Trump, Erdogan, Duda : le pire de la politique

La haine de l’autre, la désignation du bouc émissaire, la théorie du complot : voilà l’art politique partagé par les Donald Trump aux États-Unis, Recep Tayyip Erdogan en Turquie et Andrzej Duda en Pologne.

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Trump, Erdogan, Duda : le pire de la politique

Publié le 30 juillet 2016
- A +

Par Guy Sorman.

Trump, Erdogan, Duda : le pire de la politique
By: Presidencia de la República MexicanaCC BY 2.0

Quoi de commun entre le Turc Recep Tayyip Erdogan, le Polonais Andrzej Duda et l’Américain Donald Trump ? Par-delà leur identité nationale, les trois incarnent une manière identique de s’emparer du pouvoir ou de le conserver, utilisant les mêmes ressorts de l’âme humaine, les mêmes passions négatives : la haine de l’autre, la désignation du bouc émissaire, la théorie du complot.

Sans doute n’existe-t-il pas trente-six manières de faire de la politique ; le registre est limité, ce qui, par exemple, nous permet à quelques vingt siècles de distance, de comprendre les procédés des sénateurs romains et, plus anciens encore, des rhéteurs athéniens. La politique, pourrait-on en conclure, c’est ce qui ne progresse pas : les circonstances changent, les hommes et la psychologie des foules, non.

Exploiter la haine de l’autre ou de l’Autre, cela sert toujours, qu’il soit le Barbare pour les Hellènes, le Musulman et le Mexicain chez Trump, les Russes pour Duda, les Kurdes chez Erdogan. Sans aucun doute persiste-t-il en nous, à l’époque moderne, quelque gène archaïque qu’il suffit de stimuler pour que le sentiment d’appartenance tribal s’éveille, fierté et inquiétude face à l’envahisseur. Trump, là-dessus, est explicite : il en appelle à l’homme blanc, inéduqué de préférence, unwashed, dit-on en américain, et satisfait de l’être. Ce discours séduit, parce que, simultanément, il flatte, mobilise et déresponsabilise : l’autre est coupable de vos malheurs, tandis que l’individu se fond dans une foule chaleureuse, dans une atmosphère de stade en transe qui s’identifie à ses champions.

L’Autre absolu est évidemment le bouc émissaire, un individu, un peuple, une tribu, qui cristallisent le rejet et la haine : le Noir, le Musulman, le Juif naguère (une séquelle en Pologne, bien qu’il n’y ait plus de Juifs), l’immigré clandestin, le Rom (encore utile en Hongrie et Roumanie).

Dans les civilisations les plus antiques, le sacrifice du bouc émissaire, celui qui, par exemple, remplaça Isaac sous le couteau d’Abraham, avait pour fonction de consolider l’unité par le sang versé en commun. Observons que, lors de la Convention Républicaine à Cleveland, le Parti si divisé par la candidature de Trump ne retrouvait son unanimisme qu’en hurlant «  Emprisonnez Hillary Clinton ! », une mise à mort à peine symbolique.

Théorie du complot

La théorie du complot est aussi évidente chez nos trois lascars. Andrzej Duda ordonne de déterrer les cadavres des victimes d’un accident d’avion qui, à Smolensk en Russie, tua la quasi-totalité du gouvernement de son Parti, en 2010. Bien que l’erreur de pilotage ne fasse aucun doute, le « Parti de la loi et de la justice » croit ou préfère croire qu’il s’agissait d’un complot russe contre la nation polonaise. De nombreux Polonais en restent persuadés, parce que le complot est une explication du monde rassurante, plus que ne le sera jamais la complexité des causes.

En Turquie, afin que nul ne s’interroge trop sur les auteurs et les causes authentiques du coup d’État raté contre Erdogan, celui-ci a décrété qu’il s’agissait d’un complot orchestré par un homme seul, un imam affairiste retiré aux États-Unis, Fethullah Gülen. Gülen est un comploteur hautement improbable, parce qu’il est un pieux musulman favorable à l’islamisation de la société turque, tandis que l’armée qui s’est soulevée est, de tradition, défenseur de la laïcité. Trump, aussi, voit des complots partout, ce qui lui tient lieu de compréhension du monde : les Chinois tenteraient de ruiner les États-Unis, les milliardaires, plus riches que lui, voudraient sa perte, les Latinos tentent de reconquérir l’Amérique, etc.

Il paraît impossible de situer cette manière-là de faire de la politique sur une échelle droite, gauche : mieux vaut recourir à une autre mesure qui va de la passion à la raison. Une raison relative. Si l’on s’en tient à la campagne présidentielle américaine, il est certain que Hillary Clinton manifeste plus de rationalité que son adversaire, mais est-elle plus honnête ? Elle-même recourt à une autre méthode archaïque et éprouvée, la distribution des prix.

Sur son site web qui est éloquent, les Américains sont répartis en d’infinies catégories ; chacun peut se retrouver dans une case du type femme noire au chômage, militaire transsexuel, personnes en charge d’un malade Alzheimer (je n’invente pas) et trouver en face ce que le gouvernement Clinton fera pour lui. C’est en vain que l’on cherchera une philosophie politique derrière ce classement et ses promesses, ni un mode de financement ; il n’est pas dit non plus qu’aucun de ces cadeaux ne soit de la compétence légale du Président des États-Unis.

