Législatives : une majorité est parfaitement possible

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 1

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Législatives : une majorité est parfaitement possible

Publié le 18 juillet 2024
- A +

Le 7 juillet 2024, les électeurs ont envoyé à l’Assemblée nationale trois grands blocs de députés (gauche, centre/droite, extrême droite) dont aucun ne dispose de la majorité absolue de 289 sièges pour gouverner seul. Il faudra bien pourtant trouver une majorité. 

 

Certes, la réunion entre les partis organisée après les élections par Radio France International a été largement une engueulade réciproque, donnant l’image de trois blocs politiques irréconciliables.

Pourtant, si l’on regarde le profil des élus, il me semble que les députés de « partis de gouvernement » pourraient former une majorité. En effet, un calcul fondé sur le passé parlementaire des différents groupes politiques donne 332 sièges, soit nettement plus que la majorité absolue. Il reste une marge pour ceux qui bouderaient. Cette approximation très grossière exclut le Parti communiste, LFI et le Rassemblement national.

Il y a toutefois une exception : celle de l’abrogation de la Loi sur la retraite à 64 ans, que le Rassemblement national et le Nouveau front populaire ont prévu dans leur programme, et qui pourrait donc, selon moi, revenir sur le tapis à l’Assemblée, indépendamment de la composition du futur gouvernement.

Pourquoi ma fixation sur les retraites ?

Parce que cette question touche directement des millions de personnes en France : les vieux (16,7 millions de retraités) et leurs proches (9,3 millions d’aidants), finalement plus nombreux au total que les smicards (17,3 millions en 2023).

Mais commençons par un bref rappel de la situation actuelle.

 

Des résultats assez logiques

La gauche dit avoir une majorité relative, le Rassemblement national déclare qu’on lui a volé l’élection. Je pense que ces deux opinions sont fausses.

Non, le NFP n’a pas la majorité relative

D’abord, il n’y a pas un bloc Nouveau front populaire mais une simple alliance électorale. Il y a, à gauche, des partis politiques très différents les uns des autres, et plusieurs d’entre eux ont des relations difficiles avec La France Insoumise et son patron, Jean-Luc Mélenchon.

C’est la raison pour laquelle je n’ai pas inclus les députés LFI dans mes 332 députés de gouvernement d’une majorité potentielle.

Il faudra que les électeurs oublient cette fausse unité du Nouveau front populaire, sans parler de ceux qui n’ont voté pour lui que pour faire barrage au Rassemblement national, suite aux désistements de candidats Ensemble ou Les Républicains. Un intervenant Nouveau front populaire a d’ailleurs eu la lucidité de dire : « N’oublions pas que nos députés ont été élus grâce aux renforts d’électeurs de droite et du centre. » J’ajoute : « et réciproquement ».

Non, le Rassemblement national ne s’est pas fait voler l’élection

Largement en tête lors du premier tour, et pronostiqué majoritaire avec 200 à 300 futurs députés, le Rassemblement national a été défait au second tour en arrivant troisième en bout de course, du fait de l’efficacité des désistements réciproques dans le cadre d’un front républicain que les commentateurs pensaient ne plus exister.

Mais s’il y avait eu un vote à la proportionnelle comme chez beaucoup de nos voisins européens, le Rassemblement national aurait certes eu un peu plus de députés, mais l’Assemblée aurait été de toute façon divisée en trois blocs, et ça n’aurait rien changé aux problèmes actuels.

Par ailleurs le Rassemblement national a obtenu ses meilleurs résultats au premier tour, et donc, dans les circonscriptions du second tour, il partait avec moins de voix en valeur absolue que ses concurrents.

Mélenchon se pose en s’opposant

Le premier à vider son sac de revendications a été Mélenchon : « le Nouveau front populaire est majoritaire » – en fait, c’est le groupe d’élus le plus nombreux, mais très loin de la majorité absolue – et nous allons appliquer immédiatement « Tout le programme, rien que le programme » de l’alliance du Nouveau front populaire.

Bien sûr, il ne signale pas les premières difficultés : ce programme ne dit pas un mot de ce qui divise la gauche, notamment l’énergie avec le nucléaire, ou les questions de défense européenne, la politique étrangère avec les conflits ukrainien et israélo-palestinien, etc.

