La Deutsche Bank tousse, la finance s’enrhume

En l’état actuel, le destin de la Deutsche Bank semble scellé. Mais s’il y a quelque chose que le monde financier a bien compris depuis 2008, c’est que toutes les règles du jeu peuvent être changées si l’urgence le demande.

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La Deutsche Bank tousse, la finance s’enrhume

Publié le 7 octobre 2016
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Par Stéphane Montabert.

La Deutsche Bank tousse, la finance s'enrhumeSale temps pour la Deutsche Bank. Le premier établissement bancaire allemand est dans la tourmente, créant un « risque systémique qui effraye le monde financier » selon la RTS. Elle fait remonter les déboires de la banque à moins de trois semaines :

La crise actuelle a été déclenchée mi-septembre par la somme de 14 milliards de dollars réclamée par la justice américaine à la banque allemande pour solder un ancien litige aux États-Unis lié à la crise des subprimes.

Dans le même article, les journalistes précisent pourtant que le cours boursier de l’établissement a perdu la moitié de sa valeur depuis le début de l’année. Le phénomène est donc plus ancien. En fait, la banque perd des plumes depuis quasiment six ans :

 

montabert1Après un rebond consécutif à la crise des subprimes, le parcours de la Deutsche Bank ressemble à une lente agonie.

Profits financiers, dette juridique

Après être tombée au fond du trou en 2009, l’action de la Deutsche Bank remonta jusqu’à un plus haut en 2010 mais n’a fait que descendre depuis. Pourquoi ? Des erreurs dans la banque d’investissement, selon plusieurs analystes. Mais les pouvoirs publics ont aussi leur rôle.

En 1990, la banque chercha à grossir à travers des acquisitions. Elle acheta la banque britannique Morgan Grenfell en 1989 puis l’américaine Bankers Trust en 1999, ouvrant ainsi la voie dans la place new-yorkaise. Les affaires étaient profitables, mais risquées : avant la crise des subprimes, la banque opérait avec seulement 2% de fonds propres, une véritable danse sur le fil du rasoir.

Le management de la banque ne se contentait pas de bâtir une rentabilité financière aussi solide qu’un château de cartes ; l’attitude des dirigeants envers les lois fut pour le moins désinvolte. La banque fut ainsi condamnée en 2015 à une amende de 2,5 milliards de dollars pour avoir participé à une manipulation du taux interbancaire Libor aux États-Unis. Elle régla par ailleurs un accord négocié avec le régulateur des services financiers de New York (DFS) et la Réserve fédérale (Fed) pour cause de non-respect de l’embargo financier américain contre la Syrie et l’Iran. Elle est récemment accusée de faux comptes en Italie.

La récente amende en discussion, d’un montant présumé de 14 milliards de dollars, vient solder les responsabilités de la banque pour avoir vendu des crédits immobiliers à risque, les fameux subprimes menant à la crise de 2008.

Pendant des décennies, la Deutsche Bank multiplia les profits mais s’impliqua aussi dans de nombreux errements judiciaires qu’elle ne pouvait pas ignorer éternellement. L’addition se chiffre lourdement aujourd’hui.

Quand les règles prudentielles hâtent la chute

Tout cela pourrait peut-être se résumer à une simple question d’argent, ressource dont les grandes banques sont supposées disposer à profusion. Mais depuis 2008 et la crise, justement, les règles du jeu ont changé afin de prévenir l’impact des faillites bancaires. Elles ont un nom : Bâle III.

Les accords de Bâle prévoient une plus grande « résistance » des banques, notamment en exigeant davantage de fonds propres pour prémunir l’établissement contre tout mouvement de panique. Jérôme Legras, directeur de la recherche au sein de la société de gestion Axiom AI, explique :

« Deutsche Bank opérait avant la crise en 2007-2008 avec des fonds propres durs autour de 2%, alors qu’on demande aujourd’hui aux banques 12%. Quand on multiplie par six les exigences de fonds propres, ça fait dégringoler la rentabilité. »

Malgré deux augmentations de capital en octobre 2010 et en juin 2014, les fonds propres de la Deutsche Bank continuèrent à s’étioler :

La banque d’investissement, qui générait encore 70% des profits de Deutsche Bank en 2007 selon le magazine Spiegel, est aujourd’hui « non rentable », ajoute Jérôme Legras, qui pointe le « tsunami réglementaire » qui a fait exploser ses coûts dans le sillage de la crise.

Aujourd’hui la banque est à la recherche de nouveaux capitaux, et il en faudra, non seulement pour respecter la réglementation Bâle III, mais aussi pour solder les multiples amendes accumulées au cours des années de jouissance financière débridée…

Too big to save

Depuis des années, les taux d’intérêt des banques centrales ont diminué jusqu’à des montants nuls voire négatifs. Cela a considérablement affecté la rentabilité des banques et leur modèle d’affaire traditionnel. Comment réaliser des profits lorsque les intérêts sont au mieux symboliques ? Toutes les banques de la place sont confrontées à ce défi. La Deutsche Bank choisit sans hésitation d’aller les chercher en bourse, avec les instruments financiers les plus risqués qui soient, options et produits dérivés.

