Par Claude Perrin.

L’Union africaine a annoncé, début septembre, qu’une délégation s’envolerait vers le Gabon « dans les plus brefs délais », pour tenter un début de médiation dans la crise politique que traverse le pays. D’abord attendue le 9 septembre dernier, celle-ci a finalement été repoussée, sans doute pour pouvoir regrouper tous les participants à cette mission. Si sa composition reste encore inconnue, il semblerait que le président en exercice de l’Union africaine (UA), également chef d’État du Tchad, Idriss Déby Itno, se soit saisi personnellement du dossier et prenne la tête de cette délégation. Ses homologues du Congo-Brazzaville, Denis Sassou-Nguesso, et du Sénégal, Macky Sall, devraient également figurer parmi les dirigeants attendus.
« Contact constant avec les acteurs gabonais »
Abdoulaye Bathily, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies (ONU) pour l’Afrique centrale, est quant à lui arrivé à Libreville, la capitale gabonaise, il y a quelques jours. L’Organisation internationale de la francophonie (OIF) a également dépêché un représentant. Dans un communiqué, Michaëlle Jean, la secrétaire générale de l’OIF, a précisé qu’il fallait « tout mettre en œuvre et de manière coordonnée entre les partenaires régionaux et internationaux, pour un règlement pacifique de la crise ». De plus, Smaïl Chergui, le Commissaire à la Paix et à la Sécurité de l’UA, en mission à Libreville, est actuellement en route.
Ce dernier s’est par ailleurs exprimé sur le dossier, estimant que « le recomptage des voix bureau de vote par bureau est nécessaire pour sortir de la crise post-électorale au Gabon ». Mais celui dont la parole est attendue par toutes les parties, c’est Idriss Déby Itno, qui s’est forgé l’image d’un dirigeant volontaire et d’un « résolveur de conflits » – notamment par sa prise en charge de l’épineux dossier Boko Haram. Ce dernier a promis de travailler à « un règlement rapide de la situation postélectorale au Gabon (…) avec l’appui des pays de la région ». L’homme, qui a, depuis son arrivée à la tête de l’Union en février dernier, imposé un rythme nouveau à une organisation souvent fustigée pour son inaction ou son incapacité à trancher dans des crises complexes, est donc attendu au tournant.
Malgré une arrivée retardée, le président tchadien assure qu’il continue de suivre « avec une attention renouvelée l’évolution de la situation au Gabon, à la suite de la proclamation des résultats (…) ». Il maintient « un contact constant avec les principaux acteurs gabonais et l’ensemble des parties prenantes concernées ». Il s’est engagé « à assister les parties gabonaises dans la recherche d’un règlement rapide à la situation post-électorale qui prévaut dans leur pays » et a déclaré vouloir réaffirmer le rôle de l’UA « en matière de démocratie et d’élections ».
« Des anomalies évidentes »
Pour rappel, la crise gabonaise est survenue quelques jours après la présidentielle du 27 août dernier. Dès la proclamation officielle des résultats, le 31 août, des partisans du ténor de l’opposition et ancien président de la commission de l’UA, Jean Ping, sont descendus dans la rue pour manifester leur colère. Des heurts s’en sont suivis, menant à l’incendie de l’Assemblée nationale, l’attaque du QG de l’opposition, et à la mort de plusieurs manifestants.
Selon la commission électorale, le président sortant, Ali Bongo Ondimba, serait en tête, bénéficiant d’une courte majorité sur son rival Jean Ping – moins de 6 000 voix. La colère des partisans de ce dernier viennent des chiffres observés dans la province du Haut-Ogooué, région natale de la famille Bongo : le président sortant y a en effet obtenu 95 % des votes, pour une participation de 99,93 %. Cette avance « soviétique » dans son fief est jugée de « mascarade » par l’opposition ; « des anomalies évidentes » ont également été dénoncées par la mission européenne d’observation.
M. Ping, qui se proclame « président élu », conteste les résultats officiels. Seulement, la Cour constitutionnelle est la seule institution susceptible de connaitre du contentieux postélectoral au Gabon. Or, pour certains, celle-ci serait inféodée au pouvoir ; « les Gabonais l’appellent désormais la Tour de Pise, parce qu’elle penche toujours du côté du pouvoir », rappelle le candidat malheureux. Ce dernier désire un recompte des voix bureau par bureau afin de bloquer toute tentative de fraude. Le pouvoir en place s’y oppose, expliquant que la procédure n’est pas réglementaire. C’est sur ce point de désaccord que l’équipe d’Idriss Déby Itno devra essayer de se prononcer.
wikipedia:” Jean Ping est titulaire d’un doctorat d’État en sciences économiques de la Sorbonne1.
Ancien compagnon de Pascaline Bongo, fille du président Omar Bongo, avec qui il a deux enfants, il a ensuite épousé Marie-Madeleine Liane avec qui il a également eu des enfants. Il est aujourd’hui marié à Jeanne-Thérèse, d’origine italo-ivoirienne.”