Une réaction doctrinaire au rapport des Etats généraux de l’information

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Une réaction doctrinaire au rapport des Etats généraux de l’information

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 25 septembre 2024
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Le rapport des Etats généraux de l’information vient d’être édité. Analyse du type de réaction auquel il peut donner lieu.

Nous avions déjà évoqué le sujet en 2019 : Alors que le Président Macron s’inquiétait au sujet du caractère fragile de l’information, face notamment à ce que l’on appelle les fake news et de manière plus générale la désinformation, il qualifiait alors l’information de bien public. Un présupposé lourd de menaces et d’effets pervers.

Il est vrai que la défiance à l’égard des grands médias traditionnels devenait de plus en plus criante, alors que le désir de pouvoir accéder à d’autres sources était proportionnel à la capacité des technologies à faciliter les nouveaux modes de diffusion, mais aussi de liberté d’expression. D’où la mise en place en 2023 des Etats généraux de l’information, dont un rapport de 352 pages vient de paraître il y a peu, ainsi qu’un dossier de presse de 20 pages qui en résume l’esprit.

Mais je m’intéresserai ici avant tout aux réactions auxquelles il peut donner lieu, qui me semblent parfois peu compatibles avec l’esprit libéral.

Une urgence démocratique ?

Dans un entretien à The Conversation, le chercheur Alexis Lévrier livre son point de vue sur les conclusions tirées de ce rapport des Etats généraux, qu’il qualifie d’immense déception. Il relève notamment que « le rapport pointe justement une urgence démocratique à protéger et à développer le droit à l’information. Or les solutions proposées ne sont pas à la hauteur ».

Quel est le grand danger qui nous guette en effet, selon lui ? « L’extrême-droite ». Un épouvantail parfait, bien connu et bien commode lorsqu’il s’agit de nous faire peur. Et que menace de mettre en œuvre cette extrême-droite si elle arrivait au pouvoir ? Tout simplement de « faire taire l’audiovisuel public ». Rien de moins. Et où réside la déception d’Alexis Lévrier ? Dans le fait qu’ « il fallait des solutions fortes pour réguler les médias, renforcer l’audiovisuel public, lutter contre la concentration des groupes, rendre du pouvoir aux journalistes face à leurs actionnaires ».

On devine, en voyant la photo de Vincent Bolloré s’afficher en grand sur notre écran en illustration de l’entretien, qu’il s’agit une nouvelle fois de s’en prendre à cet autre épouvantail habituel au cours de ces dernières années. Ce qui ne plaît pas à notre chercheur, comme cela déplait vivement également à toute une partie de la gauche ces dernières années, est la fin du quasi-monopole de leurs idées dans les médias traditionnels. C’est désormais bien connu : la liberté d’expression oui, mais à condition qu’il s’agisse bien de celle à laquelle on pense, à savoir celle des médias traditionnels et des journalistes « du sérail ».

Un peu à la manière de Robespierre qui, en son temps, défendait la liberté d’expression et la diffusion des journaux, tout en établissant très vite une répression féroce à l’encontre de cette liberté de la presse lorsqu’il s’est agi de mettre en place une situation d’urgence justifiant cette répression, au nom de la sauvegarde de la Révolution.

Attention, autrement dit, à tout ce qui s’écarte de la toute-puissance de la presse traditionnelle et du relatif consensus intellectuel – pour ne pas dire politique – qui y règne. C’est bien pour cela, d’ailleurs, que l’on a pu avoir le sentiment, il y a quelques mois, de voir ce même Vincent Bolloré, lors de son audition devant la commission d’enquête sur les fréquences TNT créée à la demande du groupe LFI, de se trouver face à un rapporteur particulièrement méprisant et inquisiteur, comme si on était revenu au temps du tribunal révolutionnaire sous la Terreur. Il s’agissait d’espérer faire tomber notamment CNews, mais pas seulement. En suspectant déjà les médias détenus par l’homme d’affaires breton d’être le symbole-même des idées dites d’extrême-droite.

Est-ce cela la démocratie, la liberté d’expression, l’indépendance des rédactions, le « droit à l’information « ?

Quid de l’audiovisuel public ?

