Par Sophie Auzereau.
Il y a quelques semaines de ça, je suis tombée par hasard sur le blog d’une Française expat en Amérique. Elle s’amusait de la présence de certains autocollants sur les voitures de certains parents… En Amérique, quand un élève travaille bien, il mérite une récompense. Une sorte de tradition du bon point à la sauce américaine.
Angoisse des parents, angoisse des enfants
Mais commençons par le commencement. Ma fille est entrée à l’école au Texas au niveau CP, mon fils au niveau CM2. Je ne décrirai pas l’état de mes enfants le jour de leur première rentrée des classes en Amérique, c’est un peu comme on se l’imagine, mais en pire. Des larmes, des cris, des doigts qui s’agrippent et ne veulent plus te lâcher pour la première et un semblant de dignité désespérée pour le deuxième, alors même qu’il venait de faire une crise d’hyperventilation dans la voiture quelques minutes auparavant…
Mettez-vous deux secondes dans la peau de mes deux lardons qui ne parlaient pas un mot d’anglais, ne connaissaient personne, ne comprenaient rien et savaient qu’ils allaient être là pour un bout de temps.
De retour dans la voiture, j’avais cette impression oppressante d’avoir trahi mes enfants en les menant à l’abattoir. Les conseils de mes copines bilingues me revenaient en mémoire alors que je pleurais dans les bras de mon mari, certaine que l’on venait de commettre une bourde impardonnable : « Comment ta fille va-t-elle demander à aller aux toilettes ? Et si elle est malade ? », ou bien « T’inquiète, mon frère a appris à lire en français tout seul, parce qu’il savait lire en anglais ».
Qu’on se rassure, en quelques jours mon fils a développé son propre langage des signes pour blaguer avec ses copains de classe. Pour ma fille, ça a été plus compliqué : elle s’est réfugiée dans le mutisme absolu, le regard dans le vide, la main dans la main de sa maîtresse pendant des jours jusqu’à ce qu’elle se décide à poser la question que l’on avait répétée à la maison : « Douillououantetoupléouizemi ? » (tu veux jouer avec moi ?) à des petites filles de sa classe, ce qui lui a valu son heure de gloire, puisqu’elle a un peu pris tout le monde par surprise : « Miss Denne, la nouvelle, elle parle ! »
Une institutrice douce et patiente
Miss Denne est la meilleure maîtresse du monde. La plus douce, la plus aimante et la plus patiente des maîtresses que j’aie rencontrées dans ma vie. Je suis ravie de penser que toute sa vie ma fille parlera l’anglais de Miss Denne (ce n’est pas son nom, mais celui que ma fille lui a donné en tentant de répéter phonétiquement ce qu’elle entendait). Elle a supporté le comportement fuyant de ma fille pendant des semaines. Elle ne s’est jamais lassée de son regard sauvage et de sa timidité obstinée. Une seule fois, elle m’a glissé : « Pourriez-vous lui demander de chuchoter plus fort ? »
Elle a aussi dû supporter mon langage, quelquefois gênant. J’ai un peu tendance à perdre mes moyens invariablement quand je m’adresse à quelqu’un de l’école. Des séquelles sûrement… Et le jour où ma fille a fait pipi dans sa culotte, elle ignorait comment demander le chemin des toilettes, j’ai répété à plusieurs reprises « pisser » alors même que la maîtresse avait utilisé les termes les plus délicats à tel point que je n’ai compris l’incident qu’en constatant que la petite portait un pantalon inconnu.
Comme on le voit, le chemin s’annonçait long et parsemé d’obstacles. Mais le Texas, puisque je parle ici de mon expérience, a tout prévu. Au bout de quelques jours, une nouvelle maîtresse est apparue dans nos vies. Elle assurait une heure de cours par jour aux enfants qui comme les nôtres ne parlent anglais qu’en deuxième langue. Elle connaissait quelques rudiments de français et s’est assurée qu’à leur tour, nos enfants soient capables de baragouiner dans la langue d’Obama.