Existerait-il d’autres voies plus nobles vers le pouvoir et son exercice ? Dans la plupart des cas, en dehors de circonstances exceptionnelles telles une guerre ou une crise majeure, le choix offert aux électeurs est entre le mal et le moindre mal. Ce qui n’est pas si mal, aussi longtemps qu’il est permis de choisir : le choix en démocratie est plus important que ceux que l’on choisit. Le philosophe Karl Popper disait aussi que la principale vertu de la démocratie n’était pas de sélectionner les meilleurs dirigeants, mais de garantir leur départ à une date connue d’avance.

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  • lisez the righteous mind de Jonathan Haidt afin d’avoir plus d’informations sur les aspect groupish humain. catégoriser ces politiques sans concession ni analyse des dérives les ayant porté au pouvoir est aussi simpliste que leur discours…

  • Vous êtes d’une ignorance de proportion biblique et d’une malhonnêteté. intellectuelle aussi.

  • Mais non ! Le pire est chez nous ici : ni chef d’état, ni dirigeant, ni porteur de promesse dès son arrivée au pouvoir (?). Un homme qui donne un but à son pays est préférable au néant destructeur ! Bon pas n’importe quel but ! Mais la défense de valeurs acceptées par la majorité semble convenable. La mondialisation ne peut être un but tant les disparités sont énormes sauf pour le mercantilisme !

    • Hélas oui!
      Pour reprendre les thèmes de l’auteur: la haine de l’autre (le riche, le chef d’entreprise…), la désignation du bouc émissaire (l’Europe, le libéralisme…), la théorie du complot (d’extrême droite).
      Il faut ajouter toutes les manoeuvres depuis quatre ans pour conserver le pouvoir (nominations, cabinet noir, utilisation des médias, « arrangement » des comptes et des statistiques, cavalerie budgétaire…)

  • « Le philosophe Karl Popper disait aussi que la principale vertu de la démocratie n’était pas de sélectionner les meilleurs dirigeants, mais de garantir leur départ à une date connue d’avance. »

    Popper ne vit pas les temps actuels (il est mort à peine après le départ de Thatcher), où les dirigeants occidentaux sont interchangeables : Le mari, la femme, bientôt la fille où est la différence ? Quand Obama dit qu’Hillary est la plus jamais qualifiée pour être président, fait-il dans l’humoristique ou le surréalisme ?
    En réalité, Sorman se satisfait très bien de cette vertu puisqu’elle n’a aucun effet : le Système perdure. Changez l’humain n’a aucun effet d’autant que le vote démocratique sera de moins en moins toléré.

    NB: Bien sûr, si Sorman oublie pour une fois Poutine, c’est parce que son article porte sur le thème du bouc émissaire…

    • C’est vrai que Poutine est exactement l’anti Flamby. Intelligent, volontaire, dévoué entièrement à son pays, une réelle résurrection pour la Russie ! Un bel exemple de très bon dirigeant.

      •  » C’est vrai que Poutine est exactement l’anti Flamby. Intelligent, volontaire, dévoué entièrement à son pays, une réelle résurrection pour la Russie ! Un bel exemple de très bon dirigeant.  »

        C’est vrai que la corruption, le manque de liberté économique et médiatique ( 153ème mondial pour le premier et 148ème pour le second. La France fait beaucoup mieux ) , la fuite des capitaux et des cerveaux et le manque de liberté politique avec comme résultat une économie en récession et une inflation record est une réelle résurrection de la Russie un dévouement pour son pays et un bel exemple pour remplacer la politique de Flamby.

        D.J

  • Avec ses gents là, c’est le nivellement par le bas, mais tout leur donne cet agissement. La médiatisation à outrance des catastrophes et surtout le malheur qui est mis en scène par les médias, donne leur raison de vivre à ces dictateurs et terroristes. Merci les médias de leur faire de la pub.

  • Vous avez attendu le « coup » d’état en Turquie pour écrire votre article? pour avoir un autre point commun entre les 3…..
    Donc entre le trés mal, le mal, et le moindre mal on est mal ….

  • Cela fait trop longtemps qu’il n’y a pas eu de guerre généralisée: les gens sont murs. Allons enfants, de toutes les patries….

  • Lorsque le PS, les bobos et les pseudo intellectuels des lédias exploitent la haine du Français et du Chrétien, et qu’en plus les contestataires sont traités de fachos-racisted etc..,comment vous l insérez dans votre logique abscons ????
    Désolé Mr Sorman, votre article ne tient pas.

  • Sorman est une caricature, sorte de Wolfowitz low-cost qui veut laisser notre génération (la sienne s’accroche désespérément au pouvoir) dans une triple dette financière, écologique et géopolitique. Ce faucon atlantiste croit encore que la Russie est un danger et que l’Iran va bombarder Israël. Bref, il a toujours eu tout faux et sert d’idiot (in-)utile à la marraine de tous les lobbies: la belle Hillary. Il est tout de même incroyable que ces pseudo -intellectuels baby-boomers osent encore l’ouvrir. Plus c’est gros, plus ça passe. Trump est clairement non-interventionniste, ce qui, à mes yeux, est le plus important en ces moments incertains. Et dire que Poutine est un dictateur est risible. Il avait plus d’opposition dans les médias qu’Hillary Clinton aujourd’hui ! Mais Hillary les achète (avec l’argent Saoudien). Plus vicieux et fin, mais guère plus démocratique.

  • Le point commun entre les trois dirigeants ciblés dans cet article, c’est leur politique économique libérale. On le savait déjà depuis Pinochet, que les régimes autoritaires s’accommodent très bien du libéralisme économique.

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