Bercy : la république du Roi Soleil

À Bercy, le ministère des Finances s’est arrêté dans le temps, dans une ode à l’État tout-puissant.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Ministère des Finances à Bercy (Crédits : Pline, licence CC-BY-SA 3.0), via Wikimedia.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Bercy : la république du Roi Soleil

Publié le 10 septembre 2016
- A +

Par Philippe du Penhoat.

Bercy : la république du Roi Soleil
Ministère des Finances à Bercy (Crédits : Pline, licence CC-BY-SA 3.0), via Wikimedia.

On se souvient que Tocqueville, en écrivant L’Ancien Régime et la Révolution démontrait que cette dernière, loin de renverser l’ordre ancien, a permis d’asseoir définitivement le pouvoir d’État que les rois avaient conquis, le renforçant génération après génération.

À Bercy, même les lieux célèbrent la puissance de l’État !

Ce n’est pas une visite au Ministère des Finances qui infirmerait sa thèse !  L’architecture elle même se fonde sur une symbolique médiévale affirmée par ses auteurs eux-mêmes. De larges douves protègent les habitants du château contre la populace qui envahit périodiquement l’autre Bercy, celui d’en face, celui du sport et des spectacles. Les bâtiments eux-mêmes sont pourvus de meurtrières vitrées là ou l’on s’attendrait à voir de larges fenêtres…

Après un contrôle de sécurité fait par d’authentiques douaniers dans un ancien octroi lui aussi garanti d’origine, on découvre deux longs bâtiments : Vauban, à droite, Colbert à gauche. Colbert, long bâtiment jouxtant les douves, au bout duquel se trouve le prestigieux hôtel des ministres.

Les choses sont dites : l’esprit d’aujourd’hui reste celui de Louis XIV, celui du pré-carré et des forteresses, celui de l’octroi de rentes, de monopoles et de la gestion de l’économie par l’État.

Soyons honnêtes ! Le bâtiment amiral enjambe la rue de Bercy et permet, sans se mélanger aux passants ordinaires, d’accéder à trois autres bâtiments situés le long de la rue de Bercy jusqu’à la gare de Lyon. Leurs noms rappellent d’autres grands serviteurs de la dynastie des rois Bourbons : Sully, Turgot, Necker. Sully, on comprend. Necker aussi, avec un peu de réflexion : un banquier aux idées partageuses et sociales qui écrit « l’éloge de Colbert », on reste dans l’air de notre temps, y compris pour les résultats. Mais Turgot ? Un libéral ! Serait-ce pour prouver que s’en prendre aux rentes et positions acquises pour libérer l’économie conduit tout droit à la sortie ?

Une administration arrêtée dans le temps

Notre administration se serait-elle arrêtée à la révolution ? Pas de Bonaparte, à qui l’on doit l’essentiel des structures de l’État moderne. Mais il est vrai que ce nom est aujourd’hui presque un gros mot. Pas de Jacques Rueff, qui a assaini les fondements de notre cinquième république après avoir servi les précédentes. Joseph Caillaux, homme de gauche, à la vie privée et aux opinions parfois sulfureuses il est vrai, qui a travaillé les questions fiscales et poussé l’impôt progressif sur le revenu a bien plus imprimé la troisième république que Necker le règne de Louis XVI.

Soyons honnêtes, il y a quelques noms du vingtième siècle à Bercy. Une allée Jean Monnet sépare et conduit à Colbert et Vauban. Jean Monnet menant aux hérauts du nationalisme économique et militaire, un comble ! Par ailleurs, entre salles et bureaux B4589 ou D3476, se glissent quelques salles aux noms plus illustres : hall Bérégovoy, salon d’honneur Michel Debré, centre de conférence Pierre Mendès-France. Tous d’après-guerre : ce ne sont plus les 4 ans de Vichy, mais plus d’un siècle et demi qui sont effacés de notre Histoire !

Et ces éléments du XXe ne sont que des sous-ensembles du Grand Siècle ! Décidément, Tocqueville avait raison, lui qui, pourtant, écrivait au XIXe…

Voir les commentaires (5)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (5)
  • Hélas, tristement vrai.

    Et il est surprenant de voir comment « un président normal » a enfilé avec délices la toge royale, même si elle lui est démesurée, avec sa cohorte de nobliaux haut-fonctionnaires d’Etat tout droit sortis de l’école nationale des ânes, et sans oublier le Figaro de service perpétuel. Au fait, y a-t-il aussi le service protocolaire du leverl de sa Majesté »? pour le « bain de sa Majesté »? pour « l’habit de sa Majesté »? pour le cirage des « chausses de sa Majesté »? etc…etc…

    Heureusement qu’après Louis XVI on en avait fini avec tout ça, enfin, c’est ce qu’on croyait.

  • il y a tellement à manger à cet endroit et aucun moyen de contrôle par le peuple (hormis une grosse émeute).

  • Notez que le bâtiment de Bercy a osé ce qu’aucun roi de France ne s’était permis pour son propre palais : écraser le lit de la Seine de sa botte afin de symboliser la prééminence de ce ministère sur toute autre administration. Ne trouvez-vous pas le symbole limpide ?

  • Article intéressant mais comparaison avec les rois de France totalement aberrante. Vous devriez lire sur la fiscalité/et le pouvoir d’antan…

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
3
Sauvegarder cet article
A l’image de l’impôt sur les portes et fenêtres sous la Révolution, une nouvelle piste inédite pour le gouvernement actuel ?

On sait que le fisc n’est jamais à court de bonnes idées lorsqu’il s’agit de trouver de nouvelles sources de financement pour tenter de combler tant bien que mal une partie des déficits.

Dans le contexte actuel de déficits et d’endettement vertigineux, le gouvernement nouvellement aux affaires n’a donc d’autre préoccupation que de chercher activement des moyens de dégager de nouvelles recettes, sans toutefois don... Poursuivre la lecture

3
Sauvegarder cet article

Après la difficile nomination d’un Premier ministre, attendons l’accouchement encore plus difficile d’un budget qui sera probablement aussi désastreux pour les finances publiques que pour nos finances personnelles.

 

À la décharge d’Emmanuel Macron, la nomination d’un Premier ministre capable de plaire à une majorité de Français était une mission impossible.

En effet, le nombre des suffrages recueillis par des partis dits extrémistes ou populistes montre que les Gaulois se défient des politiciens.

Et « en même... Poursuivre la lecture

fiscalité
2
Sauvegarder cet article

Parmi les nombreuses cartes géo-économiques aux mains des États, il y a l’impôt, dont l’utilisation révèle le rôle que l’on assigne à la puissance publique dans la compétition économique mondiale. Deux conceptions de la politique fiscale internationale s’affrontent : aux politiques d’inspiration keynésienne, fondées sur le recours à la dépense fiscale, on peut opposer les politiques d’inspiration libérale, fondées sur un système fiscal qui se veut attractif dans sa définition même, sans qu’il soit besoin de multiplier les taux réduits ou les ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles