Pour Arnaud le Frétillant, ce n’est pas tous les jours simple de s’occuper à la fois des économies de la France et de son redressement productif. D’abord, des économies, le pays n’en a pas ce qui oblige son copain Michel, le Rameur des Finances, à ramer encore plus fort. Ensuite, pour ce qui est du Redressement, le pauvre Arnaud n’a pas franchement fait preuve, ces derniers temps, de beaucoup de vigueur. Cela ne se redresse pas des masses, dirait-on. Mais tout espoir n’est pas perdu !
Eh oui, Arnaud, mon petit Arnaud, j’ai une bonne nouvelle pour toi ! On a trouvé un dossier parfaitement adapté à tes compétences, et tu vas enfin pouvoir exhiber un exemple taillé sur mesure d’entreprise sauvée par tes bons soins. En plus, le cas est vraiment très simple et ne méritera pas d’y passer des heures de ton emploi du temps qu’on sait déjà fort chargé, notamment sur le pilotage discret mais précis et ô combien efficace de toutes ces entités administratives d’investissement qui, tous les jours, redressent le cap de la France à grands coups de pelle dans la nuque volant nerveux.
En plus, cette entreprise est un fleuron de l’entreprise artisanale proche de ses clients, à mi-chemin entre la grosse entreprise qui tutoie les plus grands services de l’État, et la gentille boutique de quartier qui sait fournir un service après-vente irréprochable, du conseil à la clientèle, le tout patiné par l’âge, l’expérience et cette proximité qui sent bon le vivrensemble républicain. De cette entreprise, pourtant en difficulté, on sait à la fois pourquoi elle n’arrive plus à boucler ses fins de mois, et à la fois comment résoudre ses problèmes.
Cette entreprise, c’est Cuivres et Bois. C’est un magasin spécialisé dans les instruments de musique et en particulier, comme son nom l’indique, dans les cuivres et les bois. Fondé par d’anciens élèves de conservatoires et des musiciens sans cesse à la recherche d’instruments de musique de qualité, ce commerce est dirigé par des gens conscients que seule une manufacture artisanale répond à une haute qualité de fabrication, et la fiabilité, l’originalité et l’élégance qui permettent au musicien de ne faire qu’un avec son instrument. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est eux-mêmes, et on est prêt à les croire, d’autant plus qu’ils n’ont pas hésité, pour le prouver, à passer moult contrats avec l’armée française.
Eh oui : en plus d’armes sophistiquées (comme des Mirages par exemple), l’armée française entretient aux frais du contribuable une troupe de fins musiciens qui se chargent d’emporter les troupes sous les flonflons rythmés de nos hymnes les plus chaloupés. Et pour ces musiciens, il faut, bien sûr, le meilleur, qu’on trouve – notamment – dans cette charmante boutique, qui livre depuis quatre ans de nombreux instruments (400) au ministère de la Défense. Sur les trois dernières années, ce sont de multiples trompettes de Cuivres et Bois qui sont allées retrouver les troupes tintinnabulantes de France.
Mais voilà, il y a un hic : les dettes s’accumulent. Selon le dirigeant de l’entreprise musicale, l’État lui devrait 381 000 euros. Entre les contentieux divers et variés et les délais de paiements qui s’allongent dangereusement, l’entreprise est maintenant au bord de la faillite pure et simple.
L’armée aura beau jeu d’exhiber quelques cas, forts suspects, de livraisons incomplètes — l’article de Médiapart relate ainsi le cas d’un lot de trois trompettes, à 2500€ pièce, dont le poids n’a pas varié entre son départ et sa livraison acceptée à Bordeaux-Mérignac, mais dont l’armée déclare pourtant qu’il ne contenait que deux éléments sur les trois attendus. Pour Pierre Vicogne, le commerçant, il y a clairement de l’abus de la part de l’armée :
« Le client doit vérifier la quantité reçue le jour de la livraison, puis a un délai de sept jours pour signaler un problème sur la qualité du matériel. Ces délais-là, l’armée ne les respecte jamais. »
Réclamant le retour de l’étui déclaré vide, Vicogne attend depuis deux ans, en vain. Des litiges s’amoncellent ainsi entre lui et l’armée à hauteur de 50.000 euros. Pire : à chaque contentieux, l’armée refuse de payer le moindre euro de la commande, impose un délai et une nouvelle facturation. C’est cette accumulation de problèmes qui aboutit à la coquette somme de 370.000 euros d’impayés par l’armée. Et avec ces impayés grandissant, les créanciers de la petite entreprise se montrent de plus en plus intraitables. Au point, bien sûr, que Bercy s’en mêle et menace d’un contrôle fiscal le commerçant fragilisé.
