Prix du gaz : que peut-on faire sans démagogie électoraliste ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 2

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Prix du gaz : que peut-on faire sans démagogie électoraliste ?

Publié le 20 juin 2024
- A +

Les prix de l’énergie sont au cœur des débats électoraux sur le pouvoir d’achat : engagement de stopper la hausse du prix du gaz annoncée de 12 % au 1er juillet, baisse de la TVA à 5,5 % sur les carburants, l’électricité, le gaz et le fioul, sortie de la tarification du marché européen de l’électricité pour le Rassemblement national,  blocage des prix des biens de première nécessité, dont l’énergie et les carburants pour le Nouveau Front Populaire, engagement de baisse des prix de l’électricité de 10 à 15 % au 1er février 2025 par le ministre de l’Économie, etc.

Cet article a pour objet d’analyser les marges de manœuvre possibles pour le prix du gaz, au-delà des mesures telles que la baisse de la TVA, qui ne pourraient être financées qu’au prix d’un endettement et d’un déficit des comptes publics encore croissant, alors que l’état des comptes publics est déjà alarmant.

 

Aucune marge de manœuvre significative, en dehors des taxes (TVA et taxe carbone)

La facture de gaz comporte quatre composantes :

  1. Le coût de la fourniture de gaz
  2. Le coût de son acheminement au point de consommation
  3. Les coûts commerciaux
  4. Les taxes

 

1. Le coût de la fourniture du gaz

Le gaz naturel fossile consommé en France est intégralement importé, depuis l’épuisement du gisement de Lacq et le renoncement à l’évaluation de potentielles réserves en gaz de schiste pour des raisons environnementales.

Les fournisseurs de gaz s’approvisionnent auprès de producteurs par des contrats à long terme (prix indexé sur celui du pétrole), et sur le marché de gros, le gaz provenant principalement de Norvège et d’Algérie par gazoducs, des USA, du Qatar et du Nigeria sous forme de GNL (Gaz Naturel Liquéfié), la fourniture de gaz russe en France ne subsistant que sous forme de GNL depuis la guerre en Ukraine, pour environ 10 % de la consommation.

Le graphique ci-dessous montre que le prix du gaz sur le marché de gros, qui oscillait autour de 20 euros/MWh avant 2021, a brutalement progressé à partir de septembre 2021 pour atteindre plus de 100 euros/MWh fin 2021. Il est resté au-dessus de cette valeur pendant l’année 2022, avec des pointes spéculatives dues à la crise russe, avant de revenir au printemps 2023 dans une fourchette située entre 30 et 50 euros/MWh.

Sur la période récente, dans ses publications mensuelles sur le prix repère du gaz naturel[1], faisant suite à la fin du tarif réglementé fin juin 2023, la CRE (Commission de Régulation de l’Énergie) a retenu, comme coût d’approvisionnement du MWh, 49 euros en décembre 2023 ; 45,6 euros en janvier 2024 ; 28 euros en juin 2024 ; et 32,2 euros pour juillet 2024.

On voit donc la persistance d’une volatilité importante du coût d’approvisionnement, qui est de façon incontournable subie par les consommateurs français, même si elle n’atteint pas les sommets spéculatifs de l’année 2022.

Le gaz vert (biométhane) :

Depuis quelques années se développe la production de biométhane (énergie renouvelable thermique), principalement à partir de déchets agricoles dans des méthaniseurs, qui est en grande partie injectée dans le réseau de distribution : la capacité installée est de l’ordre de 12 TWh /an[2], ce qui représente 5 % de la consommation de l’ordre de 240 TWh. Elle pourrait dépasser 10 % de la consommation en 2030.

Ce développement s’inscrit dans la politique de décarbonation de l’économie et contribue à la gestion des déchets, la création d’emplois et la souveraineté énergétique, mais a un coût : le prix de rachat est de l’ordre de 90 euros/MWh [3], ce qui nécessite une subvention qui se retrouve sous forme de taxe sur la facture (la TICGN, qui est passée de 8,4 à 16,4 €/MWh en janvier 2024), et sous forme d’investissements sur le réseau de distribution, rémunérés par le tarif d’acheminement du gaz.

