Par Nafy-Nathalie.
Petite devinetteÂ
Je suis :
- Un vêtement qui est le symbole d’une religion étrangère, fanatique et obscurantiste
La preuve étant que mon port n’est pas une obligation religieuse puisque je ne suis pas porté dans de nombreux autres pays.
- Un vêtement qui est une manifestation de sentiments anti-sociaux
Les personnes qui me portent se considèrent comme étant au-dessus des autres et tentent d’établir une « barrière infranchissable » avec la société laïque.
- Un vêtement qui est une atteinte à l’ordre public
Sa vue induit des manifestations diverses d’agressivité de la part de ceux qu’il choque.
- Un vêtement qui est aussi un asservissement
C’est un « signe d’obéissance directement opposée à la dignité humaine » qu’il faut interdire afin de « mettre fin à la situation d’esclave ».
D’ailleurs les personnes qui me portent attendent ardemment cette interdiction « qui les rendra libres » et elles deviendront partisanes de la loi pour la laïcité si elle leur permet de ne plus les porter.
Qui suis-je ?
La laïcité en question
Beaucoup d’entre vous reconnaîtront dans les indices ci-dessus les arguments anti-burkinis défendus au cours de l’été par nos politiques. Pourtant, les arguments sont ceux qui ont appuyé en 1905 un amendement à l’article 24 de la loi du 9 décembre 1905.
En effet, dans le débat sur la laïcité la question de l’interdiction du port du costume ecclésiastique dans l’espace public fait rage. Aristide Briand, député socialiste rapporteur de la loi, soutenu par Jaurès, monte au front. Pour lui une loi qui propose d’« instaurer un régime de liberté » est incompatible avec l’idée d’imposer aux prêtres « l’obligation de modifier la coupe de leurs vêtements ».
Il explique à ses pairs :
« Votre commission, messieurs, a pensé qu’en régime de séparation la question du costume ecclésiastique ne pouvait se poser. Ce costume n’existe plus pour nous avec son caractère officiel […]. La soutane devient, dès le lendemain de la séparation, un vêtement comme les autres, accessible à tous les citoyens, prêtres ou non. »
Selon Aristide Briand, chaque homme, avait le droit de se promener en robe, d’aller ainsi à la plage et de s’y baigner également.
Intolérance ou ridicule ?
Il explique également que la République « s’exposerait [alors] à un danger plus grave [que le reproche d’intolérance] celui du ridicule en voulant par une loi qui se donne pour but d’instaurer dans ce pays un régime de liberté au point de vue confessionnel et qui imposerait aux ministres du culte l’obligation de modifier la coupe de leurs vêtements ».
L’amendement fut repoussé par 391 voix contre 184. C’est heureux. Sauf qu’un peu plus d’un siècle plus tard nous retrouvons un débat similaire avec le burkini et les mêmes arguments.
Si Aristide Briand a conscience du ridicule de défendre une restriction de la liberté au motif de sauvegarder la liberté, il semble que le grotesque de la situation a par contre totalement échappé à nos politiques. La France a ainsi été la risée du monde entier.
Consternation de la presse anglo-américaine
« Le débat sur le burkini en France consterne (et amuse) la presse anglo-saxonne » selon le Huffington post. The Independent titre également, en toute ironie : « Le burkini interdit sur les côtes françaises – pour protéger les gens ».
Le New York Times y va même un plus fort : « La France désigne la dernière menace sur sa sécurité : le burkini ». Pour Hillary Hanson, journaliste au Huffington Post américain, cette mesure est « stupide et sexiste. »
Pour le Telegraph, l’interdiction du burkini est un « acte de fanatisme idiot. » Quand il n’est pas comparé à « une provocation inutile ». En France le gouvernement est divisé.
La décision du conseil d’État
Le 26 août 2016, le conseil d’État a mis un terme à la prolifération des arrêtés anti burkinis.
Son ordonnance indiquait que :
« L’arrêté litigieux a […] porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle ».
Le sujet reste pourtant ardent comme l’indique d’ailleurs Le Monde.
Manuel Valls déclare d’ailleurs, sur facebook, que « Dénoncer le burkini, ce n’est en aucun cas mettre en cause une liberté individuelle. »
Il n’y a pas de liberté qui enferme les femmes ! C’est dénoncerun islamisme mortifère, rétrograde. Mais bien sûr ! On est en plein dans le fameux ridicule dont parlait Aristide Briand. Mais surtout, on est dans une opposition assez étonnante entre les libertés publiques sauvegardées par le conseil d’État et la morale d’État que le Premier ministre tente d’imposer à tout prix.
Ordre public et burkini
De même, dans une interview, Emmanuel Macron a estimé qu’« il est justifié à certains endroits, pour des raisons d’ordre public, d’interdire le burkini. Il est indispensable de mener une bataille politique, idéologique, pour dire que ce vêtement est contraire à l’idée que nous nous faisons de la civilité et de l’égalité entre homme et femme. » Tout en regrettant que la limitation des libertés individuelles car pour résumer, tout le monde devrait pouvoir s’habiller comme il l’entend (sauf les musulmanes) et que cela était une formidable défaite de la laïcité.
Quelle hypocrisie surtout quand on se rappelle un Paris Match de cet été dans lequel nous avons découvert un homme nu se promenant sur une plage non naturiste de Biarritz et échangeant des politesses avec Emmanuel Macron sans que personne ne s’en alarme réellement.
Pourtant, dans les deux cas, nous sommes face à des choix relevant de la liberté individuelle qui, s’ils semblent fondamentalement opposés, relèvent pourtant de la même liberté. Dans le cas du burkini, rien n’interdit de le porter mais il a été sanctionné.
