Manuel Valls : com’, ambition et coups de menton

Qui est Manuel Valls ? Portrait de l’ancien premier ministre et du nouveau candidat à la primaire de la gauche.

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Manuel Valls : com’, ambition et coups de menton

Publié le 8 décembre 2016
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Par Nathalie MP.

Manuel Valls : com’, ambition et coups de mentonManuel Valls y va. Il nous l’a annoncé officiellement lundi 5 décembre 2016 après une séquence complexe du style « je t’aime, moi non plus » avec François Hollande qui venait pour sa part d’annoncer aux Français qu’il renonçait à briguer un second mandat. Autant le Président de la République nous a aimablement fourni une ultime occasion de le comparer à un ectoplasme sévèrement déprimé, autant Manuel Valls s’est livré avec délectation à son célèbre jeu de mandibules en martelant force, volonté, inflexibilité et révolte dans les termes de sa déclaration. 

Car oui, Manuel Valls est un homme révolté ! Qu’est-ce qui le révolte ? Le chômage désespérément accroché à 10 % de la population active, la pauvreté qui augmente parallèlement, le niveau plus que médiocre de notre instruction publique, pour ne citer que quelques éléments de l’actualité récente ? Certainement pas !

La grandeur de la France selon Valls

Tout Premier ministre qu’il fût pendant les deux ans et demi qui viennent de s’écouler, disposant ainsi de pas mal de pouvoir pour agir sur ces éléments de déclassement du pays, il ne songe pas un instant à s’interroger sur ce qu’il a fait à son poste. S’il envisage bien de redonner à la France grandeur, hauteur et largeur, ce qui le chagrine au plus haut point, c’est l’idée « que la gauche soit disqualifiée de cette présidentielle » ! (vidéo ci-dessous, 01′ 34″) :


La déclaration de candidature de Manuel Valls par Lopinionfr

Et voilà notre Manuel devenu le chantre de l’union de la gauche ! Alors qu’en début d’année, il rejetait l’idée d’une primaire unique à gauche, estimant qu’il existait deux gauches « irréconciliables », la sienne qui voulait aller de l’avant d’un côté, et celle des frondeurs de tous poils, incluant les écologistes hors gouvernement, le clan Taubira, le clan Aubry et les signataires de l’appel à une primaire, il se présente maintenant comme le « candidat de la conciliation, de la réconciliation » face aux défis du monde et l’extrême-droite qui rôde.

Avant la renonciation de François Hollande, on imaginait fort bien un Valls trépignant d’ambition, furieux d’avoir été devancé par Emmanuel Macron, furieux de se voir bloqué par la préséance due au Président, claquer la porte du gouvernement et se présenter à la primaire contre lui. Il apparait maintenant qu’il a engagé un long bras de fer psychologique avec le chef de l’État pour obtenir son retrait. Comme l’explique le député de l’Eure François Loncle, soutien de Valls :

« La seule action possible, c’est la pression. Nous devons convaincre Hollande de ne pas se représenter (…). Et la pression s’amplifie, elle pèse désormais de tous les côtés sur Hollande. »

Malgré ses protestations permanentes de loyauté, malgré ses assurances répétées qu’il privilégierait toujours les décisions collectives, ses proches et les journalistes se faisaient de plus en plus souvent l’écho de propos clairement frondeurs. « Je n’imagine pas manquer le rendez-vous » de 2017 confiait récemment Manuel Valls, ajoutant :

« Si le président de la République pense que de toute façon, s’il est candidat, je serais derrière lui, j’irais coller des affiches, parler dans le train, faire des déambulations, là c’est non. »

Une journaliste de Libération a même révélé lundi qu’il lui aurait dit en off : « Je ne le respecte pas et je ne le supporte plus » en parlant de François Hollande. D’autres confidences font état d’une sorte de harcèlement permanent à l’égard du chef de l’État. Manuel Valls l’aurait interrogé tous les jours sur sa décision de se représenter ou non, mettant en avant son incapacité à mobiliser les Français :

« Ta relation avec les Français, elle est dégradée. Ta candidature peut provoquer la colère ou l’apathie. »

.
Si François Hollande fut en effet rejeté massivement par les Français, c’est également le cas de Manuel Valls. De quoi peut-il se prévaloir pour se différencier du Président dont il fut ministre de l’Intérieur de 2012 à 2014 puis Premier ministre jusqu’à hier ? À part une prestance physique plus flatteuse et une épouse jolie et musicienne, j’ai du mal à voir.

