Par Guillaume Thomas et Danell Benguigui.
L’un des arguments les plus récurrents des anti-libéraux est de désigner l’entrepreneur comme ennemi des valeurs morales. La poursuite des intérêts individuels et l’intérêt de la société seraient antinomiques et nécessiteraient l’intervention de l’État pour concilier les deux et définir des fins collectives. Une autre tendance des adversaires du marché est de conférer à l’État le soin de définir le bien et le mal, et les fins légitimes que chacun devrait poursuivre.
Des individus entrepreneurs d’éthique
Alors que Mario Rizzio a démontré au cours de l’Université d’été de l’Institute for Economic Studies les effets pervers du néo-paternalisme, le philosophe Douglas B. Rasmussen, professeur à l’Université St. John’s de New York, a proposé d’inverser le raisonnement en suggérant de faire des individus des entrepreneurs de leurs normes éthiques.
Il a défini dans son ouvrage Norms of liberty : perfectionnist basis for non-perfectionnist policies les normes de la liberté, de manière assez classique, comme des “méta-normes” non liées à la culture mais basées sur des droits négatifs : droit à la vie, propriété privée, absence d’un monopole de la violence. Sa présentation intitulée L’entrepreneur comme héros moral proposait d’explorer le champ de la philosophie éthique en se basant sur les acquis de la science économique mettant le comportement de l’entrepreneur au cœur de l’analyse.
À rebours des conceptions socialistes pour qui « tout est politique » ou juridique, l’éthique normative a pour but d’évaluer moralement les individus et leurs choix de vie indépendamment de la définition de normes juridiques. En effet, les règles législatives universelles doivent être indépendantes des valeurs du bien et du mal qui sont proprement subjectives. En empruntant le modèle téléologique néo-aristotélicien, on étudie l’épanouissement humain comme le résultat des différentes interactions entre l’individu et le monde et comme processus de découverte des plaisirs de la vie.
La vertu chez Aristote correspond à un état de caractère dépendant de la capacité à se donner un moyen relatif à une fin, à partir d’une sagesse pratique (ce qui diverge entièrement du respect des normes législatives). Pour Douglas Rasmussen, l’individu doit se comporter de la même manière en matière éthique qu’un entrepreneur sur un marché. Selon Israël Kirzner, l’entrepreneur doit pouvoir s’adapter aux circonstances changeantes et trouver des opportunités dans toutes les situations.
En entrepreneuriat éthique, le but est multidimensionnel ; il faut trouver la perfection dans différentes activités et adopter un comportement d’ouverture à toutes les opportunités définissant la manière dont la vie fonctionne. Le temps, les circonstances et les situations influent sur le rapport à la vie d’un entrepreneur et son ouverture sur le monde.
L’opportunité éthique de l’entrepreneuriat
Le but d’une vie est l’opportunité éthique, ce qui revient à la même chose que la recherche de profit dans le monde des affaires : devoir s’adapter et changer ses préférences pour faire face à tout type de situation. Dans un tel paradigme, c’est la connaissance pratique qui prime, et non la connaissance théorique : on doit pouvoir adapter notre savoir à nous-mêmes et aux circonstances.
L’économiste autrichien Joseph Schumpeter abonde en ce sens avec sa théorie de la destruction créatrice : les échecs créent de nouvelles opportunités dans le futur, ce qui dépend donc de chaque individu et est indépendant de toute éthique universelle. Bien que nous devions pouvoir nous adapter à toutes les circonstances, nous devons en même temps garder certains principes qui nous sont propres.
Les détails des situations ont donc une place très importante pour orienter notre comportement, ainsi que la confrontation de ces détails à nos principes. Comme il est impossible de détenir une information parfaite des circonstances pour chaque situation, il est indispensable de refuser les solutions a priori car nous ne pouvons pas prévoir nos comportements sans les détails des situations. Rasmussen a brillamment fini cette présentation en la synthétisant en une phrase ethics is an entrepreneurial enterprise.
Les avatars de l’anti-libéralisme contemporain présentent très souvent le libéralisme comme manque de responsabilité et absence de régulation. Cette rhétorique puise ses arguments d’une suite de présupposés fallacieux concernant la liberté. En général, lorsque l’on évoque l’idée de liberté, beaucoup de personnes imaginent le fait de n’avoir aucune obligation, aucun engagement, aucune responsabilité, et n’avoir à respecter aucune loi.
