Par Christophe Yahot.
Un article de Libre Afrique
En Afrique, les pays constamment en proie aux troubles sociaux sont les plus pauvres. L’origine de ces troubles n’est pas que d’ordre économique d’autant que le continent est potentiellement très riche économiquement. Une explication complémentaire à l’origine de ces troubles doit être cherchée ailleurs, notamment dans les rapports politiques entre le peuple et ses représentants, rapports marqués par la non concordance entre ces deux grandes « entités ».
En lieu et place de la concorde entre le peuple et ses représentants pour le bien-être des citoyens, nous nous trouvons malheureusement en présence d’une opposition de plus en plus profonde entre ces deux blocs, au point où l’on assiste désormais à une sorte de rupture totale de confiance entre les peuples et les dirigeants africains. Pourquoi ?
L’ordre social juridique a (est) une histoire. Dans les sociétés très anciennes prévalait le droit de chacun de veiller à son propre intérêt, voire de se rendre justice. Dans ces sociétés pré-politiques caractérisées par la vendetta, l’idée même de société de droit n’existait pas1. Mais les choses sont-elles meilleures aujourd’hui dans nos sociétés africaines où l’on chante à longueur de journée le fait que nous vivions dans des États de droit ?
Contrat social fondé sur l’égalité
L’on se souvient qu’après le système monarchique, on est passé depuis le XVIIIe, siècle des Lumières, aux sociétés républicaines modernes où les hommes sont théoriquement liés par un nouveau contrat social fondé sur l’égalité de tous les hommes, la liberté de chacun, la laïcité et, surtout le règne du droit.
Mais après tant d’années d’expériences et d’expérimentations, nos États devenus indépendants semblent incapables de parvenir à l’édification d’un véritable État de droit. À première vue, les violations des droits et libertés des citoyens, les violences électorales et post-électorales, les rébellions, les coups d’État armés ou constitutionnels, les violations flagrantes de la loi fondamentale, etc. constituent le spectacle récurrent que nous offrent les sociétés modernes africaines. Qu’est-ce qui ne va pas ?
Certes, l’État de droit, partout dans le monde, n’est qu’une possibilité, un idéal auquel aspire tout peuple à vivre dans des conditions où le contrat républicain est appliqué et respecté par tous. Malheureusement, cette aspiration demeure en Afrique un mirage ou dans certains cas un simple slogan politique. Néanmoins, parmi toutes les difficultés, deux faits majeurs retiennent souvent l’attention : l’absolutisme des dirigeants, la passivité voire l’indifférence des citoyens face à la conduite et à la gestion de la chose publique.
D’abord, du côté de l’élite politique, l’édification de l’État de droit semble plutôt laisser place à l’exercice d’un despotisme avançant à visage masqué sous le couvert de la démocratie représentative. L’État, loin d’incarner la volonté du peuple, semble se muer en un instrument idéologique au service de groupes particuliers égoïstes et partisans qui font et défont la loi au gré de leurs intérêts. Ainsi, le philosophe allemand Fichte, il y a bien longtemps, soulignait-il le fait que « Le droit règne jusqu’à un certain point dans le monde ».
Dans l’ensemble, il règne en outre plus qu’il n’a régné dans aucun état antérieur du monde ; mais il s’en faut de beaucoup pour qu’il soit établi partout »2. Oui, le droit est proclamé partout, mais la loi reste à la merci des princes et de quelques individus manipulateurs. Dans cette perspective, l’un des écueils qui inquiète le plus dans l’édification de l’État de droit en Afrique réside bien dans la non-concordance entre le peuple et ses représentants. Le contrat social est constamment transgressé, d’où la rupture de confiance entre les citoyens, entre le peuple et l’État, etc.3 Or la confiance est la pierre d’achoppement des théories de la fondation du pouvoir.
La majorité silencieuse africaine
Ensuite, concernant les gouvernés, il faut dire que cette majorité silencieuse qui mène un combat quotidien pour sortir du gouffre de la misère n’a pas vraiment le temps d’assumer pleinement ses droits et devoirs. Mais, la plupart du temps, elle ne veut pas, ou juge inutile de s’engager dans des débats politiques jugés trop complexes et se contente de subir les orientations dictées par les pirates politiques, surtout que, pour elle, les choses se suivent et se ressemblent toujours. Mais il y a là comme un cercle vicieux. D’une part, l’absolutisme des dirigeants, leur propension à placer leurs propres intérêts au dessus de l’intérêt collectif engendre la paupérisation et la culture de la passivité.
D’autre part, cet état d’impuissance des citoyens ne facilite guère leur pleine participation à la vie politique. Dès lors, les politiciens peuvent faire ce qu’ils veulent en jouant sur l’incapacité du peuple souverain à bien comprendre les choses ; les populations, elles, se complaisent de plus en plus dans le rôle du troupeau prêt à suivre aveuglément le berger, même sachant qu’il les conduit vers des pâturages incertains.
Sur qui faut-il compter ? Le berger ou le troupeau ? Le représentant ou ses mandataires ? La confiance ayant disparu, la seule certitude est que, pour l’État de droit, il faudra patienter…
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- Il est ici question de Droit et non de Loi, au sens de la nécessité d’aménager sous des modalités légales la coexistence nécessaire ou la compossibilité des libertés individuelles. Ainsi, le droit ne vise pas directement la prospérité et le bonheur des individus, mais il a pour but, dit Kant, de pacifier la collectivité au moyen de la coercition : « Il est associé à la faculté de contraindre », in, Métaphysique des mÅ“urs, II, trad. A. Renaut, GF-Flammarion, 1994, § D, p. 17. ↩
- Fichte, Doctrine de l’État, 1813, trad. F. Albrecht, Paris, J. Vrin, 2006, p. 80. ↩
- Les magistrats, censés faire respecter le droit et la loi sont eux-mêmes souvent obligés de mener une terrible lutte pour obtenir et garantir leur autonomie vis-à -vis de l’exécutif. Mais de manière générale, les relations incestueuses entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire continuent d’entraver la marche vers l’État de droit dans la plupart des pays africains. ↩
La question est que l’Afrique souffre de grands maux, et essentiellement de l’ethnisme et de la corruption.
Les questions ethniques dominent largement les élections. Par conséquent, sauf situation particulière, la démocratie donne le pouvoir à une partie de la population.
Laquelle va largement se servir.
L’Etat appartenant au clan au pouvoir, il sert de pompe aspirante à million.
Et comme la fonction publique est peu payée ou tout simplement rarement payée, elle se sert sur la population.
D’où une corruption généralisée.
L’essentiel est dit.
Imaginons que nous ayons toujours les tribus gauloises qui ne se seraient pas dissoutes dans le creuset gallo-romain qui a duré six siècles pour la Gaule du sud (la Narbonnaise) et cinq pour la Gaule du nord (Lyonnaise et Belgique).
L’Afrique, c’est cela et la hiérarchie « au village » prime toujours sur la hiérarchie « à la ville ».
Les Etats calmes sont ceux où il n’y a pas eu de graves conflits tribaux dans le passé récent ou lointain et où la palabre peut fonctionner. Pour les autres, il y a la tribu dominante qui est celle du président, en dessous une ou plusieurs tribus vassales que la tribu dominante récompense en leur octroyant quelques ministères qui rapportent – les petits cadeaux renforcent l’amitié – et enfin les tribus serves qui n’existent tout simplement pas.
Une capitale africaine est une ville où se juxtaposent des quartiers tribaux avec une hiérarchie qui est celle en vigueur dans le pays.