Par Éric Verhaeghe.
En redressement judiciare pour trois mois, Viadeo est au bord de la faillite, une faillite qui coûterait environ 30 centimes € par Français, grâce à la brillante politique d’investissement menée par la BPI. Les pouvoirs publics ont en effet brûlé près de 20 millions € dans deux prises de participation douteuses au sein de ce réseau social français dont les chances de réussir étaient pourtant très incertaines.
Viadeo, brève histoire d’un échec
Viadeo est une sorte de cousin germain de Linkedin. Né en 2004 sous le nom de Viaduc, Viadeo prend son envol en 2007 sous la conduite de Dan Serfaty. En décembre 2013, Viadeo emploie 300 personnes à travers le monde.
Linkedin est né à la même époque. L’un est toujours en vie, l’autre vient de déposer le bilan. Encore un ratage français dans la compétition mondiale.
Le capital français marche à l’envers
Sur le fond, la mécanique qui condamne Viadeo est bien connue. Essentiellement développé sur fonds propres, le réseau français a besoin de cash pour se développer. Il fait donc payer les clients par avance (ce qui limite sa compétitivité) quand son concurrent américain Linkedin peut largement recourir à la gratuité, fort d’investissements apportés par les capital-riskers. C’est ici qu’on mesure le poids du capitalisme de connivence en France : ennemi du risque, il peine à porter des projets à long terme et s’intéresse essentiellement aux projets matures, ou aux amis qui vous veulent du bien.
Le business model « fermé » de Viadeo le condamne à ne pas dépasser les frontières françaises, et à subir un lent étranglement par son concurrent américain.
Le risque capitalistique et Linkedin
Pour mémoire, Linkedin a largement bénéficié d’une forte prise de risque de la part des fonds américains d’investissement. Dès 2003, le fonds Séquoia met près de 5 millions $ dans l’opération. En 2004, Greylock Partners met 10 millions $. On ne voit évidemment pas la vie de la même façon ni l’avenir de son entreprise quand on lève plusieurs millions $ par an.
La différence entre les capitalismes est ici : les 10 millions € levés auprès de la BPI par Viadeo arrivent près de 10 ans après la levée de Linkedin…
Viadeo en 2012 : chronique d’un ratage annoncé
En 2012 (cinq ans après la création du réseau…), le Fonds stratégique d’investissement, précurseur de la BPI, met une première ligne de 10 millions € dans Viadeo.
« Viadeo est un champion français de l’internet, qui s’inscrit dans une dynamique de forte croissance et que le FSI a choisi d’accompagner pour accélérer son développement dans le marché mondial attractif, mais compétitif, des réseaux sociaux professionnels », commente de son côté Jean d’Arthuys, directeur et membre du comité exécutif du FSI.
En 2012, Viadeo affiche un chiffre d’affaires d’environ 30 millions d’euros, soit près de 20 fois moins que Linkedin, créée en même temps. Viadeo réalise la quasi-totalité de son chiffre d’affaires en France et ne monétise aucun abonnement à l’étranger.
Errare humanum est, perseverare diabolicum
En 2014, la BPI ajoute 8,5 millions d’euros, sans l’afficher directement, à l’occasion de l’introduction de Viadeo en bourse. Autant l’investissement de 2012 pouvait se comprendre, autant celui de 2014 obéit à des déterminants mystérieux.
En effet, comme l’indique alors Sébastien Laye, Viadeo a « cashburné » près de 14 millions € en 2013, soit 50% de son chiffre d’affaires. Au premier trimestre 2014, le chiffre d’affaires diminue de près de 5%. La situation ne s’annonce donc pas sous les meilleures auspices…
C’est pourtant à ce moment que la banque publique décide de réinvestir…
La BPI et le capitalisme de connivence
Quelle est la logique de la politique d’investissement de la BPI ? Personne ne le sait. Elle n’est pas expliquée. On sait juste que la BPI s’appuie sur un comité exécutif qui semble prendre, avec l’argent des contribuables, des décisions discrétionnaires, voire arbitraires.
Son investissement de 8,5 millions dans l’introduction en bourse de Viadeo de 2014 (qui permet à l’entreprise française de lever 22 millions d’euros, dont 40% d’argent public…) illustre bien le caractère très opaque de sa stratégie. Les mauvais esprits (dont le mien) ne manqueront pas de déplorer, une fois de plus, l’esprit de connivence qui marque le capitalisme français, avec sa manie de mélanger les structures publiques et les structures privées pour financer des arrangements incompréhensibles.