 

2. Le coût d’acheminement du gaz

Il s’agit des coûts de transport et de stockage, et du coût des réseaux de distribution, qui sont des activités régulées, principalement assurées respectivement par GRT Gaz, Storengy et GRDF (filiales de ENGIE), ainsi que Terega pour le transport dans le SO.

Le coût moyen du transport et du stockage va passer au 1er juillet 2024 de 10,7 à 12,3 €/MWh, soit une augmentation de 14 %, alors que celui de la distribution va passer de 21,2 à 26 €/MWh (pour un client chauffage consommant 12 MWh/an), soit une augmentation de 23 %.

Au total, le coût d’acheminement va augmenter de 32,8 à 38,3 €/MWh pour un client type chauffage, soit une augmentation de 17 %.

La CRE détaille le calcul du tarif d’acheminement distribution dans sa délibération du 15 février 2024[4]. Ce tarif est amené à augmenter de façon structurelle, au-delà de la prise en compte de l’inflation, pour les raisons suivantes :

  • La consommation, donc le volume acheminé, a diminué de 257 TWh en 2020 à 241 TWh en 2023, et devrait continuer à diminuer de 2 % par an, avec un nombre de consommateurs diminuant de 1,5 % par an.
  • L’infrastructure est stable, donc son coût de maintenance et d’exploitation aussi, et il faut investir pour raccorder les méthaniseurs (gaz vert)

 

À lire aussi :

L’hydrogène blanc est trouble !

 

3. Les coûts commerciaux

Pour le calcul du prix repère du gaz naturel [5], la CRE prend en compte un montant fixe annuel de 43,5 euros/MWh, plus une part variable de 13,3 euros/MWh, comprenant en particulier 6,5 euros/MWh destinés à financer les Certificats d’économie d’énergie (CEE), correspondant aux aides financières que les fournisseurs d’énergie s’engagent à verser aux clients pour les aider à réaliser des travaux d’isolation ou de chauffage performant dans leur logement.

Au total, pour un client type chauffage (consommant 12 MWh par an), ces coûts commerciaux représentent 16,9 euros/MWh, le coût des CEE étant en augmentation de 0,8 euro/MWh au 1er juillet 2024.

 

4. Les taxes

La CTA (contribution tarifaire d’acheminement), contribuant au financement des retraites des anciens salariés des IEG, s’élève à 43,5 euros/an pour un client type chauffage.

La TVA, au taux réduit de 5,5 % pour la part fixe de la facture (y compris la CTA), et au taux normal de 20 % pour la part variable (y compris sur la TICGN).

La TICGN (Taxe Intérieure sur la Consommation de Gaz Naturel) [6], qui regroupe la Contribution Climat-Énergie (taxe carbone), le financement des chèques énergie pour les personnes en précarité énergétique, et le subventionnement du biométhane.

Évolution depuis 2014 :
Les deux augmentations de 2018 et 2024 sont essentiellement dues à la Contribution Climat Énergie (taxe carbone), et, dans une moindre mesure, à la montée en charge du subventionnement du biométhane.

Son produit est de l’ordre de 4 milliards d’euros, auxquels s’ajoute environ un milliard de TVA à 20 %.

Synthèse

Décomposition de la facture d’un client type chauffage (consommation 12 MWh/an), au 1er juin et au 1er juillet 2024  : 

 

En €/MWh

 

01/06/2024

 

01/07/2024

% sur total TTC  

Commentaires

Fourniture du gaz 28,0 32,2 26 % 45,6 €/MWh au 01/01/2024
Coûts commerciaux 16,1 16,9 13 % Dont 6,5 €/MWh pour  CEE
Acheminement 32,8 38,3 30 %
Total HT 76,9 87,4
CTA 3,6 3,6 3 %
TVA 16,7 18,3 15 %
TICGN 16,4 16,4 13 % 8,4 €/MWh jusque fin 2023
s/total taxes 36,7 38,3
Total TTC 113,6 125,7 Augmentation 10,6 %

L’augmentation de 10,6 % de la facture TTC  au 1er juillet est due à 51 % au tarif d’acheminement, à 42 % au coût d’approvisionnement, et à 7 % au coût des CEE.