C’est alors que le problème de la récompense s’est présenté…
Une amie française, qui habitait dans une ville voisine, avait effleuré le sujet en m’expliquant qu’elle acceptait mal que les élèves reçoivent une sucrerie à chaque fois qu’ils se comportaient bien en classe. Elle en avait parlé à la maîtresse de son fils en lui proposant de donner plutôt des goodies (que je traduirais par « petites merdes » dont les enfants raffolent, genre bracelets à messages, stylos rigolos, crayons clignotants…) qu’elle se proposait même d’acheter. La maîtresse lui avait répliqué de ne pas se donner cette peine, puisque dorénavant son fils ne recevrait plus de sucreries.
Où est le bon vieux temps des bons points qui ouvraient la voie aux belles images ? Que ce soit clair : les gamins de neuf ans ayant tous un Iphone dans leur sac à dos, essayez un peu de leur refourguer un bon point !
Cette année, le problème des sucreries s’est finalement manifesté pour la première fois. J’ai recommandé à ma fille d’éviter de manger une barre chocolatée à chaque fin de journée, sous prétexte qu’elle est volontaire pour être room cleaner (nettoyeuse de classe) en lui expliquant qu’avec un Mars par jour, elle risquait d’y laisser sa santé et sa silhouette… Par contre, mon fils trouve tout à fait normal de boulotter un Kit Kat à chaque fois qu’il assure en sciences, impossible de l’en faire démordre.
Les autocollants
J’en arrive maintenant à mon affaire d’autocollants (du début) que vous avez sûrement oubliée parce que je suis vraiment trop bavarde.
Les parents affichent fièrement sur leur voiture et leur maison les couleurs de l’Université de leur enfant, de leur Band, de leur équipe de foot, ou encore dans quelle branche de l’armée se trouve le papa, quand ce n’est pas leur couleur politique. Je ne peux alors m’empêcher de penser « Tea Party, oh ! sérieux ? », ou « Dragons ? Ah ah ! Trinity vous a broyé au match de la semaine dernière », « Yes, you can ? Pas fréquent dans ma banlieue »…
Et puis des fois, tu vois des petits autocollants sur les voitures aux couleurs d’une école, proclamant bien fort que la conductrice de cette voiture est la fière maman d’un élève honoré pour ses bonnes notes. J’en ai reçu un l’année dernière. En cinq minutes il était collé.
La semaine suivante, je tombais donc par hasard sur cet article dans lequel la maman expliquait que c’était de la fierté mal placée que de coller ces autocollants. Perso, quand je pense à ce que mes enfants ont traversé à leur début, si je pouvais avoir un autocollant aussi gros que la voiture, je le mettrais. Non seulement, ils ne font pas grossir, sont inoffensifs (pas de déclaration politique exhibitionniste ici), mais en plus, ils montrent au monde — ok, aux gens du coin — que je suis une proud mama (une maman fière) au même titre que la mère juive de la blague qui crie sans complexe : « Mon fils avocat se noie, mon fils avocat se noie ! »
Hier, mon fils, qui ne dort plus depuis trois nuits parce qu’il a une audition pour la Band — car oui, il est dans la Band ! — a été convoqué dans le bureau du principal en urgence. Le long du chemin, il réfléchissait à ce qu’il avait bien pu faire, surtout que les copains lui souhaitaient bon courage d’un air navré. Peut-être accusé de conspiracy envers la prof d’espagnol ? Quand il est entré dans le bureau, le principal lui a demandé de fermer la porte, pour éviter les témoins gênants probablement, s’est-il dit dans sa frayeur.
Finalement, il s’est vu décerné un certificat de Student of the Month (élève du mois). Il va être encadré et installé avec soin à côté de son diplôme remis il y a deux ans pour Outstanding Academic Excellence, signé par Obama s’il te plaît. Et même s’ils sont des centaines à travers les États-Unis à avoir la même copie de sa signature, on n’en est pas moins fiers. OBAMA, les gars !
À sa gauche trône fièrement le diplôme de la Persévérance, remis à ma grande timide, qui a fini par parler anglais mieux que quiconque dans cette maison. Impossible de deviner qu’elle n’est pas américaine quand on l’écoute parler !