La France est-elle en train de manquer la révolution numérique ?
Si l’on admet l’hypothèse que la révolution numérique repose d’abord sur la capacité du capital traditionnel à financer des activités à haut risque… la réponse est donnée. Viadeo, avec ses levées tardives à un moment où son business model était déjà très mal en point, en constitue un superbe exemple.
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Sur le web
Bonjour à toutes et à tous,
Quand un Business Angel investit avec son propre argent dans des startups, la décision de « couper la branche » quand les résultats ne sont pas au rendez-vous est déjà difficile … On comprend qu’avec l’argent du contribuable et de la dette, ce le soit encore beaucoup plus !
Ceci dit, nous sommes 4 500 en France rassemblés dans France Angels, et à peine quelques dizaines de « gros » Business Angels individuels, Xavier Niel étant l’arbre qui cache le néant …
Quand nous serons 100 000 Ã France Angels, le pays ira vraiment beaucoup mieux !
Mais ça demande incitation et pédagogie de la part des pouvoirs publics : de notre côté, nous faisons ce que nous pouvons ! 🙂
https://www.linkedin.com/pulse/partageons-efficacement-notre-épargne-pierre-tarissi
Amitiés,
Pierre
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Si ces investissements sont déductibles de mes revenus, j’arrive en courant !…
Bonjour, orldiabolo, Bonjour à toutes et à tous,
Ne rêvons pas trop ! De vos revenus, non, mais de votre IR oui, petitement et de votre ISF à 50 % …
Amitiés,
Pierre
Je repensais seulement à https://www.contrepoints.org/2015/06/26/212061-pourquoi-la-france-manque-de-business-angels
Bonjour orldiabolo, Bonjour à toutes et à tous,
Voilà de saines lectures ! 🙂
Dans notre beau pays, il n’est pas rare que je me fasse insulter sur les réseaux sociaux par des gens qui ne me connaissent absolument pas, juste parce que mon profil me présente comme « Business Angel ». Le simple terme semble être l’incarnation du Diable pour certains, qui forment apparemment une minorité (?) loin d’être négligeable …
Nous avons donc du chemin à parcourir et de la pédagogie à faire !
Amitiés,
Pierre
Il ne faut pas critiquer la BPI qui a tout de même réalisé une démarche positive, mais certes un peu tardive: ce sont les dirigeants de VIADEO qui sont responsables de la situation pour ne pas avoir demandés de l’aide plus tôt. Il est vrai que la France n’est pas propice à l’émergence d’entreprises (fiscalité et charges plétoriques…banques préhistoriques…), malgré un effort de dynamisation créé par les organisations patronales.
C’est bien triste.
francis / start UP
Tous les projets rentables financés par la BPI sont des projets qui auraient pu et auraient vraisemblablement été financés par des banques privées, si l’Etat n’assêchait pas l’épargne disponible avec sa dette galopante. C’est facile de poser un pansement après un coup de couteau. Ca arrange les choses mais le mieux reste quand même d’arrêter de remuer e couteau dans la plaie.
Viadeo…le réseau social qui pratique le renouvellement tacite de l’abonnement premium avec fourberie par prélèvement. Aucune pitié. Tant pis pour l’argent gratuit, un peu plus, un peu moins…
C’est toute la différence entre ceux qui investissent leur propre argent, ou celui de leur clients, ce qui revient au même par ricochet, et ceux qui dépensent l’argent des autres, sans aucun risque pour eux-mêmes.
Tout a fait !
https://www.contrepoints.org/2012/07/31/92169-les-quatre-facons-de-depenser-largent-selon-friedman
De toutes façons, tout ce qui est créé en France avec participation de l’état fonctionne sur le modèle « service public » donc, ne peut pas dépasser nos frontières.
De plus avec notre modèle « gestion syndicale service public » se trouve à être « obligatoirement » en permanent deficits et donc sous perfusion de l’Etat…
ça ne peut ni marché ni intéressé…
il m’ avaient pourtant remboursés en 2014 !
 » …. 30 centimes € par Français … »
Je serais curieux de connaitre le forcément fallacieux diviseur utilisé comme TOUJOURS dans ce cas
Mais comme l’école n’apprend pas la lecture critique (Cf. autre sujet en cous) diviseur . Personne ne réagit
« cashburné » : pas trouvé dans dictionnaire français quel qu’il soit.