Dans ce système, les individus seraient hors de contrôle et égoïstes. Par contre, lorsqu’on évoque le terme de responsabilité, on y associe le plus souvent le paternalisme des plus âgés et un mode de vie ennuyeux en général. C’est ainsi que Tom G. Palmer a commencé sa présentation basée sur son livre à paraître “Self-control or State control? You decide”.
Loin d’opposer les deux termes, il a essayé de montrer que responsabilité et liberté étaient intimement liées, car nous ne pouvons profiter de l’une longtemps sans subir l’autre. Comme l’écrivait Friedrich Hayek, « liberté et responsabilité sont inséparables ».
Cependant, la responsabilité n’est pas le prix de la liberté, c’est sa récompense. En effet, pouvoir dire “j’ai fait cela” est une des plus grandes satisfactions possibles. Une vie morale n’est possible qu’avec des individus libres et responsables.
Identité individuelle et responsabilité morale
Les niveleurs (XVIIe siècle), premier groupe libéral conscient de son statut, considéraient l’identité individuelle et la responsabilité morale comme des piliers de leur combat. Cependant l’attribution des responsabilités ne présuppose pas que nous soyons tous rationnels.
Friedrich Hayek expliquait que l’individualisme n’était pas lié à l’idée que tous les individus étaient rationnels et intelligents mais plutôt capables de faire des erreurs : « les hommes sont parfois bons, parfois mauvais, parfois intelligents et très souvent stupides ». Néanmoins, il est possible d‘améliorer notre rationalité et d’agrandir notre fibre morale en exerçant notre liberté.
John Tierney, scientifique américain, dans un article dans le New York Times, a expliqué comment augmenter notre willpower (pouvoir de volonté) en adaptant nos habitudes et en appréhendant les situations qui bercent notre vie pour acquérir une meilleure compréhension de ceux qui nous entourent, de leurs intérêts et de leurs droits.
Un haut degré de self-control permettrait de parvenir à la création d’une société d’individus égaux en droits vivant librement ensemble dans un ordre étendu. Le gouvernement nous bride en ne nous laissant ni la liberté ni la responsabilité de choisir nous-mêmes.
L’État-Providence détruit nos normes et notre confiance sociale. Si l’on prend par exemple la prohibition des drogues aux États-Unis, 43.982 personnes sont mortes d’overdose en 2013 et tous les médecins s’accordent pour dire que ces décès proviennent de l’illégalité des drogues et du type de pratiques qui en résulte : des aiguilles mal nettoyées, des doses trop fortes, des drogues de mauvaise qualité etc…
Palmer a conclu sa présentation sur les différentes manières d’améliorer notre rationalité et notre self-control qui sont de nature à amoindrir la demande d’une régulation de l’État. En effet, le self control permet d’aider les individus à prendre de bonnes décisions pour eux-mêmes, créant des effets bénéfiques qui se retransmettront à tout le monde. Ainsi, éduquer davantage de personnes sur le self-control permet de réduire la demande d’État et bénéficie ainsi à la promotion des idées libérales tout en augmentant le bien-être social.
- Guillaume Thomas est Doctorant en sciences sociales, délégué général de l’École de la Liberté et Danell Benguigui est étudiant à Sciences Po, membre de Think Libéral.
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« Loin d’être un être immoral uniquement guidé par le calcul et l’intérêt »
Mais si, mais si, l’entrepreneur est un être guidé par le calcul et son propre intérêt. De tenter de nier cet état de fait c’est faire le jeu des socialistes. Vous entrez dans un débat où il s’agit de montrer que l’entrepreneur est ou n’est pas égoïste, alors qu’il est aisé de montrer qu’à part Jésus Gandhis et Bouddha à peu près tout le monde est égoïste. Ce débat moral là est perdu d’avance, parce qu’il permet aux socialistes une fois l’égoïsme de l’entrepreneur aisément montré (ne martelez-vous pas sans cesse vous mêmes que la fonction d’une entreprise c’est de faire du profit?) de venir avec l’alternative d’une organisation socialiste ne reposant prétendument pas sur l’égoïsme.
La question de fond, ce n’est pas l’égoïsme de l’entrepreneur, tout le monde est égoïste, sans exception. La question de fond c’est de savoir comment les individus satisfont leur égoïsme. C’est là que nous gagnons le débat sur la moralité.
L’entrepreneur est un homme (ou une femme) guidé par le calcul et l’intérêt. Ayant conscience de cela, il se demande comment il pourrait obtenir une amélioration de l’ordinaire de sa vie, de façon à satisfaire son égoïsme.