Ayant bâti son nouveau modèle d’affaire sur la spéculation, il y eut quelque chose d’ironique à entendre le patron de la banque John Cryan accuser « certaines forces de marché » pour justifier la récente dégringolade du titre. « Je ne sais pas s’il faut rire ou pleurer de voir une banque qui a fait de la spéculation un modèle de développement venir maintenant se poser en victime de la spéculation », releva le ministre social-démocrate allemand Sigmar Gabriel, avant de fustiger la stratégie de « dirigeants irresponsables » de la banque.

L’image de l’arroseur arrosé est peut-être plaisante, mais n’apporte aucune solution. Éreintée par une semaine noire en bourse, la Deutsche Bank doit trouver une montagne d’argent frais. Les milliards d’amende infligés par les autorités américaines ressemblent à un coup de grâce.

Qui pourra lui venir en aide ? Pas l’Allemagne, apparemment. Angela Merkel a exclu toute assistance, selon les nouveaux plans de sauvetage en vigueur dans l’UE au nom desquels les actionnaires et les créditeurs doivent passer à la caisse les premiers. « On ne peut pas changer les règles tous les six mois », a rappelé la Chancelière.

La fermeté de la politicienne s’explique moins par le respect des règles diligentées par l’Allemagne que par l’impopularité de cette option auprès de l’opinion publique. Le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) doit jusqu’à son existence à la protestation populaire contre les sauvetages bancaires ; la crise des migrants ne vint que plus tard.

Compte tenu de l’ascendant de l’AfD dans les dernières élections, une capitulation du gouvernement Merkel sur le dossier de la Deutsche Bank signifierait sans aucun doute la fin de la carrière politique de la Chancelière. À moins de patienter jusqu’à sa réélection en 2017, mais la Deutsche Bank tiendra-t-elle jusque-là ?

En réalité, quels que soient les plans élaborés en coulisses, il n’est même pas certain que Berlin ait les moyens de sauver la banque. La Deutsche Bank est huit fois plus grosse que Lehman Brothers. Et à quoi pourrait servir l’apport de capitaux si la lancinante question de la rentabilité de l’établissement n’est pas réglée ?

Risque systémique

La Deutsche Bank appartient clairement au club des établissements too big to fail – et pourrait même appartenir à celui des too big to save. L’exposition de l’établissement aux produits dérivés se montait fin 2015 à hauteur de 46 000 milliards d’euros, soit plus de treize fois le PIB de l’Allemagne. Certains analystes évoquent aujourd’hui une exposition de trente-cinq fois le PIB de l’Allemagne.

Non seulement des fonds ont pris des positions pour protéger leurs intérêts face à un effondrement total du cours de l’action (via les Credit-Default-Swaps ou CDS), mais d’autres ont entrepris de transférer leurs avoirs ailleurs, une hémorragie financière aggravant encore la situation de la banque.

En l’état actuel, le destin de la Deutsche Bank semble scellé. Mais s’il y a quelque chose que le monde financier a bien compris depuis 2008, c’est que toutes les règles du jeu peuvent être changées si l’urgence le demande. Les options sur la table sont donc probablement plus nombreuses qu’on ne le pense.

Un nouveau fonds européen sera-t-il créé ? Angela Merkel changera-t-elle son fusil d’épaule en impliquant directement l’Allemagne ? Le salut viendra-t-il de la BCE au nom de la « stabilité » ? Pour l’heure, nul ne le sait, mais le graphique des dépendances interbancaires montre que l’inaction ne sera sans doute pas l’option privilégiée.
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  • La valse des dizaines de milliers de milliards en lien avec les produits dérivés, 40, 70, jusqu’à 120 mille milliards parfois annoncés selon les sources, n’a pas tellement de sens. Ces sortes d’évaluations, généralement établies au doigt mouillé, confondent le « notionnel » des sous-jacents avec les engagements réels attachés aux produits dérivés. Certes, même le plus petit pourcentage de telles sommes suffirait à mettre en faillite l’une ou l’autre des banques TBTF, à commencer par la DB dirigée vers le gouffre par les gougnafiers qui la dirigent. Mais il ne sert à rien de faire dans le gigantisme sensationnel pour étayer une démonstration par ailleurs vraie.

    Merkel refusant de faire payer l’Etat allemand pour les quelques 400 milliards de créances douteuses à pourries logées dans les comptes de la DB, elle renvoie la balle à la BCE qui tient la pôle position pour assumer les péripéties bankrunesque de la DB illiquide, banque dont plus personne n’ignore qu’elle est en réalité insolvable. On note au passage que la confusion savamment entretenue entre liquidité et solvabilité est le moteur du mensonge bancaire depuis que les BC ont été inventées.

    Face à l’exigence de Merkel, il est tout à fait plaisant de noter l’empressement de la BCE d’annoncer ces jours-ci un durcissement de sa politique monétaire avec la fin de son QE, par tapotages de 10 milliards ou plus. Dans la partie de pingpong entre le Petit Ange rigoureux et l’imprimeur Super Mariole, on pourrait bien assister à une soudaine inversion des rôles.

  • sortez vite vos sous des banques ….!!

  • … et pendant que Bâle III exigerait de regonfler les FP de 2 vers 12%, on questionnera la crédibilité d’une rumeur médiatisée selon laquelle les qataris détiennent d’ores et déjà % de la TBTF … et envisagent encore de hausser encore leur participation ?
    Qui paie pour qui d’autre dans ce magma de corrompus ?

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