Un observateur calme de cette déclaration incendiaire de Mélenchon peut imaginer un comportement rationnel : d’abord faire monter les enchères pour que le programme d’une éventuelle coalition soit le plus à gauche possible, puis se laisser une porte de sortie pour ne pas y participer si c’est vraiment trop éloigné de son programme. Il aura alors le mérite d’être « le révolutionnaire pur et dur » qui campera dans l’opposition.

En face, le Rassemblement national se prépare à dénoncer « des magouilles », alors qu’il s’agit – ou qu’il devrait s’agir c’est trop tôt pour le dire – de débats normaux de coalition. Et il compte mettre à son crédit les inévitables déceptions pour les élections futures.

Mais il y a un point sur lequel il y a dès maintenant une majorité potentielle de députés prêts à voter : l’abrogation de la Loi sur la retraite à 64 ans promise durant la campagne à la fois par le Rassemblement national et le Nouveau front populaire. Cette question est devenue emblématique : « le peuple le veut ! ».

 

Le problème des 64 ans

Vous savez que j’ai beaucoup écrit sur ce sujet qui me tient à cœur.

En effet, je pense que, depuis le passage à la retraite 60 ans, qui a permis l’élection de Mitterrand, on raconte des histoires aux Français. Et cela d’autant plus que les hommes politiques eux-mêmes n’y comprennent rien.

Un résumé brutal est que nous manquons de bras et de cerveaux pour l’économie en général, et pour les soins des vieux en particulier. Et donc que si on cesse de travailler plus tôt, ce manque de bras sera encore pire qu’aujourd’hui.

Il faudra donc faire appel aux proches, dès que la période de vieillesse en bonne santé se terminera. C’est très variable, mais prenons un âge optimiste de 90 ans. Cela signifie que les enfants auront autour de 60 ans, donc travailleront et auront du mal à faire face. On dépassera donc largement les 9,3 millions d’aidants d’aujourd’hui !

Si les enfants sont retraités dans le cas de parents plus âgés ou de retraite précoce, adieu les croisières ou séjours au soleil que l’on espérait faire une fois retraité. Bref, entre les vieux et leurs proches, on déstabilise une grande partie de la population française. De là à dire, comme quelques cyniques, que l’on profitera de la loi sur le suicide assisté…

Mon opinion est non pas de revenir à 62 ans voire à 60, mais au contraire de monter à 67 ans, comme chez nos voisins européens, plus pragmatiques que nous.

C’est évidemment incompréhensible des électeurs qui pensent qu’il suffit de taxer quelqu’un (l’autre, de préférence) pour qu’il n’y ait plus de problème.

Comment faire, sans renier « la volonté populaire » ?

Je pense qu’il ne faut plus parler de 64 ans, ni d’aucun âge limite ni même pivot.

Il faut que chacun prenne sa retraite à l’âge qui lui convient en mettant en place un dispositif incitant très fortement à travailler plus longtemps.

Le minimum pour cela est de proposer une retraite fortement progressive de 60 à 70 ans.

Par exemple par des cotisations éventuellement bonifiées jusqu’à la date de départ augmentant massivement la pension ou par tout autre moyen.

L’essentiel est de ne plus faire des 64 ans une question bloquante. Laissons les parlementaires travailler, une fois le premier temps de folie passé.

Pour les autres points de désaccord, et ils sont nombreux, à commencer par le SMIC à 1600 euros, il faudra attendre la constitution d’un nouveau gouvernement et l’élaboration de son programme.

Là aussi, espérons que le débat fera prendre conscience que ce n’est pas le montant du salaire qui compte, mais ce qu’on peut faire avec ; et donc qu’il y ait suffisamment de biens et de services à acheter, et pas trop d’inflation. Les 1600 euros ne vont pas faire surgir ces biens et services par miracle, au contraire, ils vont en diminuer la quantité par la faillite de certaines entreprises.

 

Que font nos voisins ?

Commençons par voir ce qui se passe à l’étranger. En général le système électoral est proportionnel ou en est proche. Et c’était également le système que j’ai connu jusqu’en 1958 pendant la Quatrième République et que Mitterrand a utilisé une fois en 1988. Le système a été changé par De Gaulle pour dégager des majorités de gouvernement.