Voyant qu’il est capable de le faire grâce à l’échange, il s’ensuit qu’il fournit un effort pour produire un bien, le vend, puis avec le revenu en achète un autre en retour.
Pour augmenter sa propre utilité, il augmente celle des autres: Il sert les autres en leur fournissant des biens qu’ils sont prêts à payer parce qu’utiles pour eux avant d’obtenir en retour une valeur équivalente par ses propres achats.
C’est le propre de l’échange libre et volontaire.
Le socialiste est un homme (ou une femme) guidé par le calcul et l’intérêt. Se cachant à lui-même son égoïsme personnel et en gérant l’image qu’il renvoie aux autres pour apparaître sous un jour positif, il se demande comment il pourrait obtenir une amélioration de l’ordinaire de sa vie, sans que l’on voit qu’il satisfait par la même son égoïsme.
Voyant qu’il est incapable de le faire grâce à l’échange, Il s’ensuit qu’il invente une théorie injuste mais se parant des atours de la justice et d’un prétendu bien commun, puis sur cette base il saisit de force les revenus issus de l’effort d’autrui, pour se les approprier.
Pour augmenter sa propre utilité, il réduit celle des autres: il vole les autres en leur prenant de force le produit de leur effort et travail et décide de sa répartition entre lui et ses amis socialistes qui le soutiennent dans sa démarche. Pour se donner bonne conscience et essayer de faire croire que ce qu’il fait est moral, il prétend fournir en échange un service que les autres sont obligés de prendre qu’ils le veuillent ou non.
C’est le propre de l’esclavage.
Et c’est de cette différence, que l’on comprend que même si l’entrepreneur est un homme guidé par le calcul et l’intérêt, comme n’importe qui, la méthode qu’il choisit pour satisfaire son égoïsme est moralement bien meilleure que celle du socialiste.
Je ne peux qu’abonder dans votre sens : présentez les choses ainsi (à la manière de l’article), vous faîtes le jeu des socialistes et vous leur offrez la victoire sur un plateau.
A contrario, votre commentaire rejoint et illustre à merveille l’échange que j’ai eu avec SocialRaph dans les commentaires de l’article sur le triomphe posthume du marxisme. Alors que je voulais insister sur la distinction stricte et nécessaire entre le droit et la morale (ou l’éthique), le premier seul relevant de l’État et c’est sur ce terrain que se joue les échanges économiques libres et volontaires (fondés sur les intérêts respectifs de chaque partie, ce qui relève du pragamatisme comme tous les principes dont il est fait allusion dans l’article, et n’a rien à voir avec la morale); tout en pointant du doigt l’injustice flagrante qu’il y a lorsque l’État veut s’emparer de la seconde question, raison pour laquelle j’exècre l’État-Providence.
Il en ait résulté que mon interlocuteur ne voyait pas où je voulais en venir avec cette citation (et ce n’est pas faute d’avoir graisser le passage clé) :
« Supposez encore que quelqu’un vous recommande un homme comme un régisseur auquel vous pourriez confier aveuglément toutes vos affaires, que, pour vous inspirer confiance, il le vante comme un homme prudent, qui entend supérieurement son propre avantage, comme un homme actif, infatigable, qui ne laisse passer aucune occasion sans en tirer profit ; supposez enfin que, pour ne pas vous laisser craindre de trouver en lui un égoïste vulgaire, il le vante comme un homme qui s’entend à vivre délicatement, qui cherche sa satisfaction, non en amassant de l’argent ou en se livrant à une sensualité brutale, mais en étendant ses connaissances, en fréquentant une société choisie d’hommes instruits et même en faisant du bien aux indigents, qui, du reste quant aux moyens (qui ne tirent leur valeur ou leur non valeur que du but poursuivi), n’hésiterait pas à employer l’argent et le bien d’autrui, comme s’ils lui appartenaient en propre, pourvu qu’il sache qu’il peut le faire sans être découvert et sans rencontrer d’obstacles, vous croiriez que celui qui vous recommande cet homme se moque de vous ou qu’il a perdu la raison. »
Kant, Critique de la raison pratique (principes fondamentaux de la morale).
et que j’ai finalement obtenu comme réponse :
« L’Etat providence est justement ce qui permet, par l’anonymat de l’aide, à chacun d’exercer ses capacités et sa liberté en tant qu’individu et de réaliser une forme d’indépendance sans se sentir obligé vis-à-vis des autres. »
C’est à croire que, décidément, les socialistes n’arrivent pas à comprendre ce que Bastiat entendait par spoliation légale.