Car nous pouvons à juste titre nous interroger sur la neutralité des médias de l’audiovisuel public. Et à l’époque où cette commission d’enquête cherchait manifestement à régler son compte à Vincent Bolloré et ce qu’il peut représenter dans l’imaginaire de certains, d’aucuns se sont penchés sur la question. Le malaise s’est alors rapidement fait sentir à mesure que les observations et mesures statistiques ont révélé la nette prédominance des intervenants de gauche dans la couverture médiatique de cet audiovisuel public.

Alexis Lévrier va d’ailleurs plus loin. Car, loin de s’interroger sur le caractère démocratique des médias publics, ou de certains journaux largement subventionnés qui disparaîtraient pour certains sans les subsides de l’Etat (quid de leur indépendance ?), il met en cause tout ce qui a pu contribuer à la faire tomber de près ou de loin de son piédestal. Ainsi, affirme-t-il, « la gratuité des médias fut une erreur terrible au début de l’ère d’Internet ».

Et surtout, il n’hésite pas à s’en prendre à Vincent Bolloré avec hargne, allant jusqu’à affirmer que celui-ci « rêve de construire un second empire médiatique au service d’une croisade religieuse et raciste ». Se référant également au passage à cette emblématique nomination de Geoffroy Lejeune comme directeur de la rédaction du JDD en 2023, qui avait tant fait couler d’encre. Rêvant de « protéger les rédactions en leur donnant un droit d’agrément ou un droit de veto leur permettant de s’opposer à la nomination d’un directeur de la rédaction choisi par l’actionnaire ».

Le « pluralisme » serait donc réservé, pour l’essentiel, aux médias de l’audiovisuel public ou tout au moins à ceux qui respectent un certain consensus ou « politiquement correct » que l’on peut identifier assez clairement. Ce qui nous rappelle là encore les interventions bien singulières de certains ministres à la même époque, qui avaient stupéfait, tout comme les propos de la ministre de la Culture Rima Abdul Malak qui avaient eux aussi choqué.

Une liberté d’expression sujette à caution

En définitive, et même si le rapport des Etats généraux de l’information est loin d’être aussi complaisant que ce chercheur veut bien le laisser croire, il reste que l’on est bien en peine de justifier en quoi l’information serait un bien public et en quoi la multiplication des médias libres mettrait en péril la démocratie et la liberté d’expression.

Même si le sujet est effectivement sensible, que l’on ne peut nier qu’il existe même une guerre de l’information, ce n’est pas en réprimant ou en cherchant à contrôler cette dernière, peut-on penser, que l’on parviendra à faire vivre la démocratie, mais plutôt en encourageant la véritable pluralité (qui est bien l’une des priorités défendues par le Comité de pilotage de ces Etats généraux), l’authentique liberté de la presse, la liberté d’expression véritable, le débat y compris par médias interposés, ainsi que la liberté de chaque individu de se tourner vers les médias de son choix.

Même « l’éducation aux médias », dont il est question dans le rapport, interroge. Comme beaucoup de bonnes idées en théorie, on ne peut s’empêcher de se demander là aussi qui sera chargé en pratique de déterminer quelle est la bonne éducation à apporter en la matière et qui en décidera ; quels seront les journaux ou médias plus ou moins proscrits et ceux qui auront grâce aux yeux des éducateurs. Exactement comme on peut se demander qui aurait autorité pour décréter quel journal ou média serait apte à délivrer une information « vraie » ou valide. Autrement dit, quel média est digne d’exister et quel autre doit être censuré et disparaître.

Dans un contexte et une réalité qui est celle de politiques, gouvernants et journalistes du sérail dont on sait pertinemment qu’ils ne font pas toujours – loin de là – d’une rigueur exemplaire dans cette recherche de la vérité sur de multiples sujets, à supposer qu’elle soit même une et bien établie. Ou qui, on l’a vu régulièrement, peuvent être facilement écartés dans des circonstances parfois révoltantes, allant à l’encontre du principe justement mis en avant par ce Comité, à savoir « la liberté pour le journaliste d’exercer son métier à l’abri des pressions ». Ce qui devrait être valable aussi dans un audiovisuel public loin d’être exemplaire en la matière.

Voilà certainement un débat qui est loin d’être clos.

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