Par Guillaume Thomas et Danell Benguigui.
Inégalités, sécurité, écologie, récession, chômage sont des thèmes récurrents dans le débat public aujourd’hui et les libéraux subissent de vives critiques sur leurs solutions potentielles à ces enjeux. Cependant, les réponses socialistes et planistes ne cherchent que rarement les causes véritables de ces problèmes et préfèrent trouver des groupes fautifs aussi faciles à dénoncer qu’il n’est difficile d’en définir les contours précis : les riches, les banques, les entrepreneurs….
Lors des différentes conférences qui ont eu lieu entre les murs de la faculté de Droit d’Économie et des Sciences de l’Université Aix-Marseille pendant le séminaire d’été de l’Institute for Economic Studies, les multiples intervenants, venus pour la plupart d’outre-Atlantique, ont proposé des pistes qui, tout en étant concrètes, s’appuient sur des années de recherche en sciences sociales. Au préalable, des économistes présents comme Pierre Garello ou Alberto Mignardi n’ont pas manqué de rappeler les effets désastreux des approches top-down pour faire face à des problèmes récurrents comme la pollution des rivières ou encore les politiques industrielles.
Se basant sur la théorie (notamment Ronald Coase et Elinor Ostrom) et l’étude de cas (Alberto Mignardi a présenté les désastres des monopoles industriels italiens), ils n’ont eu aucun mal à démontrer la supériorité d’une logique bottom-up basée sur la société civile et l’entrepreneuriat face à une logique top down s’appuyant sur des politiques publiques imaginées par quelques intellectuels souhaitant régir la société dans un bureau.
Réponses libérales aux problèmes environnementaux
Des professionnels du secteur environnemental et des entrepreneurs ont quant à eux présenté les réponses libérales aux différents enjeux environnementaux, notamment lors de la journée consacrée à ce thème par l’ICREI (l’International Center for Research on Environmental Issues dirigé par Max Falque). On pensait que la chute du mur de Berlin allait définitivement discréditer les idéologies planistes. Mais l’anti-capitalisme a réussi à se réinventer. Il a réussi à mobiliser un nouvel arsenal idéologique, non plus dirigé vers les enjeux relatifs à la production et la répartition des richesses, mais vers des finalités écologiques.
Or, la montée de l’écologie politique est allée de pair avec la propagation de la croyance selon laquelle les logiques capitalistes étaient incompatibles avec la préservation de l’environnement. Cet enjeu nécessitait alors l’utilisation de moyens politiques centralisés pour conserver les ressources naturelles et limiter la pollution de l’environnement : la planification écologique.
La renaissance du rouge (les idéaux collectivistes) sous les habits du vert (les prétextes environnementalistes) pose de nouveaux défis aux partisans de la liberté individuelle comme John Baden et Paul Schwennesen. Le premier, Président de la Fondation pour la recherche sur l’économie et l’environnement, s’est appuyé sur l’exemple américain en matière de conservation des ressources et la prolifération des parcs publics nationaux.
Le plus vieux d’entre eux est celui de Yellowstone. Sans nier les résultats qu’il a pu obtenir en matière de protection des espèces, Baden a soutenu néanmoins que la bonne gestion de ces parcs est menacée par les intérêts catégoriels qui gravitent autour et la gestion bureaucratique qui en résulte.
Pourquoi ne pas confier la gestion de ces parcs à des organisations à but non lucratif, scientifiques ou communautaires attachées à ces enjeux de conservation ? Ce serait en effet un geste qui irait dans le sens de plus de subsidiarité. Ainsi qu’on peut le constater, les parcs nationaux peuvent remplir leurs objectifs en matière de conservation de la faune et de la flore. Même si le critère d’efficacité semble respecté, on oublie régulièrement qu’il n’est pas suffisant. Il faut en effet ajouter à cela un critère d’efficience. Ou pour le dire plus simplement : la protection de l’environnement doit être assurée selon un coût acceptable.
On en vient alors à constater que la notion de coût acceptable est proprement subjective et individuelle. Il résulte de ce fait qu’il est impossible pour les planificateurs d’imputer correctement les préférences des individus et de définir une politique environnementale véritablement utile pour les citoyens. L’entrepreneuriat serait donc une voie plus cohérente à explorer et la privatisation des parcs nationaux apporterait la preuve de cette efficacité. Il a d’ailleurs donné quelques indications en comparant l’efficience de parcs publics et purement privés témoignant clairement de la supériorité de la gestion des seconds sur les premiers.
