Journal d'actualité libéral
|
mercredi 19 novembre 2025

Le constitutionnaliste Benjamin Morel veut politiser davantage la vie locale

Temps de lecture : 3 minutes

Il fut un temps où les constitutionnalistes les plus médiatiques étaient majoritairement des professeurs des universités de sensibilité conservatrice. Aujourd’hui, ce sont plutôt des maîtres de conférences de gauche qui font le bonheur des journalistes, même si leurs accointances sont soigneusement obombrées. La preuve avec Benjamin Morel, dont la dernière étude pour l’Institut Terram et le Laboratoire de la République, fondé par Jean-Michel Blanquer, intitulée Conseils municipaux : renouer avec l’engagement citoyen (août 2025, 48 pages), contient des assertions particulièrement contestables.

Faire revivre la démocratie locale  ?

L’étude constate un essoufflement de la démocratie locale qui se traduit dans la constitution des listes aux élections, les démissions au cours du mandat, la surcharge des élus et une abstention croissante (p. 11). Son objet est de comprendre les racines du désenchantement et ses expressions, et d’« esquisser des pistes d’action qui redonnent sens et désir à l’engagement local » (p. 12). C’est ce dernier aspect qui retiendra notre attention.

Cinq axes sont mis en avant pour « refaire vivre la démocratie locale » : valoriser le mandat municipal, réduire les barrières d’entrée, encourager les forces émergentes de participation, « reconstruire l’écosystème civique local », enfin rééquilibrer les pouvoirs locaux.

Interventionnisme accru au niveau local

Ce qui ressort, au-delà d’un vocabulaire très à la mode et parfois agaçant, c’est le mélange d’interventionnisme et plus largement d’étatisme, ainsi que l’indifférence totale aux dépenses supplémentaires induites par les propositions qu’avance l’auteur (une « politique de repérage civique », une « école municipale de l’engagement », p. 32, un « investissement dans des espaces participatifs de débats », un « parcours d’éducation à la citoyenneté », p. 36, etc.), le tout aboutissant à une politisation accrue de l’échelon local.

En réalité, Benjamin Morel plaide en faveur d’une nouvelle mouture de « démocratie participative » : budgets participatifs, jurys citoyens, etc. (p. 33). Bien entendu, il souhaite « valoriser » les conseils municipaux de jeunes, dont nous avons déjà dit tout le mal que nous pensions (voir notre pendule du 13 mars 2025), avec un « budget propre ».

Des dépenses supplémentaires tous azimuts

En parlant de budget, les dépenses s’accumulent, sans que l’auteur s’intéresse le moins du monde à leur financement. Un point de détail sans doute, qui ne s’encombre pas du délabrement de nos finances publiques. Ainsi faut-il « relancer la vie associative locale » et ce, avec un « plan de soutien ciblé aux associations citoyennes » (p. 36). Tout ce qui est en bon français « civique » devient d’ailleurs « citoyen » sous la plume de notre constitutionnaliste, ce qui apparaît en définitive normal puisque la politisation est de tous les instants. Il nous semblait pourtant que les associations étaient des organismes de droit privé, appartenant à la sphère de la société civile, et qu’il n’y avait pas de liberté possible si cette sphère se trouvait phagocytée par celle de l’État, mais nous avons dû rêver.

Dépenses toujours quand l’auteur souhaite une revalorisation de la dotation de fonctionnement (avec quel argent de l’État central ?) ou encore un « contrat de proximité démocratique avec l’État garantissant un socle minimal de services publics » (p. 38). Sous couvert du « modèle républicain » (p. 39) qui lui est cher, Benjamin Morel poursuit plutôt la politique de fausse décentralisation ouverte en 1982 par… les socialistes (ce que beaucoup ont tendance à oublier), celle qui a, entre autres, étendu l’interventionnisme économique et social au niveau local.

Une formation et une subsidiarité défectueuses

Deux derniers points nous ont encore chagrinés. D’abord, prenons l’auteur au mot, puisqu’il prône la « formation » des élus et la « valorisation » des conseils de jeunes. Une vieille idée de gauche pour mieux formater les esprits, surtout les plus malléables. Mais puisqu’il faut, paraît-il, former les élus et impliquer les jeunes, pourquoi ne pas le faire en vue d’une bonne gouvernance et de l’équilibre budgétaire ? Pourquoi ne pas leur apprendre que l’État ne doit pas être une corne d’abondance destinée à déverser un « pognon de dingue » sur les électeurs et les affidés ?

