Méchante concurrence et vrais pignoufs

Lorsqu’un ministre de la République parle concurrence, c’est pour dire d’énormes pignouferies.

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Sylvia Pinel (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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Méchante concurrence et vrais pignoufs

Publié le 19 juin 2012
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Je l’ai déjà dit plusieurs fois, mais je préfère le redire une fois de plus pour que l’observation soit connue de tous : les politiciens sont, dans une grande majorité, des buses exceptionnelles en matière d’économie. Non pas qu’ils savent mais feignent d’ignorer les arcanes de l’économie, de la gestion, de la finance. Non pas qu’ils mettent leurs convictions en avant en dépit de leurs savoirs. Non. Ce sont de vraies, d’authentiques et véridiques buses en économie.

Et pour illustrer mon propos, je prendrais ici deux ministres, bien dodus, bien imbibés de leur propre importance, choisis au hasard dans la brochette de guignols bigarrés que le gouvernement nous offre actuellement, par une main innocente, oui, toi, là, voilà, viens ici et tu tires deux ministres comme tu veux, voici le premier, merci, et le second maintenant voilà c’est très bien mon petit tu peux retourner t’asseoir.

Qui avons-nous ?

Surprise, nous avons, évidemment, le frétillant Arnaud Montebourg Du Dressement Reproductif Du Bricolage Industriel Grandiloquent, d’un côté, et, de l’autre, nous tombons sur une petite nouvelle, Sylvia Pinel, qui est la ministre déléguée à l’Artisanat, oui oui, ça existe.

Dans son cas, entre les brumes liquoreuses du parfum de la réussite, elle s’occupe notamment du statut de l’auto-entrepreneur et a déclaré à son sujet, début juin et devant l’Assemblée des Artisans de France, que — je cite —

« Ce régime conduit à créer dans certains secteurs, notamment le commerce et l’artisanat, une concurrence déloyale avec les professionnels qui sont soumis à des règles sociales et fiscales et des normes différentes. »

Ben voyons. Comme les auto-entrepreneurs ne sont pas assommés de charges sociales et de taxes ridicules et vexatoires comme le sont les artisans traditionnels installés en France, ces salauds de pauvres, au chiffre d’affaires plafonné à 32K€ (ou 80 si c’est une activité commerciale) entrent en concurrence directe avec les artisans.

C’est, on peut le dire, une honte.

On comprend que l’idée, ici réclamée plus ou moins bruyamment par les corporations des artisans, consiste à, au mieux, abandonner ce méchant vilain statut qui aura permis à 970.000 personnes de se créer leur propre activité, ou, au pire, à lui imposer les mêmes avanies fiscales que celle des artisans, parce qu’après tout, il n’y a pas de raison que ce soit toujours les pauvres qui échappent à l’impôt, zut à la fin.

Bien sûr, une autre idée est possible : si ce statut d’auto-entrepreneur a remporté du succès, peut-être serait-il rentable de l’étendre plutôt que de le supprimer, non ? Cette proposition est, bien sûr, complètement ridicule puisqu’elle suppose de réduire les impôts, les formalités administratives et couper dans les taxes, chose qui est, intrinsèquement, impensable pour tout ministre qui se respecte ! On commence comme ça et on termine par l’enregistrement d’une entreprise en 5 minutes, la disparition des cotisations à payer en avance et autres joyeuseté sans lesquelles entreprendre en France deviendrait presque rigolo voire pas systématiquement voué à l’échec. Et des gens qui entreprennent et surtout réussissent à se passer de l’État, c’est, proprement, scandaleux !

Comment la ministre peut-elle ensuite asseoir son pouvoir si personne n’a besoin d’elle ?

Cette question nous permet de nous intéresser au second larron de notre histoire puisqu’elle peut déjà être posée pour Arnaud Montebourg, qui, d’ailleurs, se la pose aussi à lui-même, de temps en temps, en gribouillant son papier à entête d’un air morose, quand il s’ennuie, seul, dans son bureau, en attendant un coup de téléphone ou l’apparition d’un grand M lumineux sur les nuages d’une nuit sans lune qui marquera son départ pour de l’action musclée et du dressement vigoureux.

Encore une mission pour Montebourman !

Parce qu’à vrai dire, il a bien vite compris qu’à part, justement, gribouiller ses papiers à entête et enchaîner des repas plantureux en se faisant doucement lobbyiser par l’un ou l’autre chef d’entreprise en mal de subventions, il n’avait à peu près rien à faire, ou en tout cas rien qui puisse mener à un quelconque résultat mesurable. Du reste, ce n’est pas comme si sa feuille de route contenait le moindre indicateur précis d’évaluation : il sait que, peu importe ce qu’il fera, il n’aura de comptes à rendre à personne. Ça tombe bien : c’est justement ce qu’il fera.

Logo MontebourgAlors, entre deux gros passages à vide dans son emploi du temps, Arnaud se redresse, tout prêt à produire des trucs. Le dernier en date, c’est son retournement de veste à vitesse éclair vis-à-vis de Free. Certes, avec son brusque redressement mouvement, il l’a toute craquée, sa veste, mais il s’en fiche, l’Arnaud : il a sa propre ligne de vêtements, rappelons-le. Et comment a-t-il procédé pour déchirer son veston ? Fort simple : en deux temps.

Premier temps, le brave gars déclare, le 10 janvier 2012, ceci :

https://twitter.com/montebourg/statuses/156699718280429569

Et dans un second temps, le même brave, devenu ministre, explique que l’arrivée de Free Mobile a déjà un impact négatif sur l’emploi dans le secteur télécom, ce qui est fort gênant, voyez-vous, et qu’en conséquence,

« Mon objectif est que cette hémorragie s’arrête. »

… parce que, comprenez bien qu’en réalité, l’ARCEP (l’autorité de régulation des télécoms) est en fait un bidule machin très méchant (et très ultralibéral) qui « s’intéresse exclusivement à la concurrence sans limite ». Le ministre pose alors la question, lancinante :

« Comment donc avons-nous trouvé le génie de mener la concurrence du marché à un tel point qu’il s’autodétruit ? »

Eh oui, morbleu, comment ce pays s’est-il laissé couler dans les affres de la concurrence débridée qui donne du téléphone à pas cher à ses cons de pauvres ! C’est n’importe quoi !

Cependant, diable diable !, on remarque qu’entre le 10 janvier et le 10 juin, le marché est passé de « très bien pour le pouvoir d’achat des Français » à « très mal pour l’emploi à tel point qu’il s’autodétruit » ! Voilà qui sent bon un lobbying (grassement rémunéré ?) de la part de certains acteurs fossilisés du marché des télécoms, ne trouvez-vous pas ?

Mais ce magnifique revirement ne surprendra que celui qui ne connaît pas le lourd passif du Montebourg, qui, au-delà de ses exactions en matière de mode vestimentaire et de sa consternante vision de l’économie qui confine au terrorisme financier, se double d’un bel hypocrite parfaitement compatible avec la vie politique française.

Non, lui comme l’autre minustre n’ont aucune idée du degré de pignouferie économique contenu dans les inepties qu’ils balancent ; et ils s’en fichent éperdument avec le détachement des gens qui auront, quoi qu’il arrive, un douillet salaire pour leur carnet d’adresse, leur entregent millimétré et leur capacité à embobiner la piétaille contribuable, corvéable à merci.

Aux élections qui viennent de passer, une belle brochette de pignoufs (Morano, Lefebvre, Royal, MAM, Guéant, Lang, Bayrou) a été éliminée à grand fracas. Mais manifestement, il en reste encore un paquet et plusieurs élections seront nécessaires pour nous en débarrasser…

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