Seuls les Anglais ont un système encore plus brutal que le nôtre : un seul tour, et celui qui est arrivé en tête est élu. Cela donne une majorité des sièges à un parti, même s’il n’a qu’une majorité très relative dans les votes.

La proportionnelle a longtemps été réclamée par le Front national pour éviter le rejet, comme cela vient de se produire. Comme il est très rare qu’un parti obtienne la majorité absolue des suffrages, les Parlements étrangers sont en général obligés de monter des coalitions.

Ce système est-il meilleur que le nôtre ? Il n’y a pas de réponse générale, mais à mon avis c’est loin d’être évident.

Le gouvernement allemand est quasiment paralysé par la coalition entre libéraux, socialistes et écologistes, coalition formée contre et sans le parti le plus important, celui des chrétiens-démocrates. La présence des écologistes au gouvernement a amené à abandonner le nucléaire, ce dont les Allemands se mordent les doigts aujourd’hui.

Les Belges peinent à trouver un accord entre les partis, et sont restés plus de 500 jours sans pouvoir monter un gouvernement… ce qui fait dire aux humoristes qu’on pourrait très bien s’en passer !

 

En conclusion

Soit je me laisse emporter par mon optimisme indécrottable : le retour à la réalité sera très rapide, et il y aura un gouvernement soutenu par les partis les plus sérieux ou pragmatiques.

Soit chacun voudra se draper dans ses promesses, et il faudra du temps et peut-être plusieurs votes, pour prendre conscience de la nécessité de compromis. Il faudra ensuite que ce compromis soit économiquement et socialement sérieux, ce qui est une autre affaire.

Vous remarquerez que mon raisonnement est purement parlementaire, et n’aborde pas le rôle du président Macron. Ce dernier peut néanmoins jouer un rôle important s’il consulte, reconsulte et sait expliquer au pays le mal qu’il se donne pour qu’il en sorte un gouvernement sérieux.

Il lui faudra pour cela sortir de son tropisme jupitérien. Nous verrons…

Voir les commentaires (7)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (7)
  • Pourquoi cette fixation sur un âge de retraite imposé d’en haut ? Question rarement soulevée puisqu’elle met en cause le périmètre de liberté accordé aux citoyens avec des régimes de répartition qui ne peuvent naturellement pas s’accorder à une plus grande autonomie de leurs assujettis .

  • Analyse intéressante (il manque tout de même le détail de vos 332 députés
    Quelques remarques quand même :
    1 – vous parlez de trois blocs gauche, centre/droite, extrême droite. J’aurais écrit extrême gauche, centre, extrême droite, tant le programme du NFP est extrême.
    2 – on ne peut par ailleurs que déplorer qu’un parti dit de gouvernement (le PS) se soit abaissé à une telle alliance. Le Front Républicain ne marche que dans un seul sens.
    3 – vous soulignez qu’un système proportionnel aurait également abouti à une séparation en trois blocs. Certes mais là ce serait le RN qui serait le bloc le plus important. Ce qui change pas mal de choses.
    4 – un grand nombre d’électeurs va d’ailleurs se sentir floués : ceux du RN et alliés bien sûr mais aussi l’extrême gauche LFI/PC/Verts qui ne pourra pas gouverner. Explosif.

    • La culture socialiste française est très dogmatique donc ses alliances le portent tout naturellement vers les extrêmes PCF puis LFI…..( 1981, 1998, 2012,2022, 2024…..)
      Rien de bien nouveau ( voir aussi 1924 et 1936)
      Les électeurs du RN sont des floués de naissance pour se mettre entre les mains de la fifille a papa et du grand dadais au sourire niais…..ce sera tout au plus un pétard mouillé sans lendemain…..

  • Les alliances au centre sont très difficiles voire impossibles. Tous les partis ont en tête la prochaine présidentielle. Et les compromis n’ont jamais mené au pouvoir un chef de parti. Les égos démesurés des politiciens en sont largement pour quelque chose.
    Les clowns du NFP ne représentent rien. Ils ne veulent pas gouverner : seuls le P. S. y songe mais il ne représente plus rien.
    Et tous savent qu’en cas d’échec, même mineur, le RN remporta la prochaine présidentielle. En restant dans l’opposition, ils pensent avoir une micro chance de battre le RN.

