Par Jean-Pierre Chevallier.
Un petit rappel s’impose au sujet de cet article 21 bis de la loi Sapin 2.
D’après les informations concordantes reprises en particulier lors des derniers débats à l’Assemblée nationale le jeudi 29 septembre, 15 millions de contrats d’assurance vie en euros ont été souscrits en France pour un total supérieur à 1500 milliards d’euros, soit en moyenne 100 000 euros par contrat, par l’intermédiaire d’établissements financiers (banques, compagnies d’assurances et autres) qui investissent cet argent en bonne partie en bons du Trésor.
Les bons du Trésors au plus bas menacent l’assurance vie
Ces bons du Trésor étaient des placements réputés sûrs, sans risques, dits de pères de famille.
Mais leurs rendements atteignent maintenant des plus bas historiques, en territoire négatif même pour des échéances allant jusqu’à neuf ans pour la France, ce qui correspond à des plus hauts historiques pour leur prix d’acquisition.
Or, si les rendements de ces bons du Trésor augmentent dans un avenir prévisible, les prix des contrats vont plonger.
En pareilles circonstances, des fonds de couverture (hedge funds) les reprennent habituellement à 20% de leur valeur faciale, ce qui correspond à une perte potentielle de l’ordre de… 1000 milliards d’euros pour les établissements financiers si leurs clients ayant souscrit ces contrats d’assurances vie en demandent le remboursement, ce qui est leur droit, en particulier pour bénéficier de la hausse de ces rendements.
Une perte de l’ordre de 1000 milliards d’euros
Les établissements financiers ayant acquis ces bons du Trésor ne pourraient alors pas supporter de telles pertes potentielles de l’ordre de 1000 milliards d’euros.
La logique et la morale auraient dû conduire à condamner ceux qui étaient informés de ces risques et qui auraient dû ne pas proposer de tels produits, à savoir les dirigeants de ces intermédiaires financiers, ainsi que les membres des autorités financières qui n’ont pas effectué correctement leur travail de surveillance et de prévention.
Or, il n’en est rien : pour éviter la faillite à ces établissements financiers, les socialistes au pouvoir ont eu l’idée de donner au gouvernement (via le Haut Conseil de Stabilité Financière, HCSF) la possibilité d’interdire de rembourser les personnes ayant souscrit ces contrats d’assurance vie en euros. Et cela pendant une période de trois mois… renouvelable, ce qui équivaut à ne pas les rembourser, faisant ainsi supporter les pertes aux épargnants (a priori non professionnels en matière financière) qui ignoraient l’existence de ces risques.
Article 21 bis de la loi Sapin 2 sur l’assurance vie
C’est là l’objet de cet article 21 bis de la loi Sapin 2.
Une solution totalement inadmissible et injuste, car les dirigeants de ces établissements financiers savaient très bien qu’ils vendaient (et qu’ils continuent à vendre) des produits financiers dits toxiques, c’est-à -dire qui risquent de générer des pertes considérables qu’ils ne pourraient pas supporter et pire, qui risqueraient de créer une crise systémique, c’est-à -dire un effondrement de tout le système financier français et de l’économie française, avec des répercussions considérables ailleurs dans le monde. Cela serait pire que la crise dite des subprimes.
Dans une telle situation, les titulaires de ces 15 millions de contrats d’assurance vie auraient dû défendre énergiquement leurs intérêts selon les bonnes méthodes françaises : en manifestant, par exemple. Cela aurait dû faire une trentaine de millions de protestataires dans les rues exigeant l’adoption de lois condamnant les banksters et leurs homologues en assurances vie pour qu’ils puissent être condamnés à de longues peines de prison, en faisant supporter les pertes potentielles par les établissements financiers coupables, et en interdisant la promotion de tels produits financiers.
Silence radio sur le scandale
Tous les médias auraient dû traiter abondamment ce sujet. Les hommes politiques auraient dû sauter sur ce thème pour défendre les intérêts de leurs électeurs. Or il n’en est rien. Silence radio de toutes parts.