Vive l’impérialisme anglophone grégaire.
30.000.000 de français qui travaillent.
9 M€ en tout.
Pour cashburner, je suis un peu d’accord. Mais il se trouve qu’entre cashburner et bruler du cash, la différence est minime.
Merci! Vous avez bien fait avancer le débat!
Bof,la CDC a acheté pour plus de 500 millions d’actions Soitec en 2011,à 7 euros l’action.Allez voir ce qu’elle vaut maintenant.
tout à faut, le capital risque en France est balbultiant (ou agonisant… c’est selon). Les intentions de la BPI sont louables mais ne remplacera jamais une vraie politique d’incitation à l’investissement privé en France.
sur l’exemple de Viadeo, ce dernier a aussi été trop gourmand : plutôt que privilégier son coeur de marché : la France, elle a trop vite eu des folies expansionnistes (et s’est retrouvé dans un gouffre financier dans les pays émergents). Les levées de fond des dernières années auraient surtout dû asseoir sa légitimité sur le territoire français en retentant une conquête des cadres qui avaient fui la plateforme au profit de linkedin.
Vous oubliez juste qu´il n´y a pas de marché français, Cela est encore plus frappant dans le numérique.
Intentions louables!?
Si les élus et fonctionnaires se rêvent en businessman et veulent jouer les apprentis investisseurs qu’ils fassent comme les autres, c’est-à -dire avec leur pognon pas avec celui des Français qui n’ont jamais donné leur accord. C’est du vol. Ces gens là s’amusent avec votre argent. C’est immonde, rien de louable à faire porter les risques sur les autres.
De toute façon, linkedin ou viadeo, c’est pareil : de pauvres salariés en mal être qui se dévoilent à la terre entière afin de se faire débaucher et enfin peut-être pouvoir quitter leur foutue entreprise … … et quand la fin de linkedin ?
@ bleubv
Pas du tout! Je ne suis pas salarié, je ne cherche pas à changer de boulot mais je suis en « relation » avec des collègues répartis partout dans le monde!
Linkedin n’est pas près de fermer boutique!
C’est vrai c’est injuste ce sujet et dur procès à la France. Ces réseaux sont obsolètes! Linkedin meurt de son inutilité et finira comme Viadeo.
D’ailleurs dans son grand malheur elle a trouvé un repreneur, une petite société apparemment très maladroite dans sa tentative de croissance externe.
Microsoft a racheté Linkedin $26 Mds. Vingt-six Milliards de dollars. Ca fait quelques 0 dans la poche de ceux qui ont mis quelques millions. L’article l’oublie.
Vive la france et ses fiers aveugles.
Vous avez raison bleubv Paul’Emploi fait le même boulot en mieux grâce à la générosité du contribuables.
Ces « pauvres salariés » ne connaissent pas le bonheur qu’ils ont de rester dans la même société toute leur vie. Ils devraient plutôt gentiment faire comme vous le préconisez : ne pas bouger et attendre qu’on décide à leur place comment ils doivent gèrer leur carrière.
Votre commentaire est éclairant de sagesse.
Merci HarryC, je pensais être le seul à être indigné par le commentaire de bleubv.
A mes yeux, Linkedin permet principalement de conserver un réseau de liens faibles, que l’on peut activer selon le contexte pour dégager des opportunités professionnelles…
On est bien loin de l'(in)efficacité d’un Pole Emploi.
hum les millions remis par la BPI lors de l’IPO étaient une condition de la réussite de celle ci au vu de mon expérience de capital risqueur, les dirigeants de la BPI ont agi sous l’emprise du court terme (alors qu’il était clair que le business model était un échec, puisque le chiffre d’affaires s’effondrait) il fallait absolument éviter la faillite de Viadéo mais c’était reculer pour mieux sauter. On peut aussi demander si les autorités boursières n’ont pas été influencées pour cette introduction en Bourse
Comme quoi le mélange de l’économie avec les impératifs sociaux et politiques est, à terme, désastreux…
La France est-elle en train de manquer la révolution numérique ?
La question de pose t elle vraiment…le train est partie depuis très longtemps et la France est encore dans la gare…
La SNCF est en grève, une fois de plus?