Par Guillaume Thomas.
La période de rentrée scolaire est propice à toutes les annonces et polémiques sur les sujets les plus mineurs concernant l’éducation. C’est à croire que ces bruits médiatiques stériles constituent une diversion face à l’absence totale de perspectives et de débats sur les grands sujets de fond concernant l’élaboration des programmes (imposés d’en haut), les pratiques pédagogiques ou encore les carrières des enseignants. La grande absente des discussions de cette rentrée est la question de l’enseignement numérique et de son dernier avatar : les MOOCs (Massive Open Online Courses) traduits en français par CLOM (Cours en Ligne Ouverts et Massifs).
Les Moocs, cette utopie réaliste
Cet enseignement gratuit et disponible à tous ceux disposant d’une connexion Internet sont nés d’une belle idée – presque utopique – lors de sa création en 2007 par des enseignants de l’Université du Manitoba : procurer à tous ceux qui veulent apprendre l’accès aux ressources disponibles, et ce à n’importe quel moment de leur vie. Basée sur une philosophie proche des idées radicales d’Ivan Illich appelant l’abolissant de l’école en tant qu’institution1, les MOOCs très collaboratifs (cMOOCs) des débuts ont évolué vers un modèle plus classique d’enseignement (xMOOCs) élaboré par les grandes universités américaines.
Ces cours en ligne comprennent non seulement des séquences vidéos, mais également des moyens d’interagir avec les autres étudiants inscrits dans ces cours et des évaluations qui permettent d’obtenir des certifications. Hébergés sur des grandes plateformes, ces MOOCs mis en place par les enseignants les plus renommés ont connu un vif succès aux États-Unis à la fin des années 2000, et ne sont arrivés que plus tardivement en France… à l’initiative du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (qui n’a créé la plateforme FUN qu’en 2013).
Les avantages de cette technologie sont évidents.
Le premier est de nature cognitive : en ouvrant chaque enseignement à toute la partie de l’humanité qui dispose d’une connexion internet, elle permet une large diffusion des savoirs. Les MOOCs contribuent avec Wikipédia et d’autres outils collaboratifs similaires à créer un véritable marché libre de la production des savoirs et de l’apprentissage se substituant à un modèle d’enseignement vertical monopolisé par une élite.
Ce marché mondial est favorable à la dispersion des connaissances. Or, comme l’avait fort bien remarqué le prix Nobel d’économie Friedrich Hayek2, c’est en disposant de bonnes informations à un niveau local que les acteurs sont susceptibles de prendre des bonnes décisions, favorisant ainsi la prospérité générale.
Le succès massif des MOOCs
L’aspect « massif » des MOOCs apparaît clairement quand on sait que le cours du MIT Circuits and Electronics a drainé 155 000 inscrits venus de 160 pays différents !
Le deuxième avantage que présentent ces technologies est l’efficacité.
En proposant un large choix de cours et d’enseignants, les plateformes MOOCs permettent là aussi une circulation d’informations en indiquant quelles sont les institutions ou les enseignants qui sont les plus efficaces.
C’est d’ailleurs un aspect pointé par la littérature académique sur le sujet : en instaurant des critères d’efficience comme le nombre d’inscrits aux cours et surtout le taux de complétion (la part des personnes qui suivent le cours de A à Z), les MOOCs permettent de remettre les enjeux de pédagogie et d’ouverture sur un public extérieur au cœur des institutions universitaires3. Certains espèrent même que cette technologie disruptive fera baisser le coût de l’éducation supérieure qui a atteint des sommets aux États-Unis.
Les vertus de cette innovation pédagogique sont cependant à nuancer.
Tout d’abord gardons nous de tout triomphalisme, puisque depuis l’invention du tableau noir en 1841 chaque invention est perçue comme une révolution, alors que finalement rien ne remplacera l’importance des qualités personnelles de l’enseignant. Les MOOCs souffrent par ailleurs d’un taux de complétion extrêmement faible (seulement 10 % en moyenne des inscrits vont au bout de la formation) et on constate que le public touché est principalement composé de personnes déjà diplômées4.
