Le gouvernement français actuel (Lecornu II, il convient de le préciser au vu de l’instabilité politique ambiante) prévoit que le déficit public français passera de 5,4 % du PIB en 2025 à une fourchette comprise entre 4,7 % et 5 % en 2026, avec ensuite une baisse progressive jusqu’à atteindre moins de 3 % en 2029. François Bayrou avait une prévision plus optimiste avec 4,6 % du PIB en 2026 et une amélioration qui permettait d’arriver à 2,8 % en 2029. Michel Barnier l’an dernier avait, comme Sébastien Lecornu, l’ambition d’un retour sous la barre des 3 % en 2029.
Le Fonds Monétaire International (FMI) ne croit cependant pas à cette trajectoire de réduction du déficit dans son dernier rapport du World Economic Outlook d’octobre : en 2026 il prévoit que le déficit s’élèvera à 5,8 % du PIB et qu’il se creusera encore légèrement pour atteindre 6,3 % du PIB en 2029 et 2030 (des prévisions qui n’ont varié qu’à la marge entre avril et octobre 2025).
La France est habituée à ne pas tenir ses objectifs
Il existe, depuis quelques décennies maintenant, une comédie bien rodée entre Paris et Bruxelles, le premier annonçant la main sur le cœur une réduction du déficit public sous les 3 % du PIB, le second faisant semblant d’y croire puis accordant un sursis de quelques années, mais pour la dernière fois, lorsqu’il apparaît évident que la cible ne sera pas atteinte, Paris sachant pertinemment qu’un nouveau décalage sera accepté au prix tout au plus de quelques froncements de sourcils. Tous les gouvernements, avec plus ou moins de brio, ont joué la pièce.
Mais le sujet de fond n’est pas tant l’objectif de 3 % de PIB du déficit gravé dans les traités européens, assez arbitraire en vérité, que la soutenabilité des finances publiques françaises. Actuellement, avec un taux à 10 ans sur la dette publique française aux alentours de 3,5 %, c’est-à-dire supérieur à la prévision que l’on peut avoir de la croissance nominale potentielle aux alentours de 3 % (environ 1,2 % de croissance réelle et 1,8 % d’inflation), et un déficit primaire (hors intérêts de la dette) supérieur à 3 % du PIB, la dette publique française rapportée au PIB est sur une trajectoire fortement croissante, c’est-à-dire insoutenable à long terme.
Le scepticisme du FMI est d’autant plus compréhensible que le gouvernement Lecornu II est clairement disposé à laisser filer ses objectifs de déficit (comme cela s’est vu avec la suspension de la réforme des retraites) pour permettre de faire passer son budget. La stratégie, qui peut se comprendre à court terme – éviter une dissolution qui ferait certainement grimper les taux alors que la possibilité de voir un budget adopté les a légèrement fait baisser – n’en est pas moins révélatrice d’une tendance structurelle. On peut même lire les concessions du gouvernement sur le déficit comme un effet boule de neige c’est parce que depuis des décennies la France a laissé filer son déficit pour apaiser la situation politique à court terme qu’elle est aujourd’hui contrainte de faire de même, alors que la situation chaque année plus dégradée des finances publiques impliquerait un changement de trajectoire.
La France fait l’objet d’une défiance nouvelle et spécifique
Le FMI est généralement plutôt optimiste dans ses prévisions, souvent fondées sur un retour à la trajectoire de long terme des indicateurs lorsqu’ils s’en écartent. Le fait que le FMI ne prévoit pas de baisse du déficit public français, déjà élevé, indique donc le scepticisme de l’institution.
Par le passé, le FMI s’est d’ailleurs montré plus optimiste concernant l’évolution du déficit français : en avril 2023 il anticipait une baisse de plus d’un point de PIB pour atteindre 3,9 % en 2027 et, en 2019, il anticipait également une réduction du déficit de 3,3 % du PIB à 2,4 % en un an (la crise sanitaire ayant évidemment rendu ces prévisions caduques). Il y a quelques années déjà la France n’était pas réputée pour son sérieux budgétaire, mais le fait que l’institution ne prévoit désormais plus de diminution du déficit indique la perte de crédibilité de la France en la matière.
L’évolution plus pessimiste des prévisions budgétaires du FMI est propre à la France. Par exemple, dans le cas de l’Espagne et de l’Italie, deux pays qui ont connu des dérives de leurs finances publiques, le FMI prévoit une baisse du déficit, qui passerait pour l’Italie de 3,3 % du PIB en 2025 à 2,5 % en 2030 et, pour l’Espagne, de 2,7 % du PIB en 2025 à 2 % en 2030.
Les prévisions du FMI n’ont, en tant que telles, pas de conséquences directes. Le problème plus urgent pour la France est que ses créanciers semblent partager cette vision pessimiste de l’évolution des finances publiques. Il y a encore une dizaine d’années, la France était placée dans la moyenne européenne en termes de niveau du taux d’intérêt, qui est le meilleur indicateur de l’opinion moyenne des investisseurs : le taux français était certes plus élevé que les taux allemands, hollandais ou scandinaves, mais nettement inférieur aux taux des pays méditerranéens. Aujourd’hui, preuve d’une défiance nouvelle, la France s’endette plus cher que l’Espagne, le Portugal, ou même la Grèce. Seule l’Italie reste en queue de peloton en compagnie de la France mais, si l’on se fie aux tendances de ces derniers trimestres (baisse du taux italien et hausse du taux français), nous devrions sous peu être définitivement considérés comme le pays le plus risqué.
4 réponses
Notre « A » s’effrite encore…
Si nous étions sous la tutelle du FMI, BCE…, qui sait dire concrètement quelles seraient les directives que nous devrions suivre en matière fiscale ou autre. Un organisme quelconque ne l’a t’il pas déjà établi ? Concrètement que devrions nous vendre, quelles dépenses seraient rognées ? Combien de temps durerait l’austérité ?
Aucun article, documentaire TV, etc.. ne nous en expose les conséquences.
Au vu de la situation, peut-être est-il temps d’avancer sur ce thème…
Un rappelle des mesures imposées à la Grèce serait en effet utile pour que les français comprennent ce qui les attend avec l’irresponsabilité de nos politicards mafieux!
L’austérité durera tant qu’on n’aura pas procédé à un tri dans la population entre lds individus ayant leur place dans une économie moderne et les autres qui devraient quitter le pays ou bien ce monde s’ils ne sont pas expulsables. Ah, me souffle à l’oreille que les inutiles les plus chers constituent l’essentiel de l’électorat du bloc central (inactifs retraités, privé de connivence…)
Forcément, on a annoncé une suspension du recul de l’âge légal de la retraite dont Macron a déjà dépensé d’un coup les économies escomptées en revalorisant sensiblement les pensions début 2024 pour faire plaisir à son électorat massivement retraité et qui s’est en plus montré bien ingrat en prenant l’argent et en votant quand même RN…