Depuis le début des années 2000, le phénomène de « gamification » s’est largement répandu dans les entreprises. Les résultats observés ont légitimement soulevé la question de l’extension de cette méthode au secteur de l’éducation. La gamification est un concept fondé sur l’utilisation du jeu, dans une activité qui n’est pas obligatoirement numérique et qui peut être déclinée à l’ensemble des activités humaines. Par opposition la « ludification », vise essentiellement à rendre plus ludique une séquence, lorsque la « gamification » englobe l’aspect du divertissement, mais aussi les autres dimensions du jeu.
Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre
Le modèle du « human-focused design »
Yu-Kai Chou, intervenant à l’université de Stanford et pionnier de la gamification propose un outil permettant de mesurer le degré de gamification d’une activité. Pas de liste de critères exhaustifs mais une véritable réflexion sur la motivation et le ressenti des individus, pour les pousser à s’engager dans une tâche. C’est le modèle du « human-focused design », c’est à dire les émotions qui sont depuis toujours, au cœur de la passion et de l’implication des joueurs.
L’octalysis : l’outil d’évaluation de la gamification d’une activité
Créé par Yu-Kai Chou, cet outil s’articule autour de huit principes fondamentaux : le sens épique (donner du sens à une action), l’accomplissement (c’est à dire la validation de compétences, de niveaux), l’acquisition (qui peut passer par l’obtention d’un statut), la rareté (ou l’opportunité de saisir une chance), l’évitement (la peur de l’échec), l’imprévisibilité (le sentiment de surprise, d’inattendu), le social (la capacité à collaborer) et enfin, l’« empowerment » (l’amélioration de ses compétences, de sa créativité).
La « gamification » d’une séance pédagogique
La gamification d’une séquence pédagogique demande une préparation minutieuse sur le plan du vocabulaire utilisé, du graphisme sélectionné, mais aussi des concepts de jeu sollicités. En effet, il est question de convaincre l’élève par l’ambiance générale d’un jeu, mais aussi la crédibilité du scénario. Parallèlement aux règles du « temps de classe », l’enseignant peut également mettre en place des règles spécifiques au « temps du jeu ». La gamification permet d’aborder une nouvelle approche pédagogique, motivante et innovante pour les élèves. Pour Sarah Lachise, chargée de mission à la « DANE », la délégation au numérique de l’académie de Versailles, la notion de gamification peut être un atout pour les élèves, comme pour les enseignants. « La gamification d’une séance pédagogique peut être déclinée des premières classes du primaire jusqu’au lycée. Il est possible de faire vivre une expérience de jeu dans le cadre d’une séquence pédagogique, ou encore plusieurs séquences tout au long de l’année », précise Sarah Lachise.
Motivation supplémentaire dans l’expérimentation de la méthode, la gamification s’appuie sur des concepts que les élèves maîtrisent déjà , dans les jeux vidéos par exemple. L’expérience permettrait également de stimuler le travail en groupe, l’émulation et les jeux collaboratifs ». « Le numérique facilite l’expérience, à travers des plateformes dédiées, mais la gamification peut passer par la distribution de cartes avec des rôles spécifiques, des compétences ou des récompenses », précise la chargée de mission, également professeur d’histoire-géographie, convaincue par la plus-value de la méthode : « mes élèves étaient partie prenante du débat. Lors d’une séance sur les états généraux, ils devaient trouver les arguments pour défendre leur position en tant que noblesse, clergé ou tiers état. Ils se sentaient beaucoup plus investis en tant que groupe ».
Pour Éric Sanchez, professeur à l’Université de Fribourg, spécialiste des usages du numérique et des jeux déclinés à l’enseignement et la formation, les « jeux sérieux » sont une véritable opportunité. Ils permettent de décliner et d’affiner les d’applications qui aideront à d’aborder les objectifs pédagogiques avec plus d’interactivité. Des concepts mathématiques aux enjeux du développement durable, l’usage de ces jeux à l’école est aujourd’hui encouragé par le discours institutionnel.
Mais entre le discours officiel et l’accueil des enseignants, le décalage persiste
L’appréhension de la communauté éducative trouve souvent un écho auprès des parents, parfois même d’élèves, qui ont encore du mal à intégrer l’idée que l’on puisse apprendre en s’amusant. Les premières expériences semblent confirmer intérêt pédagogique de la gamification appliquée à l’enseignement. De l’introduction de nouvelles méthodes auprès des élèves, aux déclinaisons numériques auprès du public primaire, collégien ou lycéen, les enseignants et élèves commencent à observer les résultats des premières expérimentations.
Dans l’Académie de Versailles, la plateforme Eléa permettra de recueillir ces premiers éléments d’évaluation. Lancée en janvier 2016, cette plateforme d’e-éducation est proposée aux 156 établissements sélectionnés pour le projet e-éducation dès la rentrée 2016. Les enseignants concernés par l’expérimentation seront accompagnés dans la prise en main de la plateforme et des outils. Ils se verront également proposer une formation « e-éducation » tout au long de l’année. Les retours d’expériences et d’usages seront déterminants afin d’améliorer, de faire évoluer la plateforme, et de juger de la viabilité du dispositif sur le long terme.
Pour aller plus loin :
- Site du Ministère de l’Éducation Nationale : apprendre avec le jeu numérique.
- Site de Yu-Kai Chou.
- « Pourquoi utiliser la gamification dans l’enseignement ? », Edupronet, 2015.
Très bon article qui monte la différence entre les degrés de gamification. En effet chaque projet est différent et la manière d’y inclure les éléments de jeu très spécifique. Dans les classes la gamification a un bel avenir devant elle ! L’idée d’impliquer les étudiants dans la conception de ces modules d’apprentissage est également une bonne approche. Nous avons récemment travaillé sur un projet de jeu pour un musée en utilisant la plateforme Drimify qui nous a permi de donner une structure au concept et demander aux étudiants de concevoir le brief ainsi que les contenus du jeu. Dans cette idée d’ e-éducation, il est intéressant d’impliquer tous les partis, enseignants comme étudiants, sur un projet commun.
Oui, les écoliers ont surtout besoin de pratiquer la lecture… !!! Intensivement.