Il est par ailleurs paradoxal de voir les écologistes blâmer les logiques de marché et le processus entrepreneurial. Après tout, le marché n’est-il pas l’instrument de gestion de la rareté par excellence grâce au système de prix qui fournit les informations à des millions d’individus sur l’état d’une ressource ?
Entreprise et agriculture
Si les enjeux environnementaux consistent notamment à être dans la capacité de sauvegarder des ressources rares, alors la logique de marché est justement la méthode la plus adéquate. C’est justement cet esprit d’entreprise que va chercher à promouvoir Paul Schwennesen, propriétaire d’un ranch en Arizona, intellectuel agrarien engagé. Celui-ci a rappelé que l’entrepreneuriat correspondait moins à un phénomène d’accumulation des richesses qu’à un processus de découvertes utiles à l’humanité. Dans cette optique l’entrepreneuriat environnemental est un mouvement dynamique destiné à découvrir les meilleures solutions, au terme d’un processus d’essais et d’erreurs pour sauvegarder la planète tout en répondant au besoin des consommateurs.
Dans une veine très hayékienne il a démontré, à partir du cas américain, que les terres agricoles étaient gérées de manière bien plus efficiente lorsque des individus en étaient propriétaires que lorsque que le gouvernement fédéral gérait cela de manière centralisée.
La raison en est simple : les agriculteurs au niveau local disposent d’une meilleure connaissance du terrain et des techniques de récolte ou d’élevage que les agents gouvernementaux. Alliant le respect des traditions et l’éthique du “farmer” américain (jusqu’au code vestimentaire !) au recours de technologies efficientes, il prouve par l’exemple que seul l’entrepreneuriat est susceptible de générer les bonnes incitations pour innover et développer des outils toujours plus performants pour satisfaire aux objectifs de conservation des terres. L’épanouissement des sociétés humaines est intrinsèquement lié à la capacité des individus à vivre en symbiose avec leur environnement. Or, seule la liberté et le système de marché est le vecteur de cette symbiose en permettant à chacun de proposer des solutions.
Mais comment expliquer la difficulté à mettre en place des réformes de nature à rééquilibrer le rapport de force entre l’État et la société civile ? Cette question ardue a été abordée par trois jeunes enseignants de l’ESC Troyes, Gabriel Gimenez-Roche, Marian Eabrasu, et Pierre Bentata, qui ont analysé la difficulté à réformer en France avec leurs lunettes de chercheurs.
La première explication avancée s’appuie sur la théorie de Mancur Olson sur la logique de l’action collective. La structure politico-administrative est largement défavorable à ceux qui souhaiteraient réduire le périmètre de l’État comme les personnes travaillant dans le secteur privé. Ces élites sont extrêmement bien organisées en groupes d’intérêt et font carrière toute leur vie dans le secteur public et défendent la logique de son extension. A l’inverse, il est extrêmement coûteux pour les personnes secteur privé de s’organiser pour faire pression en faveur de politiques de baisse des dépenses publiques.
Renforcement de la logique étatiste
De plus, comme le démontre la théorie des choix publics, les entrepreneurs politiques disposent de moyens pour proposer des biens et des services à des clientèles électorales organisées (comme les professions réglementées) renforçant constamment la logique étatiste. Comme le remarquait l’un des jeunes universitaires à la table ronde, avec une population composée d’environ 5 millions de personnes travaillant directement pour l’État, 5 millions indirectement, et 5 millions étant à l’écart du marché du travail (chômage, inactivité), il est extrêmement coûteux politiquement de s’attaquer aux privilèges de ceux qui dépendent de l’argent public.
Enfin, un autre obstacle vient s’ajouter aux possibilités de réformes en France : l’illusion fiscale. Dans leur ensemble, les français sont attachés aux services publics et à l’État-providence, considérant que celui-ci est efficace et remplit ses objectifs. Cette fausse perception s’explique par le fait que les français n’en perçoivent pas le coût à cause de la structure fiscale qui obscurcit la perception de qui paie quoi et à quelle fin.