Manuel Valls, l’ancien maire d’Evry

valls-talonnettes-rene-le-honzecAvant d’accéder au gouvernement, son principal crédit politique provenait du poste de maire d’Evry qu’il a occupé pendant 11 ans (de 2001 à 2012). C’est du reste depuis cette ville où il siège encore comme conseiller municipal qu’il a annoncé sa candidature. Il aime y parader et vanter sa gestion municipale « dynamique, moderne et rigoureuse. » Mais ce n’est pas exactement l’impression qui ressort de la lecture détaillée des comptes de la commune qui font plutôt état de dépenses inconsidérées (frais de communication en hausse de 852,6% entre 2001 et 2003 et frais de personnel sans limite), d’impôts toujours plus élevés (+ 45,7 % en 10 ans), d’une dette bondissante et d’un clientélisme effréné (beaucoup de postes offerts pour « récompenser » les habitants).

Àl’Intérieur, on l’a beaucoup vu en déplacements et on l’a beaucoup entendu contre Dieudonné dont il a obtenu l’interdiction d’un spectacle pour motif d’antisémitisme, au mépris de tout respect de la liberté d’expression. Mais les résultats en matière de lutte contre la délinquance ne furent pas au rendez-vous, en raison notamment de la hausse « exponentielle » des cambriolages. Les créations de postes promises dans la police et la gendarmerie non plus. Si l’on compare souvent Valls à Sarkozy, pour leur passage commun Place Beauvau comme pour leur style pressé et leurs ambitions présidentielles, il convient de remarquer que le nombre de crimes et délits a baissé avec Sarkozy et qu’il a augmenté à nouveau avec Valls.

Médiocre bilan du tandem Hollande/Valls

Comme Premier ministre, on peut difficilement détacher Valls du médiocre bilan économique de Hollande et du grand écart permanent réalisé entre les promesses de campagne contre la finance avant mai 2012 et les petites obligations structurelles à respecter vis-à-vis de l’Union européenne et surtout vis-à-vis de la réalité de l’environnement mondial ensuite. De plus, après avoir profondément dévitalisé les deux lois phares du quinquennat (loi Macron et loi Travail), il a dû les imposer par 49.3, méthode qu’il ne se privait pas de critiquer avant d’arriver au pouvoir.

Après les attentats de janvier 2015 dans les bureaux de Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher de Saint-Mandé, on ne peut le détacher non plus de la propension autoritaire de ce gouvernement « de gauche » (soutenu en cela par une bonne partie de la droite) à lutter contre le terrorisme par des méthodes qui n’ont pas fait leurs preuves si ce n’est par l’instauration d’un Etat d’urgence qui dure encore et une surveillance généralisée des télécommunications des Français, ces deux mesures n’ayant contribué en rien à éviter des attentats ultérieurs.

Quant à la déchéance de nationalité, qui n’a finalement pas abouti, Manuel Valls considérait qu’en la refusant, « une partie de la gauche s’égarait au nom des grandes valeurs en oubliant le contexte, notre état de guerre. » Ses soutiens le défendent en arguant que la mesure était d’abord voulue par le Président. Manuel Valls se serait contenté de vouloir la mettre en oeuvre en bon Premier ministre fidèle et loyal.

Valls : une politique de droite ?

