IES : l’avenir des libertés individuelles se joue maintenant !

Les libéraux de l’Institute for Economic Studies ont tenu leur Université d’été du 5 au 10 juillet dernier. Au programme : capitalisme vert, entrepreneuriat, éthique individuelle, réglementation et fiscalité.

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IES : l’avenir des libertés individuelles se joue maintenant !

Publié le 2 août 2016
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Par Guillaume Thomas et Danell Benguigui.

IES : l'avenir des libertés individuelles se joue maintenant !
By: Aitor EscauriazaCC BY 2.0

Dirigé par Pierre Garello, l’Institute for Economic Studies organise depuis 1989 des événements similaires dans toute l’Europe. Mais ces rencontres aixoises (qui se déroulaient en même temps que les médiatiques Rencontres Économiques) s’inscrivent dans la continuité des Universités d’été de la Nouvelle Économie Aix organisées par Jacques Garello depuis 1978. À l’époque où le marxisme régnait en maître à l’Université un groupe de jeunes économistes avait relevé le pari fou de redonner ses titres de noblesse au libéralisme en s’appuyant sur les dernières avancées de la recherche en science économique.

L’université d’été de l’IES a réuni cette année près de 60 participants du monde entier (de la Géorgie à l’Amérique Latine, en passant par les pays du Maghreb) dans une ambiance conviviale où intervenants et étudiants se côtoyaient toute la journée, des bancs de l’amphithéâtre aux soirées festives.

Cette Université d’été balayait, au travers des 14 sessions plénières, un large nombre de sujets contemporains qui intéressent les partisans de la liberté individuelle. Les thèmes étaient traités par les universitaires et experts les plus qualifiés dans leur secteur. L’apport principal des intervenants (américains dans leur majorité) était de répondre à la montée en puissance d’un ensemble disparate de critiques anti-libérales qui s’établissent peu à peu dans le paysage intellectuel.

Théorie des Nudges

L’une des tendances à la mode dans les sciences sociales est la théorie des nudges, de l’expression en anglais « donner un petit coup de coude ». Elle renvoie aux dispositifs (souvent mis en œuvre par les pouvoirs publics) incitant les individus à adopter un comportement sans recourir à des moyens coercitifs. Celle-ci a l’oreille des gouvernants1 puisqu’elle permet de légitimer la mise en place des politiques publiques concrètes, notamment en matière de santé et bien-être.

Mario Rizzo, Professeur d’économie à la New York University, l’un des spécialistes reconnus du sujet, en a proposé une présentation et réfutation éclairante. Issu de l’économie comportementale, ce néo-paternalisme considère que l’individu est doté d’une rationalité limitée en raison d’un nombre important de biais cognitifs comme la surestime de soi, la surévaluation des risques, la préférence pour le statu quo etc…

L’idée de base est donc d’orienter, par des moyens prétendument soft (comme les taxes sur le soda ou le gras), le comportement des individus vers la satisfaction des préférences qu’ils auraient s’il n’y avait pas ces problèmes de prise de décision. La première erreur des partisans des nudges est de réfléchir dans le schéma néo-classique qu’ils veulent prétendument détruire : raisonner en termes de fonction d’utilité totale et considérer que l’on peut disposer de l’ensemble des informations nécessaires pour procéder à une décision. En raison de l’imprécision des informations, de nombreux biais d’interactions, il ne peut y avoir de consensus sur les décisions à prendre pour toute la société. Il est impossible de faire des estimations quantitatives des préférences individuelles car celles-ci sont subjectives et dynamiques (elles évoluent dans le temps).

Il y a toujours des effets pervers aux politiques publiques : par exemples les étiquetages obligatoires des calories sur les aliments ont substitué un raisonnement qualité / prix à un calcul calorie / prix. Ensuite l’un des arguments fallacieux des nouveaux paternalistes est de présenter les nudges comme peu coûteuses et soft. Or, ses partisans nous orientent sur une pente glissante (« slippery slope »), puisque les politiques sont imaginées de manière court-termistes avec les biais cognitifs contemporains des décideurs. Par exemple, une taxe sur la junk food peut paraître indolore à court terme, mais une fois en place, elle risque fortement d’être augmentée dans le futur.

L’idée qu’il puisse exister une « main légère » de l’État est fausse, sauf à la comparer à un état de prohibition totale. En réalité, la main de l’État est toujours lourde. Néanmoins, les bienfaits du paternalisme dans la sphère privée ne peuvent être utilisés comme argument anti-libéral. En effet, l’autorité des parents dans une famille peut être nécessaire au bon fonctionnement d’un foyer, tout comme les nudges d’un individu à son semblable (par exemple conseiller à son ami d’arrêter la consommation de tabac). Bien que ces effets soient bénéfiques, ils ne restent valables que dans le cadre privé et l’action étatique ne doit en aucun cas interférer avec ces actions.

Renouveau de l’égalitarisme

Un autre avatar de l’étatisme réfuté par les présentations des universitaires fut le renouveau de l’égalitarisme. Le Professeur François Facchini de l’Université Paris-Sorbonne a ainsi présenté une synthèse des principales faiblesses empiriques et théoriques du bestseller de Thomas Piketty, le Capital au XXIe siècle2. Sa thèse se base sur celle de Marx qui prophétisait que la dynamique de l’accumulation de capital amènerait nécessairement une concentration du capital entre de moins en moins de mains. Le taux de rendement du capital est ainsi plus rapide que l’évolution du PIB, créant une répartition de plus en plus inégalitaire des richesses. Pour lutter contre cela, Thomas Piketty préconise une intervention de l’État pour les corriger avec notamment l’augmentation de la dernière tranche d’impôt sur le revenu.