Il n’y a pas de marge de manœuvre possible pour diminuer et contrôler la facture de gaz HT, en-dehors du coût des CEE, qui correspond à 7 % du montant de la facture HT.

Le développement du biométhane nécessite une subvention d’environ 700 M€ /an, qui est appelée à continuer à augmenter sensiblement, mais cela est loin d’expliquer le doublement de la TICGN au 1erjanvier 2024, qui est dorénavant proche du montant de la TVA : c’est en fait une augmentation sans bruit de la taxe carbone pour les particuliers, qui avait été gelée à 39 €/tCO2 au moment des gilets jaunes, puis du bouclier tarifaire. Il est possible de reconsidérer l’augmentation de cette taxe, qui est une décision purement politique liée à la politique de transition écologique, en redéfinissant les objectifs très contraignants du pacte vert, avec notamment une éradication à marche forcée des passoires énergétiques et la pénalisation des logements DPE F et G à court terme.

Globalement, environ 20 % de la facture de gaz est consacrée à la transition énergétique.

Une diminution de la TVA à 5,5 % sur la part variable, pour 240 TWh de consommation, correspondrait à un déficit de recettes pour l’Etat de 3 Md€ / an.

Par contre, par souci de clarté dans les politiques conduites et la fiscalité associée, renoncer à appliquer la TVA sur les taxes énergétiques serait utile.

[1] Référence de coûts d’approvisionnement du gaz | CRE

[2] Le biométhane, c’est quoi ? Définitions, principe de fonctionnement et chiffres clés | GRDF Cegibat

[3] Arrêté du 10 juin 2023 fixant les conditions d’achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel – Légifrance (legifrance.gouv.fr)

[4] 240215_2024-40_ATRD7_Post_CSE.pdf (cre.fr)

[5] Construction du Prix Repère de vente de gaz de la CRE | CRE

[6] La TICGN : quelle évolution en 2021 ? (engie.fr)

Voir le commentaire (1)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (1)
  • Honnêtement, il y a de quoi être perdu sur ce marché, ça évolue toutes les 2 semaines … Personnellement j’ai réussi à diviser la consommation de mon hôtel par 3 en passant par un consultant http://www.eureka-energie.fr pour ne pas le nommer et ils ont été au poil. Macron qui nous rajoute 10% sur le gaz, avec toutes les taxes indexées dessus c’est vraiment la goute d’eau de trop pour moi.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don
Pourquoi ?

Parce que, d’une part, l’essentiel de l’effondrement du pouvoir d’achat de l’économie française – celui des particuliers n’en étant que le volet aggravant – découle directement du tarissement délibéré de ce gisement et, d’autre part, parce qu’aucune dynamique physique ou biologique ne peut s’imaginer sans consommation d’énergie dans un univers vierge de toute civilisation, a fortiori dans un univers en réalité constamment améliorée voire réinventée par cette dernière. On ne doit pas perdre de vue que le poste de dépenses le plus él... Poursuivre la lecture

L’affaire de l’hydrogène dit « blanc », ou natif, ou naturel (qui ne résulte pas d’une transformation issue humaine du gaz ou de l’électrolyse), dont « regorgerait » la Terre et qui serait « présent partout sur la planète » n’est pas clair du tout. Un relent d’idéologie pour promouvoir la « civilisation hydrogène » et de recherches acharnées de subventions planent sur sa promotion forcenée.

 

Un hydrogène presque arc-en-ciel…

Il y avait déjà l’hydrogène « gris » issu du gaz naturel dans l’industrie, puis l’hydrogène vert is... Poursuivre la lecture

La surgénération nucléaire représentera nécessairement le socle de la production d’électricité et de chaleur vers la fin de ce siècle, et les siècles suivants, car le seul élément fissile naturel sur terre, l’uranium 235 (U235) sera devenu rare.

Par Dominique Grenêche et Michel Gay

La surgénération consiste à créer de la matière fissile, essentiellement du plutonium, en quantité supérieure à celle consommée dans le réacteur en fonctionnement en utilisant 100 (!) fois mieux l’uranium naturel (Unat) qu’aujourd’hui, et en produisant moins... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles