Par Ferghane Azihari.
Un cours de l’école de la Liberté
La lutte des classes est une théorie libérale avant d’être marxiste. C’est ce que nous rappelle Damien Theillier dans sa nouvelle séquence pour l’École de la liberté. Point de controverse jusque là puisque Marx lui-même admet s’être inspiré de ces deux penseurs libéraux que sont Charles Comte et Charles Dunoyer dans ses réflexions sur les rapports d’exploitation qui structurent la société. Cette théorie de la lutte des classes va également marquer Frédéric Bastiat en alimentant sa pensée politique.
Charles Comte et Charles Dunoyer sont deux intellectuels libéraux du XIXème siècle. Ils fondent en 1814 le magazine Le Censeur sous la Restauration afin de protester contre celle-ci tout en véhiculant les idées libérales.
Comte et Dunoyer analysent les rapports sociaux comme le résultat d’une lutte entre la classe productive qui compose la sphère marchande et la classe prédatrice qui compose la sphère gouvernementale.
La classe productive vit des richesses qu’elle produit tandis que l’État et ses agents vivent au contraire de la spoliation exercée via divers mécanismes comme l’impôt, les réglementations ainsi que les privilèges de monopole. En finir avec cette lutte des classes suppose donc de réduire les pouvoirs de la classe prédatrice.
La lutte des classes et Bastiat
Cette conception des rapports sociaux va durablement marquer Frédéric Bastiat en nourrissant ses réflexions sur le rôle du gouvernement dans la société. Cette influence apparaît très clairement dans son pamphlet le plus connu, la Loi.
Bastiat développe ainsi l’idée que la lutte des classes nait lorsque la loi sort de son juste rôle. Dans les cas où elle se contente de faire respecter les droits de chacun et de garantir « l’organisation collective du droit individuel de légitime défense », personne n’est dans la possibilité de l’instrumentaliser à son profit au détriment de tous, à tel point que la forme même du gouvernement devient une question secondaire.
Ce n’est que lorsque la loi sort de ses justes bornes que le législateur devient corruptible. Il s’ensuit alors une lutte acharnée entre divers intérêts catégoriels, tous soucieux de capturer l’appareil législatif en vue d’obtenir des privilèges par définition spoliateurs.
La lutte des classes est donc le résultat d’une crise institutionnelle qui survient lorsque le pouvoir politique échoue à sa mission de garantir les libertés individuelles en participant lui-même à l’exploitation des uns par les autres.
L’État devient alors selon les propos de Bastiat « la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ».
Et maintenant tous le monde connait Marx mais plus personne ne connait Bastiat.
Il existe plusieurs différences essentielles entre Bastiat et Marx au sujet de la lutte des classes.
Bastiat dénonce la lutte des classes comme étant la conséquence malheureuse des lois injustes. Marx au contraire désire ardemment la lutte des classes. Dans son délire envieux et haineux, la lutte des classes est une finalité.
Bastiat dénonce la prédation de l’Etat contre la population. Marx au contraire favorise la spoliation gouvernementale en divisant la population, dans un affrontement artificiel au prétexte d’intérêts opposés imaginaires.
Bastiat annonce les harmonies. Marx prépare le chaos permanent pour mieux imposer le règne implacable et meurtrier de ses idées farfelues.
L’un est un génie du bien, l’autre un génie du mal.
Le débat entre classe productive et improductive et bien antérieur à Bastiat: Quesnay, Turgot, St Simon traiter déjà cette aspect de long en large. Quand aux perceptions respectives de la lutte des classes de Marx et de Bastiat leur comparaison est sans intérêt sinon dans une visée moralisante entre « le bien » et « le mal ». Pour Bastiat la bureaucratie est l’appareil étatique est un ennemi de la société civil et de son épanouissement pour Marx la bureaucratie et l’appareil d’Etat est un allié du « patronat », donc à la limite les deux sont dans la critique de l’Etat mais pour des raisons totalement différentes. Bref la lutte des classe de Bastiat n’a absolument rien à avoir avec celle de Marx.