occultant ses propres intérêts.
- La création d’un service chargé de la prévention et de l’aide à la détection de la corruption doit dorénavant assister les entreprises dans la lutte contre la corruption.
- La loi doit lever les freins procéduraux à la poursuite de faits de corruption d’agents publics étrangers.
Ces trois points forment le socle de cette réforme de la transparence, qui doit, à terme, éclaircir les rapports entre représentants d’intérêt et représentants parlementaires.
Les représentants d’intérêts
Dans la tradition politique française, le bien commun a souvent été l’apanage de l’État et des élus. Dans l’inconscient collectif, le lobbying est d’ailleurs perçu comme hostile à l’intérêt général et au processus démocratique, tout comme l’étaient les corporations de l’ancien régime. C’est dans cette conjoncture que le gouvernement porte la loi Sapin 2 avec l’intention d’encadrer le lobbying ; ceci débouchant inéluctablement vers un contrôle étatique des représentations d’intérêts.
Si le principe de transparence permet de reconnaître les groupes d’intérêts, on peut constater que l’interprétation de “représentant d’intérêt” ne cible aucunement les partis et groupements politiques, ni les associations cultuelles, et encore moins les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs. Cependant, il serait beaucoup plus clair de considérer comme influenceurs, tous ceux qui ne sont pas décideurs politiques et qui seraient donc susceptibles d’exercer une influence sur les détenteurs du pouvoir exécutif ou législatif. Il est embarrassant de faire l’éloge de la transparence lorsqu’on minore l’influence que ces acteurs peuvent exercer à l’encontre des législateurs dans l’élaboration d’une loi.
Transparence : deux poids deux mesures
Alors que le gouvernement supporte une défiance citoyenne importante, on observe que l’État ne s’engage pas totalement dans l’amélioration du système de représentativité. Au contraire, il restreint l’activité du lobbying en mettant en place unilatéralement des obligations déontologiques drastiques. Cette absence quasi totale de réciprocité se remarque notamment lorsqu’il s’agit de publier les listes des acteurs sanctionnés pour corruption. En effet, la haute autorité pour la transparence de la vie publique « peut rendre publique la sanction sans faire mention de l’identité et de la fonction de la personne mentionnée », c’est à dire à un membre du Gouvernement ou à un des collaborateurs du président de la République.
Cette asymétrie peut donc provoquer des sanctions à deux poids deux mesures, mettant à mal l’idée d’instaurer une véritable transparence de la vie publique. Après les affaires Cahuzac, Thévenoud et Le Guen, il est nécessaire d’instaurer des mesures propices à la transparence au sein même du gouvernement, si l’on souhaite notamment pallier la problématique de la défiance. « Dans un contexte national où la défiance à l’égard des responsables politiques est inversement proportionnelle à la vitalité électorale […], les groupes d’intérêts bousculent notre conception de l’intérêt général et la notion même de démocratie ».
L’implication de ce nouvel acteur dans le processus démocratique reste une ambition politique importante dans la mesure où elle peut raviver le système de représentativité. Cette aspiration au renouvellement démocratique consisterait à obtenir une réciprocité entre l’État, les élus et les groupes d’intérêt, basée sur la confiance. Redéfinissant alors la notion même d’intérêt général.
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Parmi les influenceurs, une mention spéciale aux écologistes qui se parent volontiers de la défense de l’intérêt général sans jamais en apporter la preuve. Notre politique énergétique désastreuse suffit à le montrer.