Et voilà, Arnaud, le moment précis et subtil où tu peux entrer en scène, drapé de ta cape bleu, blanc, rouge, de ta marinière et de ta frétillance communicative. Parce qu’après tout, Bercy, c’est ton domaine, non ? Il ne devrait pas être hors de tes cordes de recontacter ton copain Michel et de lui demander de faire un petit geste pour cette entreprise, par exemple en lui épargnant un contrôle fiscal qui ne manquera pas de l’envoyer directement au casse-pipe, non ?
Et puis, c’est aussi de ton ressort de sauver les entreprises en difficulté, celles qui manquent de trésorerie, qui représentent un vrai savoir-faire national et ont de bonnes perspectives d’avenir. Après tout, Arnaud, c’est bien toi qui fanfaronne sur les ondes que tu as sauvé des milliers d’emplois, non ? Eh bien voilà pour toi l’occasion d’en sauver encore tout un paquet ! D’autant que le problème est simple : il s’agit d’un unique mauvais payeur. Là encore, on sent que c’est dans tes cordes, et que ta capacité de concentration sur le dossier ne sera pas trop mise à l’épreuve. Mieux, le créancier, tu le connais comme le fond de ta poche, c’est l’État ! Et mieux encore, c’est un socialiste, comme toi, Jean-Yves Le Drian, qui dirige le ministère incriminé, celui de la Défense. Nul doute que tu vas pouvoir le recontacter très vite (il doit y avoir des lignes directes de ton bureau au sien, j’en suis sûr). Allez, Arnaud, toi le ministre de choc : sois chic, fais un chèque !
Et puis tant que tu y es, regarde un peu le compte des autres commerçants en contrat avec l’État en général et l’armée en particulier. Il semblerait que ce soit un peu la panique actuellement, du côté des paiements, et le nombre des entreprises qui sont en contentieux avec l’État n’est pas mince : d’après Anne Grommerch, députée de Moselle, dans un rapport à l’Assemblée Nationale de juin 2013, près de 3600 PME auraient constaté des retards de paiements.
Et comme on sait bien que, si le fournisseur carafe, le client peut discrètement garder son chèque, qu’il y a plusieurs milliers de fournisseurs pour l’armée et que cette dernière n’est actuellement pas très en fonds, on se demande si tout ceci ne serait pas une tactique délibérée pour éviter de payer les factures, et tant pis pour l’emploi. Rooh. Ce serait très mal, ça. Voilà qui ne serait absolument pas compatible avec ton Redressement Productif, mon brave Arnaud.
Alors, Arnaud, c’est le moment d’agir. Les contribuables et des milliers de salariés et d’employeurs français comptent sur toi.
—-
Sur le web
Ah! Je me demandais quand vous alliez nous faire un article là dessus!
J’ai vu ça il y a quelques jours, je me suis dit: c’est pour h16! Il faut dire que la situation est ubuesque, puisque l’Etat est à la fois responsable des difficultés de l’entreprises, et en même temps se propose de lui couper lui même tête par la grâce d’un controle fiscal qui viendrait sanctionner la mauvaise gestion de l’entreprise…. (bon cela dit, il y a déjà entourloupe dans le simple que l’administration fiscale se penche sur la gestion des entreprises, étant donné la gestion de l’Etat lui même…)
Le pire c’est que ce manège dure depuis des années. Il y a dix ans, on en parlait déjà. L’armée est très mauvaise payeuse, et l’Etat en général d’ailleurs.