Deux poids deux mesures
Le nudiste est en infraction puisque le nudisme n’est autorisé que dans les zones réservées à cet effet et il n’a pas été sanctionné. Ce qui quelque part n’est pas étonnant si l’on constate que les naturistes ont eu un stand à la fête de L’Humanité ou qu’à la demande d’élus écologistes un projet de lieu dédié aux naturistes arrive, en discussion à la mairie de Paris.
Mais hormis la différence de traitement du au prisme de la morale d’État, ce qui est intéressant c’est de constater la similitude entre les inquiétudes des opposants et les arguments dans une cause ou une autre.
Ces politiques demandent l’application, y compris par la force, d’une morale d’État. Faisons attention aux mots et aux notions qui sont derrière, évitons les confusions ! Il n’y a pas de morale d’État et il y a d’autant moins de confusion possible entre morale commune et liberté publique.
Manipulation du langage
Manipuler le langage est un procédé pernicieux comme un article de Contrepoints l’expliquait. Ne les laissons pas continuer et substituer peu à peu à nos libertés publiques une morale commune d’État. Le régime qu’ils façonnent ressemblent à s’y méprendre à un régime autoritaire.
Le côté peu égalitaire des mesures défendues est aussi à relever. Comment peuvent-ils, alors qu’ils sont garants de la loi et de la démocratie, accepter une application de la loi à géométrie variable sans y trouver à redire ? N’oublions jamais que si nous demandons ou acceptons la restriction d’une liberté pour les uns, peu importent les raisons, elle est également sacrifiée pour tous. En effet, demain, les majorités peuvent changer mais cette possibilité de réduire une liberté relative aux corps et aux apparences, peut aussi être le prétexte pour réduire d’autres libertés jugées non conformes à la morale de la nouvelle majorité.
José Lopez-Martinez dans un récent article de Contrepoints indique que « … les dirigeants occidentaux n’ont pas pour rôle de défendre une quelconque identité culturelle qui serait supposément la nôtre. Leur rôle est de garantir un ensemble de libertés et de droits aux citoyens. Cela suppose une garantie qui s’exprime par une abstention de l’État : le classique Laissez faire, laissez passer, mais également un laissez être. » Effectivement ! L’État devrait ignorer simplement la religion au lieu de tenter de l’encadrer.
L’article 6 de la déclaration de 1793 indique :
« La liberté est le pouvoir qui appartient à l’homme de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui ; elle a pour principe la nature ; pour règle la justice ; pour sauvegarde la loi ; sa limite morale est dans cette maxime : Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait ».
Gardons cela à l’esprit ! Tenons à notre liberté ! Tenons à celle des autres ! Ne les laissons pas grignoter les unes derrière les autres ! Ne laissons pas la morale d’État s’y substituer.
Bon article, libéral.
Voici un siècle et plus, les femmes se rendaient rarement sur nos plages et celles qui s’y rendaient étaient citadines appartenant à un milieu social instruit. Elles restaient habillées. Leur « vêtement de bain » ne servait qu’au bain, à l’issue duquel, les femmes se rhabillaient. En Espagne, au Portugal, en Grèce il était possible d’assister à pareils scenarios voici encore quelques années.
Oui, un article véritablement liberal. Merci à l’auteur.
Merci pour cette analyse.
Cependant, pourquoi l’illustrer par une photo qui n’a rien à voir ?
Le « burkini », fort mal nommé par les images auxquelles il renvoie, mais trouvaille marketing, la fabricante vous dit merci.
« Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qu’il te soit fait »
mais si je suis un adepte du masochisme, je ferais à autrui ce que je veux qu’il me fasse…
très amusante et instructive comparaison historique. Toutefois, bien que les personnes concernées ont le droit pour elles, il faut voir la manière dont cela est fait. A Nice tout de suite après les attentats, ça sentait un peu la provocation. Qu’alors les esprits s’échauffent un peu plus que de raison n’est pas très anormal. Tous ces journalistes étrangers qui en ont profité pour critiquer les français(alors que chez eux il y a pire),auraient pu le comprendre.
Provocation aux yeux de ceux qui abusivement imaginent un lien entre ces dames et l’attentat de Nice. Provocation imaginaire.
Bonjour, merci pour l’article très intéressant et bien documenté ( big up pour la référence à Briand).
Sinon pour ce qui concerne la réaction de la presse étrangère anglo saxonne, on a juste un modèle d’intégration différent, il suffit de se balader un peu la bas pour voir qu’il sont pour une société multi culturelle ce qui est difficile à faire admettre au français. Tolérance envers les autres n’est pas respect, les Etats Unis en sont la preuve et je pense qu’ils sont très mal placées pour nous qualifier, des centaines de noir meurt chaque année à cause d’un racisme sous jacent évident. La question que je me pose alors est celle ci : si nous entrons dans une société multi culturelle, que vous semblez défendre, ne risquons nous pas de plonger dans un pays constitué de communauté repliée sur elle même ? la tolérance sera devenu loi mais certainement pas le respect.
Au fond le burkini est une vaste blague, pour ma part je suis un peu dubitatif la dessus mais ce qui est sur c’est que je trouve que c’est assez symptomatique de notre époque que dès que les gens sont contre une pratique ils souhaitent la rendre illégale et au contraire lorsqu’ils sont pour il veulent la rendre légale. La loi doit permettre la défense de l’intérêt général et non pas des petits ressentiments éprouvés par chacun. A quand une loi contre les gens désagréables ?