La réforme de l’École : une question politique ?

La réponse aux maux de l’École peut être dépolitisée, au sens où elle peut transcender les clivages politiques traditionnels et ne pas en rester à la querelle, finalement secondaire, entre « pédagogues » et « réactionnaires ».

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Ecole-Musée national de l'Education(CC BY-NC-ND 2.0)

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La réforme de l’École : une question politique ?

Publié le 16 décembre 2016
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Par Vincent Feré.
Un article de Trop Libre

La réforme de l’École : une question politique ?
Ecole-Musée national de l’Education(CC BY-NC-ND 2.0)

La récente publication des résultats PISA, précédée de celle de l’enquête Timss (trends in Mathematics and Science Study) n’a pas manqué de relancer la querelle scolaire en France. Et, à six mois de l’élection présidentielle, celle-ci n’est sans doute pas près de s’éteindre.

Il suffit de constater avec quelle rapidité et quelle mauvaise foi madame Vallaud-Belkacem a rendu François Fillon – étrange hasard ! – responsable de la situation dégradée de l’enseignement en France. Plutôt que de vaines polémiques, cette dégradation appelle pourtant à la fois une réponse dépolitisée et une réaction politique. Un espoir chimérique en France ?

 

Un constat partagé

Il y a bientôt trente ans, les sociologues C. Baudelot et R. Establet, tirant le bilan de la massification des lycées, publiait un essai qui fit grand bruit, Le niveau monte, réfutation d’une vieille idée concernant la prétendue décadence de nos écoles.

Vingt ans plus tard, en 2009, après neuf années d’enquête PISA, dans L’élitisme républicain, ils pointaient l’échec majeur du système français en dépit de la hausse du niveau : le creusement des inégalités dont l’élitisme scolaire était, selon eux, le principal responsable.

Aujourd’hui, tout se passe comme si l’École française perdait sur tous les tableaux : des écarts toujours plus grands selon l’origine sociale des élèves, des performances générales préoccupantes en termes d’acquisition des savoirs et des compétences, sans parler du malaise enseignant et de la crise du recrutement. Le constat, récemment encore sujet à des polémiques stériles – les enquêtes PISA étant elles-mêmes remises en cause ! -, est aujourd’hui partagé : le système scolaire fonctionne mal.

 

« Pédagogues » et « réactionnaires »

Ce constat partagé alimente toutefois la sempiternelle querelle bien française entre les « pédagogues » et les « réactionnaires ».

Celle-ci a rebondi à la rentrée avec la parution du pamphlet de Caroline Barjon, Mais qui sont les assassins de l’École ?, dans lequel la journaliste du Nouvel Observateur, hebdomadaire d’une gauche traditionnellement bien disposée à leur égard, accuse les « pédagogues » de la rue de Grenelle d’avoir « assassiné » l’École.

François Fillon lui a partiellement emboîté le pas dans son discours de Lyon le 23 novembre dernier, évoquant « la dictature d’une caste de pédagogues prétentieux ». Pourtant, il ne suffira pas de chasser ces derniers du pouvoir pour résoudre les problèmes scolaires français, et François Fillon le sait fort bien. Il a d’ailleurs dénoncé, dans le même discours, « ces organisations qui bloquent depuis des années les réformes de l’École » et « la démission de l’État devant les syndicats ». L’École souffre donc d’un défaut de gouvernance.

 

Réponse dépolitisée et réaction politique

L’opposition, souvent stérile, entre « pédagogues » et « réactionnaires » n’est pas près de s’éteindre : elle renvoie à une mythologie française, l’École de la Troisième République, et elle garantit de beaux succès de librairie ! Pourtant, la crise de l’enseignement en France mérite mieux que ces polémiques qui ne servent pas le débat sur l’École.

D’autant que de part et d’autre de l’échiquier politique un même constat s’impose : il faut donner davantage de libertés au fonctionnement du système. Patrick Hetzel, porte-parole de François Fillon a ainsi déclaré au journal Les Échos que le programme du candidat de la droite et du centre passe par une « certaine autonomie des établissements dans la mise en œuvre de la politique éducative ».

