Par Eric Verhaeghe.
Si la Deutsche Bank entraînait l’économie mondiale dans un nouveau désastre, nous pourrions en rire (jaune), car il s’agirait bien d’une très ironique revanche de l’histoire. L’Allemagne si superbe épuiserait de cette façon le filon qu’elle creuse depuis sa réunification : celui d’un appauvrissement artificiel de ses concurrents européens jusqu’à sa propre destruction.
La Deutsche Bank, joyau allemand…
La Deutsche Bank n’est pas seulement la première banque allemande. C’est aussi un établissement symbolique, créé en 1870 (année de l’unité de l’Allemagne) pour accompagner le développement industriel de ce tout nouveau pays. L’histoire de la banque épouse patiemment les contours de l’histoire allemande. Il n’est pas de prospérité dans l’Allemagne industrielle sans intervention de la Deutsche Bank.
… et pire bad bank du monde
Forte de cette arrogance, la banque s’est transformée en tour infernale. Dans les années 2000, notamment sous l’impulsion de Josef Ackermann, qui l’a dirigée de 2006 à 2012 (où il était payé 9 millions d’euros par an), la banque a multiplié les rendements hasardeux et méchamment bu le bouillon. Précisons qu’Ackermann fut membre du comité directeur du groupe de Bilderberg : démonstration est faite que l’on peut pourtant figurer dans la prétendue élite mondiale.
Depuis 2008, Deutsche Bank évite coûte que coûte une faillite qui mettrait par terre l’économie allemande et, dans son sillage, l’économie mondiale.
Le FMI s’inquiète
On passera ici sur les innombrables péripéties qui frappent la Deutsche Bank. Il suffit de citer le rapport du 30 juin 2016 du FMI sur les risques systémiques pour comprendre l’ampleur du désastre. Ce jour-là , l’institution internationale affirme que le principal risque systémique dans l’économie mondiale provient… de la Deutsche Bank.
Pour le FMI, l’Allemagne, mais aussi la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis sont particulièrement exposés au risque de contagion en cas de faillite de la banque.
Le Qatar sauve Merkel et l’Allemagne
Le 15 juillet 2016, le Wall Street Journal révèle que le Qatar a augmenté sa participation dans le capital de la banque jusqu’à y prendre près de 10%. En échange de ce petit coup de pouce donné à Angela Merkel, le Qatar exige la nomination d’un homme-lige au comité de direction de la banque. Il s’agit d’un certain Stefan Simon. Dans la pratique, pour 10% des parts, le Qatar a préempté l’économie allemande.
Mais la banque suit toujours sa mauvaise pente
L’intervention du Qatar va-t-elle sauver la Deutsche Bank ? Rien n’est moins sûr, et la banque allemande continue à envoyer de mauvais signaux aux marchés. Par exemple, début septembre, elle a refusé de convertir de l’or papier en or physique, comme le réclamait un client. Les marchés ont volontiers interprété ce refus comme une incapacité à faire face à une échéance…
2,4 milliards d’amende aux USA
La banque a de bonnes raisons de refuser aux clients de récupérer leurs avoirs. Sa situation devient en effet très compliquée. Par exemple, la banque propose aux autorités américaines de régler une amende de 2,4 milliards de dollars pour couvrir les recours dans diverses affaires.
« These comprise the mortgages case, alleged manipulation of foreign exchange rates, a probe into suspicious equities trades in Russia, and remaining investigations into alleged money laundering. »
(Celles-ci comprennent les contentieux hypothécaires, les accusations de manipulation des taux de change, une enquête sur des achats douteux d’actifs en Russie, et les enquêtes encore en cours sur du blanchiment).
Encore un problème sur les collatéraux
Beaucoup d’analystes considèrent que la Deutsche Bank a recommencé le jeu qui avait abouti à la crise de 2008 : celui d’une surestimation systématique des collatéraux qui garantissent les crédits qu’elle accorde. Autrement dit, la banque accorde des crédits risqués et douteux, et gonfle artificiellement son bilan en affichant des valeurs qui pourraient s’effondrer si une crise survenait.