Moralité : ne travaillez pas pour l’état au risque l’avoir bien profond ❗
Fin des années 70 début des années 80, l’état et ses administrations payaient les factures de l’entreprise dans laquelle je travaillais à 6 mois. On le savait avant de signer les contrats, mais à l’époque on pouvait encore se dire qu’on serait payés de toute façon.
Sympa la photo en Superman mais je le verrais plutôt en Buzz L’Eclair 😉
CHer H16, ne submergez pas de travail le sémillant Monte-à-rebours: il est en train de cuver sa « cuvée du redressement » à Frangy-en-Bresse! Source: Le Point, 19/08/2014.
De plus, j’ai bien peur, qu’il n’ait, en se réveillant, une sacrée gueule de « bois », et sans les « cuivres » des alambics pourtant: Google prépare des comptes Gmail pour les moins de 13 ans!
bonjour ,des trompettes ,mais pas des tambours .Pourtant il devrait parce que ce dernier instrument est plus à son image ,partant un tambour ça raisonne ,car il est creux ….
Sans Tambours ni trompettes, il n’agira pas…
Pas assez d’esbroufe, pas assez clinquant, pas assez communiquant, pas assez « cher mon fils » !!!
L’économie, c’est pourtant simple et limpide, en théorie comme en pratique.
Définition : on ne commerce jamais avec l’Etat socialiste ou ses excroissances. Il n’existe pas de rapports équilibrés possibles vis-à-vis de cette entité détenant le pouvoir exorbitant de fabriquer la règle du jeu et de la modifier à sa convenance, alors qu’elle n’a aucune parole ni morale.
Théorème : tout contentieux avec l’Etat socialiste se termine invariablement par une agression violente et brutale, typiquement un contrôle fiscal, une nouvelle taxe dans les jambes ou une réglementation dans la nuque, ayant pour objet la destruction impitoyable du vil faquin ayant osé contester l’Obèse Majesté Omnipotente.
Lemme : celui qui commerce avec succès avec l’Etat socialiste est nécessairement une excroissance de l’Etat socialiste. Il devient l’Etat socialiste. Dès lors, il ne peut plus être comptabilisé dans le secteur privé de l’économie mais fait partie du secteur public, ce qu’on nomme communément le capitalisme de connivence. Les entreprises privées encore saines doivent éviter comme la peste tout contact économique avec lui et le placer en quarantaine définitive.
Fuyez, pauvres fous !
« Lemme : celui qui commerce avec succès avec l’Etat socialiste est nécessairement une excroissance de l’Etat socialiste. Il devient l’Etat socialiste. Dès lors, il ne peut plus être comptabilisé dans le secteur privé de l’économie mais fait partie du secteur public, ce qu’on nomme communément le capitalisme de connivence. Les entreprises privées encore saines doivent éviter comme la peste tout contact économique avec lui et le placer en quarantaine définitive. »
Je vous trouve bien dur avec Martin Bouygues et Arnaud Lagardère… Pardon? Vous ne les avez pas nommé? Ah, autant pour moi, j’ai rien dit alors.
Pourquoi état « socialiste » ? « état’ sans aucun qualificatif ne suffirait-il pas ?
Il y a tout un stock dont je dois me débarrasser. Il faut dire que ces temps-ci, ça ne vaut grand chose. Alors, on solde.
Ah non, les trompettes c’est trop difficile pour Arnaud. Il serait plus à son affaire avec des pipeaux 😀
Si, si , il y arrive, ……mais la trompette, c’est pas a la bouche !
Tiens on a pas de détails sur l’origine de ce contrat qui pousse l’armée a acheter a prix d’or des instruments artisanaux. Car est-ce bien nécéssaire? L’armée fait des concerts internationaux?
Ce serait pas la première fois que le copain du dehors se fait arroser par le copain du dedans, quitte a ce que les copains s’embrouillent parce qu’un troisième larron, préposé au paiement, fait de la résistance – vu que ce pognon n’est pas destiné a un de ses copains a lui!!…