Mais les frondeurs du PS et l’extrême-gauche lui reprochent surtout de prendre assez régulièrement des positions politiques de droite : déclaration d’amour à l’entreprise lors de l’université d’été du Medef (août 2014), discours sur les 35 heures qui rappelle beaucoup celui d’Emmanuel Macron même si ce dernier a été ensuite recadré par Valls, déclaration sur les Roms qui devraient rentrer chez eux (2013) etc…

Manuel Valls serait-il de droite ? La droite se récrie, et ceux qui connaissent bien Valls, pour l’avoir fréquenté depuis le début de sa carrière dans les arcanes de l’UNEF et du Parti socialiste, parlent de posture de pure com’ au service de son immense ambition. Ecoutons Laurent Mauduit, journaliste de Médiapart, ancien des cercles trotskystes lambertistes, de la MNEF et de l’UNEF qu’il connaît bien :

« Cherchant systématiquement à prendre des positions décalées(NdNMP : 35 h, retraite à 60 ans), non pas dans une logique de conviction, mais de communication ou de marketing politique, il ne rate aucune occasion de se distinguer et jouer de la provocation, dans le but de se faire un nom. »

.
Si le parcours de Valls est très classique au sein du Parti socialiste, s’il reflète beaucoup d’ambition et une utilisation frénétique de toutes les ficelles des communicants politiques, les composantes formation, talent et mérite sont en revanche spectaculairement étiques.

Les années sulfureuses

Né en 1962 à Barcelone (Espagne) d’un père artiste peintre catalan et d’une mère suisse, il obtient la naturalisation française à l’âge de 20 ans. Baptisé à sa naissance dans la religion catholique, il rejoindra la franc-maçonnerie au Grand Orient de France (GODF) en 1989 et la quittera en 2005 en raison de sa charge de travail de député de l’Essonne (2002-2012). Il entre dans une loge « sulfureuse » intitulée « Ni maîtres ni dieux » qui rassemble surtout des militants libertaires, anarchistes, socialistes autogestionnaires ou communistes. Le passage de Manuel Valls par le trotskisme est soupçonné mais ne fut jamais prouvé. Cet épisode en constitue cependant un indice assez fort.

Un autre indice est donné par la façon inédite dont il a rejoint l’UNEF. Alors que les étudiants s’inscrivent généralement une fois qu’ils sont effectivement entrés à l’université, Valls a débarqué au siège du syndicat en plein été 1980 suivant son bac. Pour Laurent Mauduit comme pour beaucoup de témoins de l’époque, il n’est pas arrivé là par hasard, il a été « envoyé » voire « infiltré » comme seuls les trotskistes lambertistes savaient le faire. À l’UNEF, Valls rencontre Cambadélis et Jean-Marie Le Guen, formant avec eux un premier trio ambitieux qui perdure encore aujourd’hui.

Côté études, Valls obtient une licence d’histoire à la Sorbonne à 24 ans, soit 6 ans après son bac, ce qui est long. Dès la première année, il rejoint le Parti socialiste, se rapproche plus spécialement de la mouvance rocardienne et y fait la connaissance d’Alain Bauer, futur grand maître du GODF, et de Stéphane Fouks, futur publicitaire d’EuroRSCG et vice-président d’Havas.

Un jeune homme ambitieux

Michel Rocard, Premier ministre de Mitterrand de 1988 à 1991, se méfie de Valls et du second trio ambitieux qu’il forme avec Bauer et Fouks. Il lui conseille d’approfondir ses études et d’apprendre un métier. Mais grâce à l’entremise de Jean-Paul Huchon, Valls finit par intégrer son cabinet en 1988. Il s’y occupe de communication. En 1989 cependant, Rocard refuse de le parrainer pour être en position éligible sur la liste socialiste aux élections européennes, lassé qu’il est par les intrigues de ce jeune homme trop ambitieux.