Des pronostics inquiétants
On lira donc, sous la plume d’observateurs avertis, des pronostics inquiétants. Cet été, Olivier Demeulenaere citait le bilan du Centre for European Economic Research (ZEW) à Mannheim, qui dressait ses propres stress tests européens. Selon l’institut allemand, les trois banques les plus exposées au risque en Europe sont la Deutsche Bank, la Société Générale et la BNP. Pour Jean-Pierre Chevallier, la banque allemande est d’ores et déjà un Lehman Brothers européen.
Too big to fail
Reste que la Deutsche Bank est trop systémique pour que l’Allemagne, l’Europe, la Banque Centrale Européenne, la laissent faire faillite. Les conséquences d’un défaut aussi colossal ont trop marqué les esprits en 2008 pour que les politiques acceptent une telle solution. C’est ici que les ennuis commencent. Car, en dehors d’une prise en charge par les citoyens de l’Union, aussi discrète que possible, des coûts induits par cette faillite en attendant le tremblement de terre final, on voit mal ce qui pourrait se passer.
À moins, bien sûr, qu’une panique des marchés n’oblige l’Allemagne à privatiser la banque et à violer les traités pour éviter le naufrage complet.
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N’y aurait’il pas une corélation anticipée avec la loi qui vient d’etre voter furtivement en France sur le fait que les banques Française que nous ne pouvons plus retirer nos fonds en cas de faillite de ces dernieres ?????
Je pense que nos politiques ayant senti le vent venir, ce soit empresser de voter cette loi pendant les vacances.
Lorsque les historiens se pencheront sur la faillite du systéme financier occidental, ils auront du mal à expliquer pourquoi la machine infernale a pu non seulement se déclencher (facile à expliquer avec l’erreur majeur de Clinton de fin 99) mais surtout pourquoi personne n’a pu, su ou voulu l’arrêter.
La raison, à mes yeux, est assez simple à savoir une rémunération excessive d’abord des dirigeants puis des n-1 puis des n-2 ce qui a nécessité de trouver de nouvelles sources de pseudo « création de valeur » …. à savoir dans le cas de DB des prises de positions spéculatives d’un niveau jamais atteint avant par rapport aux « vrais » fonds propres dont disposait la banque.
Ce syndrome a atteint toutes les banques aussi bien américaines qu’européennes …. amusez vous à comparer la rémunération de l’état major d’une grande banque française en 1995 avec celle de 2015
Une fois le stade « too big too fail » atteint le mécanisme n’était plus arrêtable (ou du moins il suffisait de convaincre les politiques)
Le pire c’est que les dirigeants sont de plus mauvais car ils ne comprennent même pas ce qu’ils font……. mais comme en face les politiques non plus, ce n’est pas vraiment génant (d’où une collusion incestueuse entre les responsables politiques et le système bancaire)
Mais les lois de la génétique et de l’économie seront les plus fortes et ce système ne pourra que s’écrouler ….. ce qui provoquera un « reset » généralisé des actifs d’une grande partie de la population
Le dernier grand « reset » date de la deuxième guerre mondiale (au moins pour l’Europe) …. Par contre je ne sais pas si cela provoquera l’électro choc suffisant pour qu’une majorité décide de se retrousser les manches et de reconstruire ce qui aura été détruit
Oui, on peut toujours dire que les banquiers s’enrichissent trop. Dans les siècles passés, en encore parfois aujourd’hui on rajoute même un qualificatif à « banquier » évoquait un peuple élu de dieu (je fais une périphrase pour ne choquer personne, hein, on est d’accord).
Mais an fait le probleme vient des clients. Dans notre société de consommation instantanée nous avons pris l’habitude de vivre à crédit. Nous, les particuliers, mais aussi nos entreprises, nos administrations, nos elus, etc.
Ce comportement addictif à l’argent facile (on paiera demain) à un prix : celui que le principe de réalité est en train de nous mettre avec violence sous les yeux.