Mais au-delà de ces limites, l’atout essentiel des MOOCs est d’être vecteur de pluralisme en permettant à tous ceux qui veulent présenter un enjeu au grand public ou d’aborder une manière originale une thématique de le faire. En effet, le système d’enseignement supérieur français étant particulièrement centralisé et basé sur la cooptation5.
Les MOOCs contre la politisation universitaire
Pour avoir le droit de candidater à un poste de Maître de Conférences dans une Université, un candidat doit faire « qualifier » sa thèse auprès d’une section du Conseil National des Universités dont les membres sont élus (favorisant la politisation du système). Suite à cette « qualification », il doit ensuite candidater à un concours national avant d’être auditionné par des comités composés pour moitié de membres extérieurs à l’Université, les idées minoritaires en sciences sociales étant quasiment passées sous silence. Il existe également un conformisme social très fort favorisant un monopole de la gauche anti-libérale dans l’enseignement des sciences sociales. Ce biais anti-libéral des intellectuels n’est pas nouveau et s’explique à la fois par leur sentiment de détenir un savoir les légitimant dans leur rôle d’ingénieur social (Hayek), mais aussi bien souvent une ambition frustrée concernant leur statut et leur rémunération par rapport à d’autres professions (Mises, Boudon).
Il n’en demeure pas moins que ce biais est particulièrement fort dans l’Université française : 57 % des universitaires, toutes disciplines confondues, ont une vision négative de la concurrence (contre 38 % de la population française dans son ensemble) et 18 % seulement d’entre eux sont pour le renforcement de la propriété privée des moyens de production (soit deux fois moins que la population française)6. Il est évident que dans ce contexte les théories enseignant les mécanismes du marché libre en économie, l’individualisme méthodologique en sociologie, ou encore la pensée libertarienne en philosophie, sont la plupart du temps ignorées.
Et si ce biais ne pouvait-il pas justement être contourné par le moyen des MOOCs ? Et si ces outils étaient mobilisés par des acteurs de la société civile disposant de connaissances pointues dans leur domaine, d’universitaires en marge de leur discipline (comme les représentants de l’école autrichienne d’économie en France) ? Et si les cours en ligne n’étaient pas un moyen subversif pour faire connaître des théories alternatives en sciences sociales ?
C’est en tout cas à partir de cette philosophie que l’École de la Liberté va sortir sa série de MOOCS dans les semaines qui viennent, avec une offre éducative originale sur le fond à partir d’une série de questionnements divers traités par des enseignants issus de toutes les disciplines de scien ces humaines.
Quels sont les fondements du libéralisme ? En quoi ses postulats sont-ils toujours d’actualité ? Qui était Frédéric Bastiat ? Quel est son héritage intellectuel ? Quelles sont les causes de la prospérité économique ? Pourquoi l’État croît-il ? Comment limiter cette croissance ? Quelles sont les conséquences inattendues des politiques publiques ? Comment la société va-t-elle s’adapter aux changements technologiques liés à l’économie numérique ? Quels sont les liens entre les règles de droit et l’économie ?
- Guillaume Thomas est délégué général de l’école de la liberté
Un article publié initialement le 2 septembre 2016.
- Ivan Illich, Une société sans école, Paris, Seuil, 1971. ↩
- Friedrich A. Hayek, L’utilisation de l’information dans la société, Revue française d’économie, vol. 1, n°2, 1986. Pp. 117-140. Disponible sur le site de l’École de la Liberté. ↩
- À ce sujet voir John Daniel, « Making Sense of MOOCs : Musings in a Maze of Myth, Paradox and Possibility », Journal Of Interactive Media in Education, 2012. ↩
- Albó, L., Hernández-Leo, D., Oliver, M. (2016) Are higher education students registering and participating in MOOCs ? The case of MirÃadaX. EMOOCs 2016 conference, Graz, Austria. Voir le principaux résultats de cette étude ici. ↩
- C’est particulièrement le cas pour le recrutement des enseignants-chercheurs ↩
- Raul Magni-Berton et Abel François, Que pensent les penseurs. Les opinions des universitaires et des scientifiques français, Presses Universitaires de Grenoble, 2015. ↩
A ceci près que nous vivons dans un monde où la compétence n’est plus le critère principal de l’accès à l’emploi.
