La stabilité politique obtenue au prix d’un compromis budgétaire qui aggrave les finances publiques de la France, manifestant ainsi le manque d’intention sérieuse du gouvernement de réformer quoi que ce soit alors que la dette continue sa course folle, cela ne pouvait pas faire illusion très longtemps. À peine le nouveau Premier ministre Sébastien Lecornu avait-il annoncé qu’il allait proposer au Parlement une suspension de la réforme des retraites de 2023 que l’agence de notation S&P, en avance sur son propre calendrier de notation, dégradait la France de AA- à A+.

Cela signifie que les prêteurs qui avaient déjà tout lieu d’être méfiants vont se méfier encore plus : et si la France ne remboursait pas ? Certains vont donc se retirer. D’autres plus audacieux vont rester mais exiger un taux d’intérêt plus en rapport avec le risque accru encouru. De ce fait, en l’absence de réformes pour réduire les déficits, l’État français pourrait parfaitement se retrouver en cessation de paiement : faute d’obtenir sur les marchés les financements suffisants, il n’aurait plus les liquidités nécessaires pour payer les salaires des fonctionnaires, verser les allocations sociales et assurer les pensions des retraités.
Si tout fonctionnait à merveille dans le pays, si l’école, la santé, les retraites, l’emploi, les salaires, l’innovation, etc. le faisaient caracoler dans le groupe des systèmes les plus réputés dans le monde, et si, de plus, les sublimes bijoux des souveraines françaises du XIXᵉ siècle pouvaient être exposés au Louvre sans être volés en sept minutes un dimanche matin, la crise politique actuelle ne constituerait pas un problème aussi grave. Il est même probable qu’elle n’existerait pas ; pas à ce point, en tout cas.
Mais elle existe, car face à une vraie décrépitude du « vivre en France » (ainsi résumé-je les paramètres économiques et sociaux énumérés plus haut), le pays est écartelé entre plusieurs écoles de solutions plus ou moins possibles et/ou efficaces et/ou souhaitables.
Je cite pour mémoire l’école du fondateur de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon. Pour lui, tout est simple : la dette n’est pas un problème, il suffit d’en annuler la part détenue par la Banque centrale européenne. Autrement dit, on se libère du boulet de la dette et on repart de plus belle ! Comme si les créanciers de la France allaient se laisser berner une seconde fois… C’est fou les bobards éhontés que certains leaders politiques se croient en droit de servir à leurs électeurs ; et c’est fou combien certains électeurs sont prêts à croire sans sourciller qu’ils pourront tout avoir sans jamais rien payer…
Jean-Luc Mélenchon ne fait cependant pas l’unanimité, y compris dans les rangs de la gauche. La plupart des politiciens français se trouvent aujourd’hui d’accord pour admettre que les déficits que nous empilons depuis cinquante ans nous entraînent dans la spirale maudite de la dette, hypothéquant ainsi dangereusement notre avenir et notre potentiel de prospérité. Mais les remèdes proposés diffèrent.
Une école très en vogue consiste à privilégier l’augmentation des recettes, ce qui se décline en lutte contre la fraude fiscale, lutte contre la fraude sociale et surtout hausses d’impôts appliquées essentiellement aux plus hauts revenus et aux plus hauts patrimoines. Justice fiscale, à défaut de justesse des calculs, oblige.
Problème : en l’état, la France est déjà le pays du monde développé où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés. Deuxième problème, les recettes espérées sont généralement très surestimées. Elles sont trop faiblement documentées, ne tiennent pas compte des effets de bord en sens contraire et relèvent finalement plus du vœu pieux que d’une analyse budgétaire rigoureuse. Rappel : le déficit public dépassera les 160 milliards d’euros en 2025 (soit l’équivalent de 5,4 % du PIB).
Une seconde école, largement moins représentée chez nos dirigeants politiques, intègre le niveau déjà élevé de notre fiscalité pour préférer agir via la baisse des dépenses publiques, lesquelles sont également au top de ce qui se fait dans l’OCDE.
L’intention est excellente, mais elle bute sur un dogme apparemment insurmontable jusqu’à présent en France : il faut sauver notre modèle social. En conséquence, les économies réalisables dans ce cadre relèvent surtout d’une chasse aux gaspis, aux abus et aux doublons, connue depuis de nombreuses années sous les titres flatteurs de « Révision générale des politiques publiques » (Nicolas Sarkozy), de « Modernisation de l’action publique » (François Hollande) ou de « Comité pour l’action publique 2022″ (Édouard Philippe). On ne peut pas dire qu’elle se soit révélée d’une grande efficacité.