J’ai commis une erreur de syntaxe en voulant pointer le lien de la discussion, le voici : http://www.contrepoints.org/2016/08/11/262782-triomphe-posthume-marxisme#comment-1235128
Mon cher Turing, à partir de quel niveau définissez-vous la spoliation légale?
Je ne suis pas un expert de Bastiat donc j’ai essayé de lire rapidement un article qui pourrait m’expliquer ce qu c’est que cette spoliation légale.
http://fr.liberpedia.org/Spoliation_l%C3%A9gale
Si je cite Bastiat
« Il faut examiner si la Loi prend aux uns ce qui leur appartient pour donner aux autres ce qui ne leur appartient pas. Il faut examiner si la Loi accomplit, au profit d’un citoyen et au détriment des autres, un acte que ce citoyen ne pourrait accomplir lui-même sans crime. »
vous considérez la spoliation légale à partir du 1er centime, puisqu’en effet si je vole un centimes à qqun je suis un criminel. Dès lors je crains que dans cette situation il n’y ait pas vraiment de débat à avoir, vous rêver d’une société utopique et c’est votre droit.
Par contre il est possible d’ouvrir une discussion, si vous acceptez qu’on puisse taxer à un niveau raisonnable, et ouvrir alors un autre aspect de cette spoliation légale (si j’ai bien compris) qui est celle que les élites seraient des prédateurs. Là en effet une vraie critique peut être émise et représente un réel problème qu’il faudrait corriger et avec lequel je serai certainement d’accord avec Bastiat.
Je n’ai personnellement pas d’utopie, ni d’idéal absolu. Je ne suis ni pour une société où toute contrainte sur les individus serait abolie, ni pour une planification totale. L’article parle de la vertu chez Aristote. je complèterai par une citation justement d’Aristote « La vertu est donc une sorte de moyenne, puisque le but qu’elle se propose est un équilibre entre deux extrêmes ». Je suis plutôt un adepte de cette pensée. Et vous serez peut-être étonné mais je pense que la concurrence est une bonne chose, que ce sont les entrepreneurs qui créé la richesse, et je pense en effet qu’on ne peut pas décréter quel est le bon mode de vie et je suis libéral sur tous les sujets de société
Par contre une partie de ma vision du monde (et c’est en effet là que je fais un peu tâche sur ce site 🙂 ) c’est que tous les degrés de liberté ne se valent pas. Si le contraire de toutes les portes sont fermées c’est en effet au moins une porte est ouverte, le contraire d’être libre ce n’est pas il existe au moins une contrainte qui pèse sur moi que je n’ai pas acceptée librement.
Dès lors un impôt, une contrainte réglementaire n’est pas pour moi une spoliation légale ou une entrave à ma liberté.
Comme dit libertarien en effet le principe de la répartition c’est de réduire l’utilité des uns pour augmenter celle d’autres ou de soi-même (parce qu’en effet lorsque je défends un peu de répartition, je ne la défends pas pour mon moi actuel qui n’en bénéficiera pas, mais pour le moi que j’aurais pu être, concept en effet beaucoup plus difficile à évaluer…). Et ce principe est basé sur l’idée que certaines utilités valent plus que d’autres. Fournir une éducation à tous a plus de valeurs, que l’utilité que vous auriez tiré du revenu économisé sans impôt.
Et j’ai relu votre extrait de Kant et je crois l’avoir compris enfin: ce pour quoi je loue l’Etat, ma confiance à lui donner de l’argent pour qu’il l’utilise afin d’atteindre des buts qu je juge importants et lui laisser une quasi totale liberté sur la façon d’utiliser cet argent, je trouverai cela stupide chez un homme auquel on attribuerati les qualités que j’attends de l’Etat. Si j’ai bien compris, je me permettrais en toute modestie de contredire Kant en lui répondant que l’Etat n’est pas un homme, ce sont des hommes, avec des jeux de pouvoir et de contre-pouvoirs. L’argumetn est donc un peu léger mais n’ayant pas le contexte total c’est une simple contradiction par rapport à l’extrait que vous avez donné.