Tous les parlementaires défendent les intérêts des banquiers et de leurs acolytes. Sauf un : Pierre Lellouche, qui s’est vivement opposé à l’adoption de cet article 21 bis de la loi Sapin 2. Il a déclaré, entre autres, en s’adressant aux socialistes et en particulier à Sapin :
« Ce que vous voulez faire est immoral. C’est immoral, particulièrement venant de personnes qui ont été élues en indiquant au monde entier que leur ennemi c’était la finance. […]
Or, aujourd’hui, cet ennemi, vous le défendez au détriment des petits épargnants. Voilà le résultat de votre politique ! Je connais sûrement aussi bien que vous, monsieur le ministre, les risques systémiques que vous évoquez sur le plan international. Mais je connais aussi les fautes et les turpitudes de certains établissements financiers qui ont procédé à une titrisation excessive. Il n’y a aucune raison que Main Street paie pour Wall Street, que les grands établissements financiers qui ont fait des erreurs soient financés par les épargnants. […]
Monsieur le ministre, je suis extrêmement gêné par cette proposition. Je lui trouve en effet, surtout émanant d’une majorité de gauche, un caractère vraiment immoral. Il s’agit en effet de faire porter sur les clients des compagnies d’assurance des mécanismes chargés de gérer éventuellement les turpitudes ou les erreurs de celles-ci.
Que la France veuille se doter d’un mécanisme de résolution dans le domaine de l’assurance, fort bien ; que ce mécanisme prévoie des contraintes de gestion pour des compagnies d’assurance, fort bien ; mais qu’au final, ce soit aux clients de payer pour ces turpitudes sans pouvoir récupérer leur argent, je trouve cela très choquant.
Lors de l’affaire des subprimes aux États-Unis, on entendait, rappelez-vous, cette fameuse phrase : « C’est Main Street qui paye pour Wall Street. » Et à la fin de la journée, c’est toujours le petit épargnant, le petit assuré, qui paye pour toutes les erreurs de gestion des grandes entreprises financières qui ont spéculé, titrisé, constitué leur portefeuille de façon souvent aléatoire.
Je trouve pour le moins curieux qu’un gouvernement de gauche vienne aujourd’hui nous expliquer que, pour sauver si nécessaire les compagnies d’assurance, il faudrait bloquer l’épargne des particuliers parce que, comme le disait Charles de Courson, il s’agit d’une épargne liquide…»
Réponse de Michel Sapin :
« Et vous, dans le genre de la démagogie absolue et de l’irresponsabilité, vous êtes un champion ! »
Les Français sont des veaux disait le Général de Gaulle. Ils vont à l’abattoir sans réagir. Désespérant. Désespéré.
D’après mes analyses, la seule possibilité pour qu’il n’y ait pas de krach obligataire serait que les taux restent très bas, aux alentours de zéro pendant une vingtaine d’années, comme c’est le cas au Japon, ce qui signifie que la croissance du PIB réel devrait être elle aussi de zéro pendant les 20 prochaines années ! C’est pas de bol, la courbe du chômage ne va pas s’inverser.
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L’état un bandit-voleur, c’est pas nouveau!
En fin de compte ce qui est immoral c’est d’acheter des obligations d’état par l’intermédiaire des assurances vie. C’est effectivement donner aux états les moyens de leurs turpitudes.
Bien d’accord avec vous!
« Ces bons du Trésor étaient des placements réputés sûrs(…) mais leurs rendements atteignent maintenant des plus bas historiques (…) ce qui correspond à des plus hauts historiques pour leur prix d’acquisition. Or, si les rendements de ces bons du Trésor augmentent dans un avenir prévisible, les prix des contrats vont plonger. »
Une âme charitable pour m’expliquer cette apparente contradiction ? En naïf que je suis , j’aurai eu tendance à penser qu’une augmentation du taux / rendement des contrats aurait pour effet de renchérir leur prix et non de le faire plonger ? (à première vue un contrat avec un taux positif devrait être plus attractif qu’un contrat à rendement négatif, non ?)
Où est l’erreur de raisonnement ?
Excellente question Novice, j’attends une réponse également
Lorsque les taux augmentent, les bons du Trésor déjà émis deviennent moins rémunérateurs que les nouveaux bons. Donc leur valeur sur le marché diminue.
fm06 a fait la réponse courte (et juste)
« Où est l’erreur de raisonnement ?  » Dans la confusion entre les nouvelles obligations et les anciennes.