Sans changements structurels forts, on pourra toujours décider que les avantages accordés aux élus seront encadrés en montant et dans le temps, on pourra toujours proposer de limiter le bénéfices des APL aux étudiants français et aux étudiants étrangers membres de l’Union européenne ou boursiers, on pourra toujours vouloir réformer l’Aide médicale d’État et l’aide au développement, et plus largement toutes les aides qui sont distribuées sans qu’on sache vraiment dans quelles poches elles atterrissent ni exactement quels services elles financent – les montants en jeu restent modestes au regard des efforts qu’il faudrait effectivement fournir.
Concrètement, dans la pratique gouvernementale française de ces dernières décennies, les ministres de Bercy ont toujours publié des trajectoires budgétaires qui revenaient « sagement » à un déficit inférieur à 3 % dans les deux à quatre ans, ils ont toujours assuré que cette fois, c’était sérieux, les dépenses publiques allaient baisser par dizaines de milliards tandis que les impôts n’augmenteraient plus…

… avec le piètre résultat que l’on connaît : plus de dépenses, plus d’impôts, plus de déficit et plus de dette. Ce qui se traduit aujourd’hui par plus de mécontentement dans la population et encore plus d’antagonisme politique.
Car plus la France dépense, plus elle s’enfonce. Plus elle porte haut les valeurs de solidarité et de justice sociale, plus elle est injuste. Plus elle redistribue, plus elle fermente de la frustration dans le corps social. Plus elle est stratège, plus les ratés industriels s’accumulent. Plus elle veut protéger les citoyens, plus elle les infantilise. Tel est le douloureux paradoxe français.
D’où, questions. Et si notre modèle économique et social était en fait l’artisan de nos difficultés ? Et s’il était intrinsèquement insoutenable ? Plutôt que de continuer à raboter sans succès ici ou là et plutôt que d’alourdir sans fin la charge fiscale des Français, peut-être faudrait-il envisager un changement de modèle.
Au fond, l’équation est assez simple. En 2024, dernière année dont les comptes publics sont connus, l’État français a dépensé 1 670 milliards d’euros, soit l’équivalent de 57,2 % de son PIB.
Dans cette somme, on distingue notamment les frais de fonctionnement pour 539 milliards (dont 362 pour les salaires chargés des fonctionnaires), les prestations sociales pour 748 milliards et les autres transferts et subventions pour 193 milliards. Autrement dit, la France croule sous le double poids financier de son administration (32,3 % des dépenses et 18,5 % du PIB) et de son système social couplé à sa subventionite aussi dirigiste que compulsive (56,3 % des dépenses et 32,2 % du PIB).
Imaginez maintenant que parmi ces dépenses, certaines soient purement et simplement abandonnées. Je pense notamment à l’existence d’agences étatiques sans objet comme, exemple typiquement boursouflé, le Conseil économique, social et environnemental (CESE), je pense également aux subventions aux entreprises, aux subventions à la presse et à la culture, ainsi qu’aux multiples aides du type « remise en selle vélo » et « MaPrimeRénov ». Eh oui, moins d’aides, mais moins d’impôts aussi.
Horrible ! s’exclament les partisans de l’État omniscient, omniprésent, omnipotent et monodécideur.
Le « vivre en France » n’est pourtant pas au mieux de sa forme, bien au contraire. Il est plus que temps de sortir des dogmes. Il est plus que temps de réfléchir au sens profond de la solidarité et de la justice. Le déséquilibre de plus en plus voyant de notre système de retraite par répartition, qui représente à lui seul 25 % des dépenses et 14 % du PIB, nous en fournit une excellente occasion.
2 réponses
En résumé, comme les enfants dans la cour des miracles…et çà dure, çà dure, par peur de perdre sa chère place (dans tous les sens du terme) et la course à l’incompétence et l’irresponsabilité crasses ! souhait personnel, vivement que le FMi prenne les manettes pour mettre dehors ces pseudo-politiques qui se gavent sur le dos du peuple, et entamer les vraies réformes qui nous feront sortir par le haut de ce marasme.
Toujours les mêmes maux et les mêmes remèdes inefficaces… on le sait mais la gauche omniprésente qui gangrène le système depuis 1981 (mme quand ils ne sont pas élus car ils ont été bien placés pour pourrir le système) continue à dépenser sans compter sans jamais s’attaquer à moins de dépenses et ne pense qu’à taxer tout le monde en général et les ultra riches en particulier …. Pour continuer à distribuer à tout va dans le tonneau des danaïdes …