Ensuite, Benjamin Morel développe une fausse conception de la subsidiarité, qu’il dénomme « subsidiarité opérationnelle », « chaque niveau de collectivité ne pouvant exercer que les compétences qu’il est seul à même de remplir efficacement » (p. 39). Une conception utilitariste qui dénote une incompréhension du concept.

En effet, nous avons souligné à plusieurs reprises que la subsidiarité ne pouvait se concevoir dans l’ordre politique que de manière remontante, en partant donc du niveau le plus proche de l’individu. Si l’on escompte qu’elle s’exercera en fonction du critère de l’efficacité, ce qui est en définitive la conception consacrée dans les textes communautaires des vœux de Jacques Delors, la vie locale que l’auteur souhaite développer s’évanouira pour la simple et bonne raison que les niveaux les plus éloignés de l’individu revendiqueront toujours une efficacité supérieure.

Plus largement, nous considérons, au contraire de notre collègue, que l’une des réformes essentielles à mener dans notre pays est de le dépolitiser pour rendre à la sphère de la société civile (individu, famille, associations, entreprises…) l’étendue qui était la sienne et qui, au fil des décennies, s’est réduite comme peau de chagrin au profit d’un État tentaculaire et d’une Europe communautaire envahissante.

Recevez Contrepoints, le journal d'actualité libéral

Abonnez-vous gratuitement à notre journal d’actualité libéral. Recevez tous les matins une analyse libérale de l’actualité que vous ne trouverez nulle part ailleurs.


9 réponses

  1. ce qui n’ennuie dans tous ces trucs citoyens.. c’est qu’en normalement une personne étant un citoyen dans la grande généralisé, ça devrait être synonyme de privé… en fait ça signifie en fait collectivisé..

    Citoyen désigne une personne… pas un machin..

    science citoyenne..ecole citoyenne.. idée à la poubelle.

  2. Cet esprit confus et compliqué devrait se demander pourquoi depuis les dernières élections je n’ai pu avoir un entretien avec mon député ! Sur six tentatives les deux ou j’avais obtenu un rendez vous ont été… annulées. Et je me heurte toujours à un mur.
    On veut repolitiser la vie locale? Et bien imposez a tous les députés une rencontre hebdomadaire obligatoire, sous peine de révocation, avec un citoyen de sa circonscription !
    … qui le demande ou tiré au sort.

  3. Moins l’Etat intervient, mieux il se porte
    C’est le principe de base du libéralisme, qui laisse ses acteurs s’ajuster automatiquement par les lois du marché concurrentiel
    Voir le Portugal, l’Argentine et autres qui ont rétabli leurs économies en deja réduisant dratisquement les depenses publiques, après de sévères crises
    En France notre nomenclatura a des œillères, le fond du gouffre est proche si on ne suit pas ces exemples

  4. Il semble que la situation actuelle ne fasse pas « école » !
    Un jour, peut-être, on comprendra que sur le plan local, la gestion d’une commune peut se faire par ses habitants civils, entrepreneurs ou autres…
    Le tout est d’y mettre un cadre et ça, évidemment cela doit être du ressort de la République

  5. C’est dèjà politisé dans la vie communale, il y a des LFI, des PR, des PS, des RN et j’en oublie un les « ECOLOS ».

  6. Ce qui est discutable c’est qu’avec l’engagement citoyen à l’arrivée ne se présentent que les plus politisés ( voir le convention climat ) ou ceux qui ont le temps ( retraités et chômeur). De plus pour certains sujet il faut un minimum de connaissance des sujets et enjeux pour arriver à de bonne solutions, vu le niveau culturel actuel c’est pas gagné.

  7. « Il fut un temps où les constitutionnalistes les plus médiatiques étaient majoritairement des professeurs des universités de sensibilité conservatrice. »
    Oh la la, oui, voici quelques décennies que ce n’est plus le cas !

  8. Ce qui est probable avec ce genre , pardon , avec ce type d’individu c’est qu’il périsse dans la douleur de leurs brulures d’estomac tant leurs propos respirent la haine . Au lieu de parler de politiser , il faudrait mieux qu’il parle de collectiviser .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


Soutenez Contrepoints – Le média libéral de l’IREF

L’IREF (Institut de Recherches Économiques et Fiscales) est une association indépendante, sans but lucratif, financée uniquement par des dons privés.

Faites un don et soutenez un journal 100 % libre, libéral et sans subvention publique.