Ce sont les nouvelles obligations qui seront émises en cas de hausses des taux seront plus attractive, plus chères. Mais là on parle des anciennes, comme actuellement émise par France Trésor à 0.25% pour échéance 2026 (par exemple). Combien vaudra-t-elle si le taux revient à 5% (un taux des plus banal) ou 20% (un taux déjà vu ) ?
Même si vous l’avez acheter 100 €, elle vous rapportera au total 102,5 € sur 10 ans, alors que pour le même prix sa sÅ“ur cadette à 5% vous en promet 150, donc pour faire simple, elle ne vaut plus 100 €, elle ne vaut plus que 102,5/150 = 68,33 € puisque c’est le prix à mettre pour avoir exactement le même revenu total (je suis resté simple, en fait 102,5 € sous la forme de 3,4 € par an pendant 10 ans plus 68 € à la fin, c’est plus avantageux que sous la forme de 0,25 € pendant 10 ans plus 100 € à la fin ; bref).
32 € de perte dans cette hypothèse !
Et vice-versa : c’est uniquement pour ça que les assurance-vie actuelles peuvent encore distribuer du revenu. Elles sont pleines de vielles oat échéance 2026 qui valent de l’or par rapport aux nouvelles à la même échéance à 0.25 %
@ Novice
il n’y a pas d’erreur de raisonnement.
Si les taux d’intérêts remontent, les anciennes obligations/bons du trésor émis à taux zéro ou négatif ne deviennent plus intéressants
puisque l’investisseur va préférer des titres rémunérés. Tout le monde va donc essayer de s’en débarrasser d’où la diminution de leur valeur. (tous ces titres sont côtés à la bourse et si tout le monde vend le même titre sa valeur plonge).
Le coté rigolo de cette histoire est l’effet de bord prévisible sauf par ces politocards :
Qui va encore vouloir de ces contrats en n’étant pas certain de récupérer son bien?!
Plus personne ne va placer un cent dessus, et il n’y aura plus de nouveaux contrats ouverts…
Des moments savoureux à prévoir en sachant que le léviathan se finance grâce à ça !
+1 Ça n’est pas grave, il empruntera ailleurs, mais à 4% voire plus et la charge de la dette montera progressivement à 100 milliards d’Euros par an.
Un bel exercice d’enfumage puisque le libellé exact de ce projet de loi est « projet de loi relatif à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique ». L’épargne pour se constituer une retraite n’entrant pas dans les deux premiers sujets, on peut supposer que la modernisation de la vie économique consiste entre autres à avoir la possibilité de priver l’épargnant de la jouissance de son bien. Si l’on ajoute l’ordonnance du 20 août 2015, nous assistons à la légalisation du hold-up, mais uniquement s’il est commis par un banquier ou peut être commandité par l’état. Sous prétexte de lutte contre la corruption (lutte homéopathique vis à vis des élus) la propriété privée est en voie de disparition. La taille, la dîme et la gabelle représentaient je crois 30% des revenus Quand on voit où nous en sommes, pourquoi avoir coupé la tête de ce pauvre Louis XVI?
Encore un peu, et les frontières vont être fermées à sens unique, non pas pour freiner l’immigration, mais pour bloquer l’émigration des classes moyennes spoliées.
La loi définitive n’est ni votée ni promulguée, malheureusement on ne voit ni n’entend l’opposition (qui ne dit rien consent). Restera le recours en constitutionnalité.
Je ne suis pas un expert en finance mais je ne suis pas tout à fait d’accord avec le fait que seuls les établissements financiers soient coupables.
Je rappelle que si les taux sont aussi bas c’est grâce à nos banques centrales qui ont porté les taux à 0% et injectent des quantités industrielles de billets (environ 1200 milliards d’euro, une paille quoi).
Certes. Mais c’est qui, la banque centrale ? Aux USA, c’est une coopérative des banques privés, avec la participation de l’état. En Europe, une coopérative des banques centrales nationales, chacune étant elle-même une coopérative des banques de chaque état avec participation de l’état considéré.
Bref, les banques centrales sont des joint-venture entre les établissements financiers et les états. Et qui c’est qui profite de la politique des banques centrales …. ?
Un hasard, surement