Nous (la société) viendront pleurer quand le système financier s’effondrera. Nous prendrons quelques banquiers, nous pillerons leurs biens, nous tuerons parfois leurs familles, comme par le passé. Ca nous permettra de ne pas voir notre propre responsabilité, et d’effacer notre ardoise.
Nous sommes des junkies et les banques sont les dealers : qui est responsable ?
Le risque lié aux crédits consentis aux entreprises ou aux particuliers est d’un ordre de grandeur au moins inférieur au risque lié au portefeuille des dérivatives détenu par les banques .
Il y a quelques temps McKinsey avait fait une analyse intéressante de la dette des principaux pays en regardant la dette des particuliers, des entreprises, des banques et des entités publiques.
Dans le cas de la France la dette des particuliers est nettement inférieure à celle des entités publiques
Quant aux entreprises en tant qu’entrepeneur, en dehors de quelques multinationales, les entreprises n’ont jamais été aussi peu endettées … ce qui rejaillit sur la croissance.
La probable faillite du système financier aura de nombreux géniteurs ; le haut management des banques incluant les banques centrales, les politiques en charge des finances et la haute fonction publique, … et dans une moindre mesure les citoyens qui n’ont jamais utilisé leur bulletin de vote pour dire non à l’accroissement de la dette Il est vrai aussi qu’ils n’ont jamais cherché à savoir Qui sait que le déficit de l’Etat au sens comptable du terme est de 30.76% pour 2016 ….. quel ménage pourrais tenir longtemps avec un tel déficit ?
Pour dire non a l’augmentation de la dette, quel bulletin faut il mettre dans l’urne? il n’en existe AUCUN.
Doit-on trouver l’explication dans l’excédant commercial quasi structurel de l’Allemagne? Le surplus de liquidité s’est retrouvé dans cette banque allemande, qui à investit et distribué des crédits douteux…?
Une nouvelle règle européenne en vue (la règle des 3% de déficit ne suffira pas)…?
Plus que la force économique de l’Allemagne, ne faudrait-il pas accuser la faiblesse de ses partenaires bien contents de s’en remettre à la banque germanique pour racheter ou couvrir leurs créances douteuses plutôt que de se donner les moyens de ne plus en avoir ou de développer leur propre système bancaire concurrentiel ?
Il faudrait quand même qu’on m’explique comment on peut à la fois reprocher à la DB de trop prêter à des clients douteux, et aux banques de ne pas assez accorder de crédits avec les pluies de liquidités déversées par les banques centrales !
Soyez prêts a pousser la Théorie relative de la monnaie! Cherchez TRM.
Il y a quelques temps Mme. Merkel suggéraient que les Allemands fassent des provisions pour une dizaine de jours. Sur le moment je n’ai pas compris à quelle crise elle voulait préparer le pays. Nous étions alors en plein drame des réfugiés et autres clandestins. En fait elle craignait sans doute la chute de la Deutsche Bank, avec ses conséquences sur l’ensemble du système bancaire et le rationnement des retraits aux distributeurs de billets. Par les temps qui courent il vaut mieux avoir un peu de cash d’avance, si on le peut.
Vous écrivez : « Nous étions » en plein drame des réfugiés … Parce-que vous pensez que c’est derrière nous ?
Quoique il en soit, même du cash en euros, ça ne vaudra plus rien en pareil cas tellement ce sera du brutal ! Personne n’est prêt à encaisser une pénurie générale, d’autant qu’il n’y a pratiquement plus d’espaces cultivables ni de fermes d’élevage en Ile de France et à la périphérie des zones urbaines …!!
C’est très exactement ce que j’ai pensé … et il vaut mieux se prémunir en cas de mesures pour éviter un bank run.
« À moins, bien sûr, qu’une panique des marchés n’oblige l’Allemagne à privatiser la banque et à violer les traités pour éviter le naufrage complet. » Eric Verhaeghe veut dire nationaliser. Que d’approximations dans cet article comme dans tout ce que signe cet « Ancien élève de l’ENA » 😉
n attendez pas trop pour sortir vos economies ….mieux vaut 1 mois avant …car apres c est cuit …!!!