Et dans une note du 9 mai dernier de France Stratégie, organisme rattaché à Matignon, on pouvait lire « qu’un effort pécuniaire supplémentaire pour l’éducation ne saurait améliorer nos résultats sans une évolution […] de l’organisation tout comme de la gouvernance du système éducatif ».

La réponse aux maux de l’École peut donc être dépolitisée, au sens où elle peut transcender les clivages politiques traditionnels et ne pas en rester à la querelle, finalement secondaire, entre « pédagogues » et « réactionnaires ». C’est du reste parce qu’il les dépasse, propose une méthode et ouvre des perspectives que le dernier ouvrage de Jean-Michel Blanquer, L’École de demain, devrait retenir l’attention des futurs candidats à l’élection présidentielle.

Lui aussi propose d’accélérer la déconcentration des structures de gouvernance de l’Éducation nationale. L’État doit évaluer en aval, et non pas imposer les règles en amont. La culture de la statistique et de la circulaire doit céder la place à celle du résultat. C’est ce que laisse entendre François Fillon quand il propose de tester régulièrement les élèves.

Mais cette réponse dépolitisée appelle une réaction politique car, pour le système éducatif, il s’agit bien d’une révolution copernicienne. Celle-ci heurte non seulement les syndicats co-gestionnaires du système centralisé mais le fond culturel jacobin des enseignants eux-mêmes. Il appartient donc au politique de mobiliser les professeurs autour des transformations du système et pas seulement en louant « leur compétence et leur dévouement » comme l’a fait François Fillon à Lyon.

Car toute réforme qui donnera le sentiment de se faire contre les enseignants, une profession depuis longtemps fragilisée, ne manquera pas de les solidariser avec des syndicats pourtant largement discrédités. Le meilleur moyen de la faire échouer !

 

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  • Ne s’agit-il pas au fond, de redonner aux enseignants toute leur responsabilité pédagogique (dans le cadre d’objectifs généraux définis) au lieu d’en faire les courroies de transmission d’un projet politique à savoir: se servir de la jeunesse pour transformer la société? Abandonner cet objectif totalitaire de formatage citoyen pour donner à chaque jeune les clefs pour comprendre le réel et s’intégrer dans la société est bien une action politique…

  • 1. Diminuer le nombre d’enfants dans les classes est une vieille revendication des enseignants qu’il faut rencontrer dès lors que le nombre fait problème. Toutefois, j’ai enseigné, en Afrique, à des classes de 40 à 50 élèves sans que cela fasse problème … question de fonctionnement.
    2. Fillon : « tester régulièrement les élèves » c’est un souhait des parents qui demandent à être rassurés et des bureaucrates organisationnistes. Puis-je rappeler que les épreuves initiatiques n’ont lieu qu’une fois dans le passage de l’enfance à l’âge responsable? Et surtout, on ne tient jamais compte d’environ 10% des enfants qui pour des raisons diverses, sont inaptes aux études et on entame alors le refrain connu des remédiations (bonjour le budget)
    3. Fillon : « une certaine autonomie » C’est le système de tous les enseignements religieux. La stratégie reste et les trucs et ficelles sont à l’initiative.
    Réponse donc: AUTONOMIE TOTALE . La communalisation complète de l’enseignement de base doit engendrer des initiatives locales du chef des écoles qui collent à la réalité des lieux – dégager deux priorités , la langue et les sciences – ceci ne fonctionnera pas si le directeur d’école est désigné par le parti au pouvoir dans la commune – la solution est un directeur annuel –

  • Avez vous déjà vu de l’école un 1er août ?

  • « ’un effort pécuniaire supplémentaire pour l’éducation ne saurait améliorer nos résultats sans une évolution (…) de l’organisation tout comme de la gouvernance du système éducatif  »

    Ha ! Ha ! Très drôle. Je traduis pour les naïfs : on va vous faire rançonner encore un peu plus mais en vous promettant de mieux gérer demain. Qui croit encore à ces calembredaines ?

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