Par Éric Verhaeghe.
Le quinquennat Hollande n’aura pas vraiment réussi à l’indépendance de la justice. Après les documents brandis par Christiane Taubira prouvant qu’elle était informée des écoutes dans l’affaire Sarkozy, l’exécutif a multiplié les coups de canifs dans l’indépendance de la justice, qualifiée, rappelons-le, d’autorité judiciaire et non de pouvoir judiciaire par la Constitution de la Vè République. L’actualité récente en donne deux superbes exemples.
Bientôt un recours sur l’indépendance du Conseil d’Etat
Conformément à ce que j’annonçais récemment, la FNIM (Fédération Nationale de l’Indépendance Mutualiste) devrait interjeter appel d’une décision du Conseil d’Etat rejetant son recours contre une ordonnance de transposition d’une directive communautaire. L’appel de la FNIM sera vraisemblablement porté devant la Cour Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme à Strasbourg, et invoquera la confusion des genres dans la justice administrative française.
Ce recours devrait s’appuyer sur le courrier du secrétariat général du gouvernement demandant au Conseil d’Etat de donner des détails sur l’instruction du dossier.
Ce type de recours n’est pas nouveau. Il montre bien la difficulté pour les institutions françaises de ne pas établir une « muraille de Chine » entre la justice administrative et l’administration qu’elle juge.
Le siège et le parquet se rebellent
Autre affaire qui montre la complexité des relations entre le pouvoir exécutif et la justice: la mise en place d’une inspection générale de la justice par Jean-Jacques Urvoas. La mesure n’a pas du tout plus aux juges. Ils se sont fendus d’un courrier comminatoire au Premier Ministre dont voici la copie :
Pour Cazeneuve, le baptême du feu vaut son pesant de cacahuètes. Ancien patron des flics qui ont abondamment manifesté contre la justice, il doit désormais affronter la colère des plus hauts magistrats face à l’intrusion du pouvoir exécutif dans leur sphère d’autorité.
La rigidité d’Urvoas est maladroite
Sur le fond, l’introduction d’une dynamique de changement dans la justice française n’est pas forcément absurde. Fallait-il procéder par la mise en place d’une inspection dont les magistrats avoir découvert l’existence par le Journal Officiel ? Rien n’est moins sûr.
Urvoas touche ici à ses limites. Le bon élève du clan Valls met son camp en danger en procédant par injonction et par assertions (un peu trop) rapides. Entre les (indispensables) gains de productivité dans la magistrature et la caporalisation de la justice, il n’y a parfois qu’un pas. Urvoas donne, à tort ou à raison, le sentiment de l’avoir franchi.
Un quinquennat liberticide
Au total, le quinquennat restera dans les mémoires comme un grand moment de recul pour les libertés publiques.
Entre la loi renseignement, la mise en place d’un fichier centralisé, la permanence de l’état d’urgence, les reculs sur la liberté de la presse et la remise au pas de la justice, on voit bien où se situe la tendance du pouvoir. Les derniers développements sur le délit numérique d’entrave à l’avortement ne sont donc pas un cas isolé. Ils s’intègrent dans une mise globale sous surveillance de la société française.
—
Une pétition circule en ce moment contre le décret qui instaure le contrôle gouvernemental sur la Cour de cassation:
https://www.change.org/p/bernard-cazeneuve-pour-l-ind%C3%A9pendance-de-la-cour-de-cassation-et-l-abrogation-du-d%C3%A9cret-du-05-12-2016
Valls, c’est bien cet ancien premier ministre qui ne savait que parler de démocratie, de République, de Justice quand on le mettait en cause?
C’est bien cet ancien premier ministre qui a poussé Hollande au suicide politique, pour pouvoir se présenter dans la foulée à sa place?
C’est bien cet ancien premier ministre qui ne parle que de Justice sociale, quand il pense socialiste?
C’est bien cet ancien premier ministre qui ne parle que « des valeurs de la gauche »?
C’est bien cet ancien premier ministre qui signe un tel décret, dans le plus grand secret, avant de se sauver comme un voyou?
On voit, une fois de plus, ce que sont les valeurs de la gauche.
Quelle est la portée du contrôle gouvernemental sur la Cour de Cassation ? Que fait-il que ne fait pas la Cour des Comptes (laquelle contrôle la Cour de Cassation sur le plan financier) ? Pourquoi la CC échapperait-elle à ce contrôle alors que tribunaux d’instance et cours d’appel y sont soumis ? Je vais peut-être proférer une énormité, mais tant que ne sont touchés ni le fond des décisions, ni la procédure, il me semble que la liberté de la Cour est intacte.
Le machin n’a aucune raison d’être si il n’affecte pas au moins la façon dont la procédure est mise en œuvre ( et par suite le résultat final). Ah si, il en a une : servir de réservoir à prébende pour des magistqui ont bien servis … le ministre.
« Que fait-il que ne fait pas la Cour des Comptes ? »
1. La Cour des comptes contrôle les seuls aspects financiers de la Cour de Cassation, pas son fonctionnement, ça n’a pas du tout la même portée ;
2. La Cour des comptes est elle-même une juridiction indépendante, pas une émanation de l’exécutif.
« Quelle est la portée du contrôle gouvernemental sur la Cour de Cassation ? » et « Pourquoi la CC échapperait-elle à ce contrôle alors que tribunaux d’instance et cours d’appel y sont soumis ? »
Quand ce ne serait que symbolique : la Cour de Cassation étant au sommet de l’ordre judiciaire, est le garant – y compris au plan symbolique – de l’indépendance de la justice. Toute « surveillance » même indirecte, qui laisse penser que l’exécutif aurait son mot à dire (y compris si ce mot n’a pas de pouvoir coercitif), est au mieux et au minimum malvenu, au pire, une première étape pouvant permettre des glissements ultérieurs.
(Tout cela étant dit en tant que simple citoyen, sans compétence poussée en droit, mais attaché à l’équilibre des pouvoirs et aux libertés publiques et navré de ce qu’en fait ce gouvernement prétendument épris de justice.)
La Cour de Cass. est depuis belle lurette sous influence. La preuve récente en est la mise à mort programmée de Vincent Lambert par … La Cour de Cass. qui refuse à sa famille le droit de prendre en charge Vincent et de le mettre dans une Maison spécialisée.
Alors pitié, ne parlons pas d’indépendance de la Justice.