En réalité, la situation est plus complexe, dans beaucoup de pays d’Amérique du Sud et d’Asie, on assiste depuis plusieurs décennies à une stabilité ou diminution des inégalités, témoignant des effets positifs du libre-échange en la matière pour les pays moins développés. Il existe différentes dynamiques selon les pays, tandis que la mobilité sociale a augmenté, comme le montre l’instabilité importante du classement des grandes fortunes dans des pays comme la France. Le Professeur d’économie a rappelé que depuis 1965, en France, le salaire minimum a été multiplié par deux, tordant ainsi le cou à l’idée que les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. Par ailleurs, comme les économistes Acemoglu et Robinson ont montré, la thèse de Piketty présente des faiblesses empiriques : il est impossible de trouver une corrélation statistique expliquant la hausse des inégalités par l’évolution du taux de rendement du capital par rapport au taux de croissance.

Il ne s’agit que d’un facteur parmi d’autres. En fait, l’augmentation des inégalités du capital est en partie liée à l’augmentation des prix du logement. D’un point de vue théorique, Thomas Piketty fait l’économie d’une réflexion de fond sur la nature des inégalités. Il ne distingue pas les inégalités provenant de la différence de productivité des activités productives (liées au mérite individuel) et les inégalités issues de la recherche de rentes et d’arrangements institutionnels. Or, les inégalités provenant de la rente (remontant au féodalisme) sont injustes car elles dissocient les bénéfices et le mérite individuel. Les revenus dépendent de la capacité de chacun d’obtenir des avantages et des privilèges du pouvoir et non de leur contribution au bien être de la société. À l’inverse, on peut considérer justes les inégalités provenant de la recherche de profit, car comme le soulignait Ludwig Von Mises, le profit correspond à la récompense que les individus attribuent en fonction de la contribution de chacun à l’effort de production.

Pour utiliser un indicateur tenant compte de cette distinction et éviter de mobiliser le simple coefficient de Gini pour calculer l’écart des richesses, l’économiste Anthony Shorrocks propose une alternative : le pseudo-Gini, qui permet de retracer la nature des inégalités et ainsi d’en observer les différentes causes. En sous-estimant les vertus du libre-échange, Piketty propose l’augmentation des taxes, donc l’augmentation des inégalités liées aux rentes et défend finalement un capitalisme de connivence. Les riches deviendront plus riches à cause de règles qui empêchent la compétition de se produire.

Régulations et libertés individuelles

Iaian Murray, économiste au Competitive Entreprise Institute (think tank américain) a présenté les menaces des régulations sur les libertés individuelles. Il a inscrit son intervention dans la lignée du Public Choice, c’est-à-dire l’analyse de la politique comme un marché au sein duquel interagissent des individus motivés par l’intérêt.

Dans cette conception de la politique sans romance, l’objectif des législateurs n’est pas de servir l’intérêt général mais d’augmenter, autant que se peut, leur pouvoir par le moyen de la législation. Chaque réglementation est issue d’une alliance objective entre des idéologues et des lobbys particuliers. L’économiste Bruce Yandle avait déjà identifié cela en observant la coalition des « baptistes » et des « contrebandiers ». Pendant la prohibition, ces deux groupes étaient satisfaits de mettre fin à la compétition en matière de distribution d’alcool. Il y avait alors une alliance de raisons idéologiques (baptistes) et de recherche de rentes pour les autres (contrebandiers).

On assiste au même phénomène aujourd’hui, selon Iain Murray, au niveau de la réglementation de l’énergie fossile où certains lobbys d’entreprises opèrent une alliance objective avec les écologistes. De même, Uber réunit contre lui une coalition de conducteurs de taxis et des partisans de la société sans risques. Les réglementations empêchent des idées nouvelles d’éclore et des entreprises de répondre correctement au besoin du consommateur. De plus, le coût des réglementations est systématiquement passé sous silence. Depuis le célèbre article de Ronald Coase sur le coût social, on sait que la négociation privée conduit à une meilleure efficacité si les coûts de transaction sont plus faibles que le recours à la réglementation.

Dans un certain nombre de situations, il est plus efficient que des entreprises négocient entre elles et s’arrangent sur des compensations financières sans avoir recours au contentieux juridique pour obtenir réparation. De plus, le coût des réglementations est beaucoup plus grand que ce l’on croit souvent et le législateur se concentre davantage sur ce que l’on voit (des promesses d’objectifs) plutôt que sur ce que l’on ne voit pas (le coût de ces réglementations) : ces coûts d’adaptation à la norme, des freins à la croissance de l’entreprise, des freins à l’emploi, et implique une sur-criminalisation des entreprises.

  • Guillaume Thomas est Doctorant en sciences sociales, délégué général de l’École de la Liberté et Danell Benguigui est Étudiant à Sciences Po, membre de Think Libéral.

 

 

  1. Notamment aux États-Unis où elle inspire la politique du gouvernement Obama, Cass Sunstein son théoricien participant directement à son administration : http://www.nytimes.com/2010/05/16/magazine/16Sunstein-t.html
  2. Sa présentation était basée sur l’article suivant : François Facchini, Stéphane Couvreur, « Inequality: The original economic sin of capitalism? An Evaluation of Thomas Piketty’s « Capital in the twenty-first century »», European Journal of Political Economy, 2015, vol. 39, issue C, pages 281-287
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