La grille de normes croisées auxquelles sont soumis le monde économique, ainsi que l’incroyable « normalisation » (entendre par là l’émergence de monopoles et cartels d’état ou de fait et l’éradication de toute autonomie créatrice et entrepreneuriale en dehors des chemins balisés par les-mêmes) qui en résulte et qui réduit la liberté d’embauche à sa plus simple expression (au mieux) ont rendu obsolète ce critère par rapport à d’autres plus « sociétaux ».
Selon le même modèle de pensée figée qui imposa le « partage » du travail par la réduction du temps de travail, on assiste à un double mouvement identique au niveau des compétences.
D’un côté, on prône l’horizontal mais on favorise l’accession aux postes de direction (donc de plus en plus rares) selon des critères de partage (représentativité etc.) ce qui a pour conséquence évidente que le haut de la pyramide se peuple de janissaires moins compétents que sur les échelons inférieurs. Ils ne peuvent donc diriger que par la contrainte et la coercition, fut-ce par le biais de l’introduction de critères parfaitement exogènes tels que les différents avatars du politiquement correct.
De l’autre on fonctionnarise quasiment toutes les professions et les postes, ne les rendant accessibles qu’en fonction d’un recollement aux fruits des dérives du système éducatif. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si FH veut maintenant s’attaquer à l’objectif de 60% d’une classe d’age porté au niveau licence. Cela n’a évidemment aucun rapport avec un quelconque niveau de compétence mais tout avoir avec une gestion de masse de l’emploi dirigé.
Quelle tristesse de voir des candidats à peine capables de proférer quelques paroles cohérentes (ne parlons pas de raisonnement) mais à qui on ne peut rien dire parce qu’ils sont Bac+3 ou 4 ou 5, et donc certains de leur valeur. D’ailleurs la réglementation impose insidieusement de prendre l’un d’entre eux plutôt qu’un esprit inventif et entreprenant écoeuré par l’Ed Nat et sans « diplôme », mais qui saurait apprendre (que le tas ou grâce aux MOOCs) et développer son poste, plutôt que de le séculariser et le fossiliser.
Je suis sûr que beaucoup d’entre vous comprendrons de quoi je parle. Pour les autres, si vous trouvez ce commentaire trop négatif ou outrancier, prenez le temps de vous poser les bonnes questions sur l’environnement où vous évoluez, et d’où vient la valeur produite.
Ah dernier point: ce phénomène n’est en rien franco-français. Nous n’en sommes que des champions, mais pas les seuls. D’ailleurs, il est amusant de voir qu’en ce moment le mot d’ordre à la mode pour les grands groupes est de rechercher des profils « originaux » capables de pesées de « rupture » et autres positionnements transversaux… ces gens sont impayables. Ils organisent la destruction des indépendants et s’aperçoivent qu’ils en manquent.
L’auteur écrit:
« le système d’enseignement supérieur français étant particulièrement centralisé et basé sur la cooptation »
J’aurais plutôt remplacé « cooptation » par « consanguinité » puisque, comme il le décrit ensuite, les nouveaux enseignants-chercheurs sont la copie conforme des vedettes qui noyautent les comités nationaux où l’on filtre les profils des postulants pour éviter toute dérive hétérodoxe du corps enseignant.
Ce conformisme délétère, réducteur de diversité intellectuelle, ne concerne pas que les sciences molles mais aussi les sciences exactes où il ne fait pas bon s’écarter des voies qui ont la faveur de la mode et des « thèmes prioritaires ».
J’ai bien connu à l’étranger la cooptation universitaire qui est un choix individuel local par le professeur concerné de l’assistant qui lui convient et ne lui sera pas imposé par une quelconque superstructure étatique. La diversité est maintenue, la compétition est saine et la responsabilité du choix heureux ou malheureux n’est pas diluée dans les méandres bureaucratiques.