La phrase « vous considérez la spoliation légale à partir du 1er centime, puisqu’en effet si je vole un centimes à qqun je suis un criminel. » éatit en fait une question pas une affirmation. Lisez donc la comme une interrogation. Je ne présume pas de votre vision du monde et le dès lors la conclusion qui en découlerait si la réponse était oui 🙂
« que l’Etat n’est pas un homme, ce sont des hommes, avec des jeux de pouvoir et de contre-pouvoirs. »
Tout à fait, tous ne veulent pas spolier la population (à part les dictatures). Mais d’autres données viennent compliquer la donne. L’état est un groupe social comme un autre et qui aura donc tendance à privilégier son groupe au détriment des autres, donc à notre détriment (sans compter qu’il réfléchi en vase clos et prétend apporter des solutions à ceux qu’il connait peu ou pas). Dans la réalité on s’aperçoit également que notre système ne nous donne pas une grande influence et un pouvoir de contrôle sur les décisions étatiques qui ne nous seront pas forcément favorables et/ou en phase avec les réalités objectives. On revient donc au point de départ face à la problématique que soulève Kant, mais aussi celle de spoliation légale (consciente ou non de la part de l’état).
Ne pas avoir d’état est bien sûr irréaliste dans des sociétés comme les nôtres, en revanche avoir conscience du problème dans le but d’améliorer l’existant pour avoir plus de contrôle de la part du non-état sur l’état n’est pas du domaine de l’utopie. Tout comme avoir une réflexion sur sa taille, son domaine d’influence et sa manière interne de fonctionner.
Pour répondre à votre question : je ne suis pas opposé au principe de l’impôt, l’État est une institution nécessaire (dont l’unique mission est d’assurer et de garantir les droits des citoyens qui le composent) et chacun doit participer, en fonction de ses capacités, à ses coûts de fonctionnement. Je suis opposé au principe de l’impôt qui consiste à prendre aux uns pour donner aux autres, sans raison, au nom de je ne sais quelle redistribution des richesses. De quel droit l’État redistribue des biens qui ne lui appartiennent pas ?
« Faire intervenir l’État, lui donner pour mission de pondérer les profits et d’équilibrer les fortunes, en prenant aux uns, sans consentement, pour donner aux autres, sans rétribution, le charger de réaliser l’œuvre du nivellement par voie de spoliation, assurément c’est bien là du Communisme. Les procédés employés par l’État, dans ce but, non plus que les beaux noms dont on décore cette pensée, n’y font rien. Qu’il en poursuive la réalisation par des moyens directs ou indirects, par la restriction ou par l’impôt, par les tarifs ou par le Droit au travail ; qu’il la place sous invocation de l’égalité, de la solidarité, de la fraternité, cela ne change pas la nature des choses ; le pillage des propriétés n’en est pas moins du pillage parce qu’il s’accomplit avec régularité, avec ordre, systématiquement et par l’action de la loi. »
Bastiat, Protectionisme et Communisme.
Pour vous faire une idée plus complète de ce que Bastiat entendait par spoliation légale, vous trouverez son œuvre complète sur wikisource. Ses premiers pamphlets permettent de bien cerner la problématique.
Vous pouvez tout à fait vous permettre de contredire Kant, il n’y a pas de problème à cela. D’ailleurs c’est plutôt à moi que votre reproche s’adresse : dans cet extrait Kant ne traite pas de l’État, mais d’une personne fictive. Cela étant les libéraux, comme Bastiat ou moi, considèrent que ce qu’un homme ne peut faire de lui-même sans commettre une injustice, il peut encore moins demander à l’État de le faire pour lui : voilà ce qu’est la spoliation légale. Si un homme le fait, c’est du vol et de la spoliation, mais si c’est l’État qui le fait c’est légal ! Cela revient tout bonnement à institutionnaliser la spoliation, et détourner l’État pour agir à l’encontre de sa mission première : protéger, garantir et assurer la légitime propriété des citoyens.
Pour répondre à ce passage de votre message : « ce pour quoi je loue l’Etat, ma confiance à lui donner de l’argent pour qu’il l’utilise afin d’atteindre des buts qu je juge importants et lui laisser une quasi totale liberté sur la façon d’utiliser cet argent, je trouverai cela stupide chez un homme auquel on attribuerati les qualités que j’attends de l’Etat ». Si vous jugez ces buts comme importants, alors associez vous à d’autres personnes et engagez votre argent dans ces projets, mais n’obligez pas d’autres d’y engager le leur en invoquant la contrainte législative : c’est tout bonnement du vol déguisé !
