Par Erwan Le Noan.
Un article de Trop Libre

« Dans le monde d’aujourd’hui, rien ne vaut que par comparaison. Or, nous sommes actuellement, vis-à-vis de l’extérieur, dans une situation économique diminuée ». Ce constat sévère est de Charles de Gaulle, dans son premier discours de président de la République aux Français, le 29 décembre 1958. Dans ce texte, le Général plaidait pour l’austérité, le libre échange et les réformes structurelles, montrant que sa force était, dans des moments décisifs, de suivre ses convictions et d’agir en conséquence. Près de 60 ans plus tard, la situation de la France n’est pas brillante : son activité économique est essoufflée, sa société à cran. De rapports en commissions, le constat de nos faiblesses est fait et les pistes pour y répondre connues. Il ne reste qu’à les mettre en œuvre. Or, c’est là que le bât blesse : la France n’a pas su, à de rares exceptions près, mener les réformes nécessaires. Le quinquennat de François Hollande qui s’achève parfaitement vierge de toute réforme valable est tristement éloquent à cet égard. L’examen de nos principaux partenaires, hier et aujourd’hui montre pourtant qu’il est possible de réformer si l’on s’y prend avec un peu de méthode (1). Récemment, nos voisins allemands, britanniques, espagnols ou italiens ont su le faire, pour ne citer qu’eux ; dans les années 2000, ce sont les pays scandinaves qui faisaient figure de champions de la réforme. De ces expériences, trois enseignements au moins peuvent être tirés.
- Une première condition pour favoriser le succès d’un gouvernement réformateur est qu’il doit préparer ses projets en amont, afin de savoir comment les exécuter. Cela implique d’envisager la mise en œuvre très pratique de la réforme. Il ne suffit pas de la proclamer ; encore faut-il savoir quels leviers utiliser et comment lever les oppositions ; encore faut-il aussi répondre aux interrogations concrètes de ceux qui la subiront. En 1980, le Président Reagan fraîchement élu s’était vu remettre un rapport de treize kilos, qui présentait en détail la mise en œuvre de chaque réforme.
- Une deuxième condition est de bénéficier d’une légitimité claire. À cet égard, l’élection de 2012, portée par le discours du Bourget est l’exemple même d’une campagne mensongère qui hypothéquait toute tentative réformiste ultérieure. Au demeurant, il ne suffit pas d’avoir raison pour réformer : les « despotes éclairés », qui soutiennent des politiques en contradiction avec le mandat électoral qu’ils ont reçu, posent un problème démocratique. À l’inverse, Gerhard Schröder avait engagé sa réélection en soumettant clairement les propositions de la réforme Hartz aux électeurs.
- Une dernière condition est de proposer un cap. Pour changer un pays, il ne suffit pas d’énumérer une liste d’arbitrages technocratiques, il faut être capable de proposer un projet qui emporte les citoyens vers l’avenir et les convainque d’accepter les efforts que cela implique. Sans cela, il est difficile de lever les réticences : personne n’aime bouleverser ses habitudes.
Les exemples internationaux et historiques montrent ainsi que nos partenaires ont su affronter des changements radicaux et profonds. Cela ne suffira pourtant pas à convaincre les Français ; c’est en eux qu’il faut trouver l’énergie d’une grande transformation. Ils y sont certainement bien plus préparés que ne le prétendent leurs élites fatiguées.
(1) Erwan Le Noan, Matthieu Montjotin, Gouverner pour réformer, éléments de méthode, note publiée par la Fondation pour l’innovation politique, 2016
(Article initialement publié sur l’Opinion le 31 août 2016.)
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Notre pays est culturellement attaché à l’universalité d’une réforme : on veut/attend qu’elle s’applique à tous, de la même manière…
Hors, les situations sont si différentes qu’elles poussent vers le plus petit dénominateur commun.
On confond égalité et équité .
J’ai lu quelque part que le taux d’imposition de mme Betancourt était de 8%… Elle paie autant d’impôt que moi… Euh!!! Je dirais que l’effort n’est pas perçu de la même façon… Mais qu’elle verse une fortune à l’état, donc à moi.
J’en suis venu à la conclusion qu’une autre voie est possible : ouvrir le droit d’expérimenter.
Le principe d’une expérimentation est de tester une manière d’atteindre un objectif, et mesurant les impacts et les risques identifiés… Le tout avec une transparence définie, et un bilan objectif…
Rien que cela changerait le pays… Et aboutirait à DES généralisations bien plus efficaces que les lois inaplicable sur et inappliquées d’aujourd’hui
“ouvrir le droit d’expérimenter.”
Cela ressemble à une bonne idée, sauf que j’ai plutôt l’impression lire une version du “pied dans la porte”.
1/ l’excuse de l’expérimentation risque de devenir la règle comme pour certains éditeurs de logiciels qui sortent des béta perpétuels
2/ ce principe d’expérimentation tel que vous le décrivez, vient en contradiction avec les économistes tel Pierre Cahuc qui affirment que l’économie est une science dure.
Votre sujet d’expérimentation n’est pas la réforme, mais les “bénéficiaires”
Autant alors revenir sur le principe d’égalite….
la France réussit très bien ses réformes et sa voie….vers le communisme.
Ferait bien de faire quelque chose pour ses ongles
Nous sommes dans une économie mondialisée, et une compétition mondialisée.
Soit on sort du jeu ,soit on entre pleinement dans le jeu, soit on fait modifier les règles du jeu.
La France est a cheval entre sortir et entrer.
Aller, un peu de défaitisme (ou réalisme ?) de ma part.
Je ne vois pas les vainqueurs accepter la modification des règles qui leurs conviennent.
Restent donc : sortir du jeu ou accepter le jeu et se battre.
Parce que c’est ça le jeu qui nous est proposé, se battre sans arme.
Les “reformes” ne sont que des adaptations aux règles du jeu en vigueur dans le but de faire partie des vainqueurs, ou de s’en rapprocher.
mais bon tout le monde ne peut être vainqueur. il faut des perdants pour faire les vainqueurs.
Alors que voulons nous au fond, si on sort de sa roue deux secondes ?
Une vision plus lumineuse que moi sur le monde ?