Fierté mal placée ? Politique de la carotte ? J’ai surtout l’impression que l’Amérique veut prouver à ses enfants qu’ils comptent, que les efforts ne sont pas vains au pays de l’American Dream, et que ce grand pays sait quoi faire pour unir ses 50 États et ses 320 000 000 d’habitants derrière un seul drapeau.
—
« Yes we can » me choque plus que « Tea Party » …
Ce que me disait ma soeur à propos des récompenses à l’école : « en Amérique tout le monde en a une, histoire de ne blaisser personne », » en France personne n’a rien pour les mêmes raisons » …
Non tout le monde ne peut pas etre « Bob the builder »yes, we can.
Mon fils est à l’école internationale de Genève et vient aujourd’hui de faire sa 4ème rentrée en « Year 6 » un équivalent 6ème, mais toujours en primaire. L’EIG suit un peu le système suisse et les enfants font 13 ans d’études à compter de leur entrée au CP (Year 1). L’école est anglophone et mon petit bonhomme, pur francophone et pur produit de l’école française actuelle (3 ans de maternelle, un CP excellent et un CE1 catastrophique du fait d’une maitresse ayant peur des enfants) a parlé un anglais acceptable en 3 mois. Il est désormais intégralement bilingue et ce n’est que lorsqu’il se met à parler français que les gens se rendent compte qu’il n’est pas anglophone de naissance. Ca a certes été un apprentissage à la dure, mais il y est arrivé. Il lui faut aussi se lever bien plus tôt que lorsqu’il allait à l’école du quartier, mais son plaisir d’aller à l’école est tel qu’il ne s’en rend même pas (plus) compte. La rentrée s’est faite aujourd’hui et mon fils comptait les jours le séparant du retour vers sa chère école.
Chère école… en effet! L’EIG est chère, très chère, mais je sais pourquoi je paie, pour quels services. Les professeurs sont aux petits soins pour les enfants et dans chaque classe de primaire, outre le maitre principal il y a deux à trois assistants, sans parler de certains cours délivrés par des professeurs spécialisés (art, musique, sport…). Les travaux sont essentiellement faits en groupe, les enfants sont encouragés à s’exprimer, à réfléchir par eux même pour trouver LA solution à un problème. S’ils se trompent, on considère qu’ils apprennent de leurs erreurs. Le tutorat des plus grands vis à vis des plus jeunes est institutionnalisé. Le système est tellement différent du système français qu’au début mon mari et moi pensions être sur un autre planète.
Dans cette école chaque enfant est poussé vers le haut, selon ses capacités. l’apprentissage se fait au rythme de l’enfant qui, s’il est bon dans une matière, est encouragé à faire bénéficier ses camarades de ses connaissances. Chacun apprend des autres et le professeur est là pour non seulement enseigner, mais aussi faciliter le passage de connaissances entre élèves.
Bref, je suis enchantée d’avoir retiré mon fils du système français qui s’il a réussi sur des dizaines de générations est actuellement incapable de se renouveler et d’apporter aux enfants ce dont ils ont besoin. Ce qui me vient à l’esprit pour définir l’EIG c’est « Mens sana in corpore sano ». N’est-ce pas ce que les parents veulent pour leur enfants?
« une maitresse ayant peur des enfants »
Only in France…
Votre école applique les méthodes de John Dewey et de Montessori et aussi celles de Howard Gardner’s multiple intelligences. Les méthodes que vous nous décrivez sont appliquées dans les écoles publiques ou privées américaines
Vous dites dans votre commentaire, la maîtresse avait peur des enfants ? Pourquoi donc ?
J’ ai eu un très mauvais souvenir d’une maîtresse québécoise qui criait, hurlait quand j’avais 7 ans. Elle était dépressive. Elle ne voulait pas que nous récitions la lettre Q et les eleves qui avaient une vilaine écriture, écrivaient au crayon aa papier. Si vous épeliez mal, elle mettez vote pupitre dans le couloir et vous y restez toute la journée. Elle voulait faire redoubler toute la classe ! Heureusement que l’inspecteur ait intervenu. J’admire votre implication dans l’éducation de votre enfant.