  • La vraie question est : qui peut faire passer des lois ? Projet ou proposition.
    Il n’y a pas de suspense. Le ticket gagnant est une union libre entre la Macronie et LDR (Wauquiez). Le RN tiendra la bougie, la plupart du temps des (d)ébats.
    Exception pour la retraite et la fin de vie. Majorité transpartisane possible.

  • Le PS est toujours aussi doctrinaire dans sa très grande majorité ( voir le nombre réduit d opposant a la Nupes et encore plus faible avec le NPF)
    Tous les sociaux democrates européens ont réalité leur bad godesberg ( donc adopté l economie de marché ) mais pas en France ( voir l inenarrable mon ennemi c est la finance)
    Ce qui explique ce besoin viscérale d une alliance avec l extrême gauche…..pour garder une belle pureté idéologique…surtout pas de compromission……
    Depuis 1 siècle ces accords sans lendemains se sont multipliés 1924, 1936, 1981, 1998, 2012….et tous ce sont soldés par des échecs s cuisants….
    Le PS va préférer le dogmatisme au pragmatisme…..car il est écartelé entre discours marxiste (70 a 80%) et une réalité nettement plus prosaïque ( 20 a 30%)

    -1
  • 1/. proportionnelle Mitterrand 1986 cohabitation, pas 1988 . (après sa réélection il n’a pas pu changer => 49.3 de Rocard.
    2/. le « costard » de Faure a été fait par Telos : https://www.telos-eu.com/fr/olivier-faure-est-dans-la-droite-ligne-du-socialis.html
    3/. (répétition) le RN va soutenir les propositions Wauquiez qui plaisent à ses électeurs pour leur montrer que , quand même, cela sert à qqchose de voter RN. Et pour préparer 2027 Marine va améliorer son programme… en le rapprochant du centre droit.
    4/. retraites : vos arguments sont excellents. Idéalement, il ne faudrait pas mélanger l’amélioration des systèmes et les problèmes d’équilibre financiers. Un problème très français : les emplois ne se créent pas par décret. Réduire les déficits (dépenses excessives) , dont 2 % sont dus aux retraites des fonctionnaires (Molinari, Beaufret) c’est plus important que d’augmenter la pression sur les travailleurs usés ayant commencé tôt.
    Il manque un grand journal (les echos, le figaro, la croix..), voire une personnalité connue, qui soutienne vos suggestions et celles de Génération Libre, Marc de Basquiat.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

C’est la réflexion d'un haut fonctionnaire de la Commission européenne chargé du dossier de la Grèce, à propos de la grave crise financière qui avait affecté ce pays, en 1989. Aujourd'hui, cette réflexion s’applique à la France, au moment où le Nouveau front populaire déploie tous ses efforts pour parvenir au pouvoir.

Ces trois propositions phare :

Porter le SMIC à 1600 euros Taxer très fortement les riches Abaisser l’âge de la retraite à 60 ans

 

Avec un tel programme, le Nouveau front populaire recueille des voix... Poursuivre la lecture

Jean-Luc Mélenchon analyse économique
5
Sauvegarder cet article

Une lecture romanesque des résultats des législatives 2024 s’est propagée dans les médias à la vitesse de la lumière. À l’ère du tout numérique, rien de plus normal, direz-vous. Pourtant, la réalité mérite de temps à autre qu’on lui prête un peu d’attention. L’Assemblée qui vient d’être élue ne représente pas du tout la population française.

 

Le roman politique, loin de la réalité

La fiction politique a commencé avec l’allocution de Jean-Luc Mélenchon dans les minutes suivant les estimations médiatiques des résultats. Pour... Poursuivre la lecture

4
Sauvegarder cet article

La poussière de la bataille électorale est à présent retombée et, avec elle, certains yeux joyeusement fermés se sont rouverts aux réalités de terrain.

 

Ainsi donc, finalement, on se retrouve bien avec les trois blocs politiques qu’on pouvait prévoir une fois le premier tour passé (à savoir Rassemblement national, Nouveau front populaire et macronistes en nombre décroissant de bulletins). Cependant, ce second tour a fourni quelques surprises, puisque l’ordre initialement prévu a subi des tensions de surface (et on se retro... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles