Qu’on se le dise : pour la France le TAFTA, le traité de libre échange entre les USA et l’Europe, c’est terminé. Matthias Fekl, secrétaire d’État au commerce extérieur a en effet déclaré le 30 août « À la fin du mois de septembre […] je demanderai, au nom de la France, l’arrêt des négociations sur le Tafta ». Alors, « fini-fini » le TAFTA pour la France ?
Par Emmanuel Martin.
Un article de l’Iref-Europe
Au printemps dernier déjà M. Valls nous expliquait à propos des négociations autour du TAFTA qu’on était « trop loin du compte », et M. Hollande de lui emboîter le pas quelques jours plus tard : « la France, à ce stade, dit non ». Mais assez curieusement « la France » pouvait, lors du sommet européen des 28 et 29 juin, à nouveau confirmer son soutien à la conduite des négociations par la Commission !
Bruxelles n’est pas trop inquiet
D’ailleurs même si la France ne donnait – réellement – plus son mandat de négociation à la Commission fin septembre, lors de la prochaine réunion des ministres du commerce extérieur, il faudrait que la majorité des pays européens la rejoigne pour un arrêt effectif des négociations… Il semblerait qu’à Bruxelles on ne soit pas trop inquiet : suite aux déclarations de M. Felk, la commissaire européenne Cecilia Malmström a tranquillement indiqué que les négociations se poursuivaient.
Mais M. Hollande entend ne pas vouloir « cultiver l’illusion » sur la possibilité du traité avant la fin de l’année ou de la présidence Obama. Qu’en est-il réellement ?
D’abord, l’allusion à l’illusion est assez ironique, le Président français étant lui-même devenu un spécialiste de l’illusionnisme. Fin août, il s’adonnait en effet à l’exercice (raté ?) d’endormissement des foules avec des chiffres du chômage trompeurs, martelant que le chômage baisse, alors qu’en dépit de coûteuses et inutiles mesures de traitement social, le chômage total, toutes catégories, augmente en réalité. Au menu de la semaine suivante, il sert donc aux Français une autre sauce de « com’ ».
Hollande dit non, mais sans dire non
Celle-ci est d’ailleurs bien orchestrée avec son secrétaire d’État puisque M. Hollande ne dit pas « stop » au TAFTA lui-même mais instrumentalise les déclarations de M. Felk sans se prononcer expressément : en réalité il dit non, mais sans dire non (la seule certitude est que son maître était bien Mitterrand !).
D’ailleurs, il paraît probable que le TAFTA ne soit pas signé d’ici la fin de l’année, étant donné notamment que des négociations délicates commencent en octobre (une raison d’ailleurs pour ne pas quitter la table des négociations maintenant !). Voilà donc une déclaration qui ne coûte pas grand chose à M. Hollande, tout en distillant l’impression d’une opposition élyséenne au traité.
La seule explication logique à ce petit jeu autour du TAFTA est que M. Hollande est bien en campagne et qu’il tente, en bon tacticien politique, « d’enfumer son petit monde » à nouveau. Comme au printemps, il entend caresser son électorat naturel – et perdu – dans le sens du poil, celui du protectionnisme, de l’antiaméricanisme, de l’antilibéralisme.
Il a donc intérêt, dans cette même optique politicienne, à ce que l’accord de traité ne soit pas bouclé avant mai 2017 afin que son électorat ne puisse dire, à la veille des présidentielles, qu’un tel traité a été signé sous la présidence Hollande. Ce dernier a ainsi tout intérêt à ce que les négociations traînent encore.
Le jeu est quelque peu dangereux cependant. Tout d’abord parce qu’à force de jouer la carte du populisme, il pourrait être difficile de revenir en arrière. L’Europe et les USA se priveraient alors au final d’une opportunité de joindre leurs économies afin que leurs populations puissent pleinement profiter des opportunités d’un marché immense, représentant plus de 40 % du PIB mondial. Cela serait dommage.
Ensuite, parce que cette position anti-libre-échange alimente en réalité une montée des nationalismes dans un contexte actuel de crise économique et de crise des migrants. Si M. Trump venait à devenir président et mettait en place les politiques qu’il propose, ce ne serait pas une bonne nouvelle. En Europe, la tendance nationaliste fait aussi des émules. Il ne faut pas avoir fait l’ENA pour savoir ce qu’une telle vague de nationalisme économique a signifié et entraîné dans les années 30.
Les Américains ont du mal à ouvrir leurs marchés. Soit. Le traité risque de ne pas être un traité de libre-échange mais « d’échange régulé » avec une capture du régulateur par certains lobbies. Soit. Mais il s’agit justement de faire avancer le projet pour qu’il aille dans le bon sens. Les gesticulations politiciennes de quelques uns n’aident sans doute pas.
—
Le tafta, du libre échange? Plutôt un corset de réglementations, de brevets, de contraintes supplémentaires qui vont étouffer les petites entreprises, au profit des multinationales…Qui peut avoir encore confiance en Washington et Bruxelles?
C’est l’évidence. C’est aussi pourquoi il est clair qu’il sera imposé. Nous n’assistons qu’à un aggiornamento destiné à ne pas trop gêner les nouveaux futurs élus de remplacement lors des élections nationales.
Si ce traité doit être gagnant-gagnant, pourquoi le négocier dans le plus grand secret? Par la Commission, instance non élue, du côté européen?
N’est-il pas excessif de penser que le refus de ce traité équivaudrait à un basculement dans le nationalisme?
Pourquoi ce terme est-il utilisé à temps et à contreptemps pour servir d’épouvantail?