Si Valls n’est pas inquiété par l’affaire d’emplois fictifs et d’enrichissements personnels de la mutuelle étudiante MNEF qui éclate à la fin des années 1990 pour des faits ayant commencé en 1988 (contrairement à Cambadélis, Le Guen, Strauss-Kahn et d’autres), un courrier à en-tête de Matignon (Rocard étant Premier ministre, pas lui !) daté de 1990 et signé par lui jette néanmoins le trouble sur ses relations et ses intérêts dans cette affaire, d’autant qu’il fut administrateur de la mutuelle jusqu’en 1992 au moins.

En 2011, Manuel Valls a participé à la « primaire citoyenne » qui s’est terminée sur la victoire de François Hollande. C’est ce dernier qui lui a permis d’obtenir les parrainages nécessaires pour s’y inscrire. Ayant recueilli seulement 5 % des voix au premier tour contre 17 % pour Montebourg, signe assez net qu’il ne fait pas vraiment l’unanimité à gauche, il s’est immédiatement rangé derrière le futur Président dont il est devenu le directeur de la communication pour sa campagne présidentielle. C’est à partir de ce moment-là qu’il a reçu dans les rangs du PS le surnom « La Kommandantur » tant il s’est montré dirigiste et autoritaire dans sa façon de tout contrôler sur le chemin du candidat Hollande.
Ce portrait n’est guère plaisant, j’en conviens. Vous m’en excuserez, je l’espère, mais je n’ai rien trouvé de positif à dire sur Manuel Valls. Pour moi, il reste l’homme froidement calculateur et autoritaire qui veut interdire « les mots qui nous divisent » – les mots, pas les crimes – tout en nous divisant sans arrêt en faisant semblant de lutter conte le racisme et l’antisémitisme selon le schéma unilatéral du racisme des blancs contre tous les autres. Et il voudrait devenir Président ?

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  • Merci pour cet excellent article éclairant, sauf erreurs et éventuels propos non fondés; alors que l’ex-maire-adjoint d’Evry Philippe Pascot (Suffit de taper son prénom) et non) aurait pu compléter le tableau.

    Déjà on ne devrait pas avoir le droit d’être candidat à la présidence de la France si on n’est pas né en France et qu’en sus on n’a tenu à devenir français qu’à 20 ans. 

    Et si, en prime, on « est éternellement lié à Israël », alors, mille fois non pour le dispendieux supporter catalan du Barça tendance caudillo.

  • Amusant la gauche est allé voter à la primaire de droite pour ne pas voir Sarko mais va peut-être mettre en lice son Clone.
    On se marre en ce moment.
    Pour rebondir sur ce que dit Thomas, on ne devrait surtout plus pouvoir se présenter quand on a été aux affaires et que l’on n’a eu aucuns résultats probants !
    Ces messieurs dames devraient avoir des objectifs comme nous tous managers ou gestionnaires de notre budget familial.
    Sans résultats probants direction Pole Emploi.

    • Le problème est la définition d’erreur probante et qui qui va décider si c’est probant.
      Donc c’est à l’électeur de décider et il me parait difficile d’interdire une candidature, sachant de toute façon que pour un parti présenter un candidat avec de mauvais résultat est suicidaire.
      Dans le cas présent, les meilleurs du PS étaient au gouvernement, comme ils sont tous très mauvais, leur seule solution serait un harakiri collectif 😉 Mais pour ça, il faudrait de l’honneur, ce dont ils sont aussi totalement dépourvus que de compétence.

  • il est ambitieux , prétentieux , dépensier , obtus d’esprit , et j’ai de trés gros doute sur son honnêteté ; je lui trouve un côté autoritaire qui frise une espèce de dictature sous jaccente et dont les français risquent bien de faire les frais ;

    • Oui Marie .
      Mais tout va bien car il est dans le camps du bien !
      Lui qui taxait ceux qui n’ étaient pas d’accord avec lui de facho…
      Il me fait froid dans le dos ce type et comme évoqué la dérive autoritaire est probable.

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