Merci beaucoup pour votre compliment! En effet l’EIG applique les méthodes de John Dewey mais aussi celles de A.S Neill que j’avais eu l’occasion d’aborder lorsque j’étais moi même enfant. Le directeur de mon école était passionné par « libres enfants de Summerhill » et avait tenté d’en reproduire certains aspects de sa philosophie ce qui en France dans les années 80 n’était pas de tout repos :-).
Pour ce qui est de la maitresse ayant peur des enfants, c’est surtout des petits garçons dont elle avait peur. Dès le début de l’année, lors de la 1ère réunion avec les parents elle s’était plaint que 2005 était « une année de garçons », que ces derniers étaient par trop remuants (nous parlons d’enfants qui avaient entre 6 et 7 ans…) et qu’elle préférait les filles, plus calmes et dociles (selon elle – Je me permets d’avoir des doutes). Elle n’a jamais réussi à « s’imposer » d’une manière ou d’une autres auprès des garçons et s’est évertuée à rabaisser ceux-ci par rapport aux filles, quitte à être particulièrement cruelle justement parce qu’elle ne savait pas les prendre. Le petit garçon le plus vif de sa classe s’est un jour retrouvé juché sur une table le reste de la classe autour, devant expliquer pourquoi ils n’aimaient pas cet enfant. D’après les enfants présents ce fut un moment extrêmement pesant, chacun essayant d’éviter d’être blessant vis à vis de cet enfant qui par ailleurs était la coqueluche de la classe. quand le tour de mon fils est arrivé, alors qu’il était le plus jeune de la classe, il a refusé de dire quoi que ce soit contre son ami et a expliqué au contraire pourquoi il l’aimait et le respectait. de ce jour ce n’est plus une mais deux souffre-douleurs qu’a eu cette maitresse. Chaque jour nous avions un mot contre notre fils, de surcroit avec des fautes d’orthographes absolument inadmissibles venant d’une personne du corps enseignant. Et c’est de ce moment que nous avons décidé de sortir notre fils de cet environnement et de trouver pour lui une école qui lui permettrait de donner le meilleur de lui même. L’EIG étant relativement proche de mon bureau nous nous sommes décidé pour celle-ci.
La carotte sans le bâton, méthode douce et efficace.
Aux Etats Unis les professeurs apprennent différentes stratégies que je je cite en américain(Learner-Centered teaching ,cooperative( travail en équipe) learning group projects( projets en equipe), Inquiry-Guided Learning(l’apprentissage par des découvertes et des enquêtes personnelle) , Games/Experiments/Simulations( jeux, expérimentations, simulations, jeux de rôle ), Problem-Based Learning(apprentissage par problèmes appliqués.) pour motiver leurs élèves et aussi à ce que ces derniers s’affirment dans la vie ( self-assertiveness) . ils les encouragent très tôt à developper leur créativité . La plupart des professeurs motivent les élèves… Il y a en tout 60 stratégies centrées sur l’élève(Learner-Centered teaching ) qui permettent de motiver les élèves. Les professeurs mettent en pratique deux types d’enseignement « Teacher-Centered vs. Student-Centered Education»( de la centralité de l’enseignant à la centralité de l’étudiant) dans les cours. soit le professeur enseigne lui-même le contenu du cours et l’élève est alors passif, prend les notes, soit le professeur permet l’élève de devenir actif. Je pense qu’il faut les deux.
marrant, j’ai retrouvé certaine pratique maternelle primaire dans la ptite catho communale de ma fille…
pas de bonbons mais des images..
elle adore l’école, travaille bien, .
sa maitrasse de CP, comme en maternelle était un ange , et rusée en plus…
rien d’exceptionnel en apparence, juste ca marche.
c’est pas du montesori mais du sous contrat…
a coté de chez moi une maman a sortie sa ptiote de la maternelle car elle se faisait tabasser…
a son école ya plein de gens étranges, avec hijab, turban, chanel, jean et blouson de cuir…
just pour être clair (j’embrouille les école)
« à l’école catho de ma fille ya plein de gens étranges, avec hijab, turban, chanel, jean et blouson de cuir… »
ceux qui disent que la catho c’est une école de classe sociale, se plantent , même si en fait j’ai vu pas mal de couples mixtes, bien plus que la moyenne.
paradoxalement l’école publique est ethniquement moins variée… étrange.