Par Véronique de Rugy, depuis les États-Unis.
Pour la deuxième fois seulement depuis le début des années 1950, un président républicain va exercer le pouvoir avec une mainmise républicaine sur les deux chambres du Congrès. Compte tenu de cet incroyable pouvoir, les défenseurs d’un État limité ne peuvent s’empêcher d’espérer que ce changement apportera de bonnes politiques et beaucoup moins d’étatisme que sous le président Barack Obama. C’est à voir.
Le contrôle du Congrès par le Parti républicain
La première fois, c’était il y a à peine plus d’une décennie, quand le président George W. Bush a connu au cours de ses six premières années de pouvoir un contrôle républicain du Congrès durant 4 ans ½. Quatre mois après le premier mandat de Bush, le sénateur républicain Jim Jeffords du Vermont s’était déclaré indépendant et s’était rapproché des démocrates, cassant ainsi un équilibre 50-50 et donnant aux démocrates un léger contrôle sur le Sénat, jusqu’à ce que le Parti républicain l’ait récupéré un peu plus d’un an plus tard.
La plupart des lecteurs auront probablement oublié Jeffords, mais il faut se souvenir de la croissance massive de l’État fédéral avec un Washington dominé par le Parti républicain. Permettez-moi de rapidement rafraîchir votre mémoire.
Les réformes du Parti républicain et l’argent dépensé
Ce qui suit est une triste liste des réformes républicaines en faveur d’une expansion de la taille et du rôle de l’État fédéral : loi sur l’éducation No Child Left Behind, Patriot Act, loi de financement des campagnes électorales McCain-Feingold, loi Sarbanes-Oxley instaurant un encadrement du système comptable américain, création du Department of Homeland Security, projet de loi agricole hypertrophié, expansion de Medicare grâce à la création d’une prestation de médicaments sur ordonnance, essor du capitalisme de connivence dans le secteur énergétique, et toujours plus de guerre et d’interventions militaires aux quatre coins du monde.
Dans la dernière année de la présidence de Bill Clinton, l’État fédéral dépensait 1860 milliards de dollars. Six ans plus tard, avec Bush aux commandes et un Congrès dominé par les Républicains, ce chiffre était de 2730 milliards de dollars. Au regard de l’économie, les dépenses sont passées de 17,6% du Produit Intérieur Brut à 19,1% du PIB pendant cette période, et elles sont montées à plus de 20% au moment où Bush a finalement quitté son poste. Ceux qui critiquent l’administration Obama lui reprochent à juste titre la forte croissance de la dette fédérale durant son mandat. Mais les années Bush ont tracé la voie, Obama n’a fait que suivre le sillon.
Tous responsables des excès de l’administration
Ce dernier point est l’élément crucial dont il faut prendre conscience. L’administration Bush et ses alliés républicains au Congrès ont une part de responsabilité en ayant mené des politiques qui ont rendu possibles les excès de l’administration Obama. Les inquiétudes d’aujourd’hui devraient porter sur les excès de ces deux administrations qui contribuent à jeter les bases des excès de la nouvelle.
Autrement dit, il n’y a pas que les gens de gauche qui devraient être tourmentés par l’élection de Donald Trump et d’un Congrès républicain allié. Devraient également s’inquiéter les conservateurs, les libéraux, les libertariens et toutes les personnes intéressées par les libertés économiques et préoccupées par la nécessité de freiner cet État fédéral envahissant.
S’il faut prendre au sérieux les promesses de campagne de Trump, ses positions anti-libérales sur le commerce international sont assez alarmantes. Malheureusement, il ne faut pas sous-estimer la volonté des républicains du Congrès de fouler aux pieds le marché libre quand cela permet d’apaiser les esprits de clocher en répondant favorablement aux demandes de protection fédérale.
Même si la volonté d’abroger la loi sur les soins abordables (Obamacare) semble crédible, le risque que cette loi soit simplement remplacée par un « Obamacare éclairé » n’est pas à écarter. En outre, il n’est pas farfelu d’imaginer qu’aucune réforme de Medicare, de Medicaid ou de la Social Security ne se produise, essentiellement parce que beaucoup de gens au Congrès se satisferont de la pensée magique selon laquelle la croissance économique sera suffisante pour couvrir la note salée de l’escalade des droits sociaux. Et nous savons déjà que Trump a obtenu le soutien des Républicains en vue de rouvrir le robinet des dépenses pour arroser le Pentagone et les fournisseurs de la défense.
Trump, sans réseau et avec des politiciens ?
Pour ceux qui pensent que Trump est un homme pragmatique et que ses promesses de campagne se révéleront beaucoup plus souples, il y a toujours l’espoir qu’il finira par se résoudre à tourner le dos à ses idées les plus nuisibles pour se concentrer sur les réformes nécessaires, comme la réforme fiscale des entreprises.
Mais Trump débute ses fonctions sans expérience gouvernementale et avec peu de réseau. Autrement dit, avec des milliers de nominations à réaliser et pas assez de véritables fidèles disponibles pour remplir ces rôles, le président élu sera forcé de s’appuyer sur ces fameux politiciens du système qu’il a tant décriés au cours de sa campagne. Donc, plutôt qu’une purge de l’establishment comme l’a promis Trump, il faut craindre que l’establishment ne se rétrécisse pas du tout.
Enfin, une grande partie des personnes qu’il nommera aura probablement servi dans l’administration Bush évoquée plus haut et dans les équipes parlementaires habilitées par Bush. Si ce n’est pas pour vous un objet d’inquiétude, je vous invite à relire le début de ce billet.
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Article original titré « Will New Bosses Be the Same as the Old Bosses? » publié par Reason le 17.11.2016. Traduction : Raphaël Marfaux pour Contrepoints.
Entre Trump et Bush il y a un monde, on peut espérer que Trump fera ses propres bétises plutôt que de copier Bush.