Au sujet de la définition aristotélicienne de la vertu, comme je suis kantien, je la trouve ridicule et vide de sens.
« De l’avarice
Je n’entends pas ici par ce terme l’avarice cupide (qui vise à étendre son acquisition des moyens de bien vivre au-delà des limites correspondant au vrai besoin), car celle-ci peut être considérée comme une simple atteinte portée à son devoir (de bienfaisance) envers les autres; ni non plus l’avarice parcimonieuse, qui, lorsqu’elle est outrageante, est appelée mesquinerie ou ladrerie, mais peut n’être cependant chez l’avare qu’une négligence de son devoir d’amour envers autrui. Ce que je vise en fait, c’est la restriction de sa jouissance personnelle des moyens de bien vivre au-dessous de la mesure du véritable besoin : c’est à cette avarice que je pense ici telle qu’elle entre en contradiction avec les devoirs envers soi-même.
De la condamnation de ce vice, on peut faire un exemple clair pour montrer l’inexactitude de toutes les définitions des vertus aussi bien que des vices par le simple degré, et du même coup pour montrer ce qu’a d’inutilisable le principe aristotélicien selon lequel la vertu réside dans le juste milieu entre deux vices.
De fait, si je considérais la bonne économie comme un milieu entre la prodigalité et l’avarice, et que ce milieu le fût quant au degré, un vice ne pourrait se transformer dans le vide opposé qu’en passant par la vertu, et celle-ci ne serait rien qu’un vice diminué ou plutôt en cours de disparition, et il en résulterait dans le présent cas que l’authentique devoir de vertu consisterait à ne faire nul usage des moyens de bien vivre.
Ce n’est pas la mesure de la mise en pratique des maximes morales, mais leur principe objectif qu’il faut reconnaître et exposer comme différent quand un vice doit être distingué de la vertu. La maxime de l’avarice cupide (celle du prodigue) est de se procurer et de conserver tous les moyens de bien vivre dans l’intention d’en jouir. Celle de l’avarice parcimonieuse est au contraire d’acquérir, aussi bien que de conserver, tous les moyens de bien vivre, mais sans intention d’en jouir (c’est-à-dire de telle manière que ce soit, non la jouissance, mais uniquement la possession qui constitue la fin).
La caractéristique propre de ce dernier vice réside donc dans le principe qui consiste à posséder les moyens appropriés à toutes sortes de fins, avec cette réserve toutefois qu’on ne veut pour soi en utiliser aucun et qu’on se prive de l’agréable jouissance de la vie – ce qui, du point de vue de la fin, est directement à l’opposé du devoir envers soi-même*. Prodigalité et parcimonie ne sont donc pas différentes l’une de l’autre par le degré, mais spécifiquement, à travers l’opposition de leurs maximes.
* Le principe selon lequel, pour aucune chose, on ne doit faire ni trop ni trop peu, ne signifie rien; car il est tautologique. Que signifie trop ? Réponse : plus qu’il n’est bon. Que signifie trop peu ? Réponse : faire moins qu’il n’est bon. Que signifie : je dois (faire ou éviter quelque chose) ? Réponse : il n’est pas bon (il est contraire au devoir) de faire plus ou moins qu’il n’est bon. Si c’est là la sagesse que nous devons aller chercher chez les Anciens (Aristote), en les considérant comme ceux qui étaient le plus proche de la source, dans ce cas nous avons fait un mauvais choix en nous tournant vers leurs oracles. »
Kant, Doctrine de la vertu.
🙂
Justement il y aurait peut-être de bonnes idées entrepreneuriat éthique pour ceux qui ne seraient pas au courant. L’armée américaine a développé des techniques écologiques susceptibles d’offrir des perspectives dans la création de carburant, insecticide, dépollution de marée noire, etc. Le tout en se basant sur de simples champignons (apparemment c’est pas des blagues, si d’autres en savent plus …) :
Si ce sont de bonnes idées, pourquoi ceux qui les ont ne les développent-ils pas eux-mêmes ?
J’imagine que c’est ce qu’ils doivent être en train de faire, l’armée us n’a certainement pas investi pour rien. Mais le morceau est gros vu les conflits d’intérêt que cela peut générer au regards des applications possibles, ça touche le secteur des multinationales (énergie, chimie agricole, etc). Multinationales qui pourraient aussi reprendre le concept pour éviter de perdre des parts de marché.
Après j’en sais pas plus, c’est pas mon domaine.