Cette thèse rejoint les travaux de la sociologue américaine Monica Prasad qui a expliqué dans un article que la résistance aux réformes libérales en France était en partie liée à structure de la fiscalité et de l’État providence qui semble apparemment bénéficier à chacun, y compris aux classes moyennes, favorisant un système partisan consensuel quant aux politiques économiques et sociales à adopter. Cette structure institutionnelle, selon Gabriel Gimenez-Roche a empêché de voir un scénario à l’anglaise émerger, c’est à dire un mouvement d’opinion publique de résistance aux élites politiques et syndicales à la fin des années 1970 consubstantielle à une forte demande de réforme.
Cette illusion fiscale est renforcée par ce que Pierre Bentata (auteur d’un récent livre sur le malaise de la jeunesse européenne) l’inculture économique des français qui est renforcée par le biais anti-marché de l’enseignement de l’économie en lycée comme en témoigne l’intitulé des chapitres du programme de Terminale SES.
La table-ronde s’est conclue sur une note pessimiste et l’absence de solutions pour aboutir politiquement au déclenchement d’un cycle de réformes libérales. Certains optaient pour des réformes institutionnelles limitant le pouvoir des élites politico-administratives dans une perspective gradualiste, tandis que le plus pessimiste d’entre eux prônait, dans une perspective révolutionnaire, l’attente de l’effondrement du système politico-économique français pour insuffler des réformes substantielles le moment venu.
Pour conclure ce compte-rendu de cette Université d’été de l’IES, on peut constater que bien que traversant une période difficile de surenchère étatiste en période électorale, le libéralisme est toujours vivant et continue d’imaginer les solutions de demain. C’est ce que les organisateurs de cet événement, Pierre Garello et Youcef Maouchi, sont parvenus à démontrer en parvenant à rassembler ces conférenciers et c’est ce que l’École de la Liberté souhaite poursuivre via son Université en ligne !
Retrouvez sur Contrepoints les deux premières partie du compte-rendu de l’université de l’IES ici et ici.
La protection de l’environnement doit être assurée selon un coût acceptable? S’il y a le feu dans votre maison, vous essayez de l’éteindre à tout prix, ou vous calculez d’abord si c’est rentable?
@Moody
Bonsoir,
Une maison, donc une proriété privée non commerciale, n’est rentable que pour l’Etat, vu tout ce qu’il ponctionne. On essaie d’éteindre le feu parce que c’est vital. Un abri, un « toit au-dessus de la tête » est un des besoins fondamentaux de l’Homme, le second même (pour certains philosophes), après les besoins physiologiques, manger-boire-dormir. (certains autres incluent l’abri dans les besoins physiologiques).
Investir la somme ridicule de 50 milliards d’euro dans les éoliennes pour une production astronomique de 3.99% de la production totale d’électricité en France, cela vous semble-t-il rentable ? Voire acceptable ?
C’est fou toutes ces bonnes idées quand « ON » n’est pas au pouvoir …..
Elles disparaissent subitement dès que le succès aux élections est acquis …
Etonnant …. Non ???
Valable pour TOUS les paris politiques droite et gauche confondues
C’est sûr que des idées démagogiques et irréalistes claironnées pour faire plaisir à ceux qui veulent bien les entendre dans le but de récolter des voix ne pourront pas être mises en place.
D’un autre côté nous vivons actuellement suite à des idées qui ont été élaboré il y a des centaines d’années, si ce n’est plus. Des fois cela peut prendre du temps à être mis en place, mais pourquoi cela devrait-il limiter une quelconque réflexion ?
@Arcousan
Ah !? Il y a eu des libéraux au pouvoir ces 70 dernières années !?
« La table-ronde s’est conclue sur une note pessimiste et l’absence de solutions pour aboutir politiquement au déclenchement d’un cycle de réformes libérales. »
Pas vraiment réjouissant tout ça.
Environnement :
« Après tout, le marché n’est-il pas l’instrument de gestion de la rareté par excellence grâce au système de prix qui fournit les informations à des millions d’individus sur l’état d’une ressource ? »
Oui c’est formidable, prenons par exemple l’épuisement des fonds marins ou la traque du rhinocéros, effectivement on est informé quant au prix, quand ça devient rare, ça monte. Mais ça n’empêche pas du tout d’en consommer moins, simplement ça devient un produit de luxe parce que rare, et on continue de détruire les stocks jusqu’à épuisement. Tout semble prouver que le marché carbone est un echec, et pour marquer leur manque total d’idée sur la question, la plupart des libéraux nient tout simplement les problèmes, c’est beaucoup plus simple.