Le FMI est présenté tantôt comme un épouvantail, tantôt comme le sauveur ultime qui viendra redresser les finances du pays. Et s’il ne venait jamais à notre rescousse ? C’est ce que pense l’éditorialiste du Wall Street Journal, Joseph C. Sternberg.
Au milieu des années 1970, le Royaume-Uni est considéré comme « l’homme malade de l’Europe ». L’économie se désindustrialise bien que le gouvernement travailliste nationalise à tout-va pour tenter de sauver les meubles. L’inflation passe de 9% sous le gouvernement conservateur de Heath à 15% par an sous le travailliste Wilson, et le chômage, de 3,5% à 5,5%. Les tranches marginales d’impôts sont de 83% pour les revenus et de 98% pour les produits du capital.
Le gouvernement est contraint, en 1976, de demander un prêt de 4 milliards de dollars au Fonds monétaire international (FMI). Cela choque l’opinion publique, tout comme le refus qu’opposent les syndicats de fonctionnaire à toute modération salariale. C’est en grande partie cette situation qui fera élire Margaret Thatcher en 1979.
Le FMI attendu pour faire le « sale boulot »
Plus près de nous, le FMI est intervenu (aux côtés de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne) pour imposer des mesures drastiques à la Grèce, ainsi qu’à l’Irlande et au Portugal.
Les mêmes recettes sont, peu ou prou, appliquées partout : réduction des effectifs et baisse des salaires de la fonction publique ; augmentation du temps de travail ; baisse du salaire minimum ; gel, voire baisse, des pensions ; privatisations ; recul de l’âge de départ à la retraite ; hausse de la TVA et des impôts ; baisse des allocations diverses, etc. Toutes mesures – les hausses d’impôts mises à part, car sur ce plan nous sommes déjà très bien servis – que notre pays devrait appliquer pour réduire ses dépenses et sa dette, et que les gouvernements depuis des décennies se refusent à prendre. Faute de courage.
D’ailleurs certains hommes politiques verraient bien le FMI faire le « sale boulot » à leur place. D’aucuns prétendent même que nos élites pratiqueraient la politique de l’autruche, voire la fuite en avant, afin de précipiter la venue des experts de l’institution internationale.
D’autres agitent le chiffon rouge du FMI, peut-être dans l’espoir de susciter une réaction chez nos compatriotes à l’instar des Britanniques en 1979. C’était le cas d’Éric Lombard, le ministre de l’Économie et des Finances de François Bayrou qui, le 26 août 2025, au micro de France Inter, déclarait : « Je ne peux pas vous affirmer que le risque d’une intervention de l’institution internationale [ndlr : le FMI] n’existe pas. » Il ajoutait que c’est un scénario « qui est devant nous et que nous voulons éviter ». Des propos similaires avaient été tenus au mois de juin par la ministre du Budget, Amélie de Montchalin.
Face à la réaction négative, non pas des Français mais des marchés, le ministre Lombard rétropédala. « Nous ne sommes, aujourd’hui, sous la menace d’aucune intervention, ni du FMI, ni de la BCE, ni d’aucune organisation internationale », écrira-t-il sur X l’après-midi même !
L’économie française est un trop gros morceau pour le FMI
A vrai dire, la France, encore – pour combien de temps ? – septième économie mondiale pèse trop lourd pour que le FMI ou quiconque puisse la sauver. C’est l’opinion qu’a développée il y a quelques jours Joseph C. Sternberg, éditorialiste au Wall Street Journal.
En effet, écrit Sternberg, le FMI « prétend disposer d’une capacité de prêt totale d’environ 1 000 milliards de dollars (Md$) ». C’est suffisant pour aider des pays comme le Sri Lanka ou le Pakistan. Le sauvetage de la Grèce, qui a nécessité 326 milliards d’euros (Md€) sur cinq ans, n’a mobilisé le FMI qu’à hauteur de 32 Md€. C’est pourtant le plus grand sauvetage financier à ce jour en Europe. Que pourrait faire le FMI face à une dette française d’environ 3 500 Md€ ? C’est bien au-delà de ses capacités.
Sternberg avance un autre argument qui expliquerait que le FMI ne veuille pas se mobiliser. Il rappelle que l’institution internationale intervient toujours « en réponse à des crises ponctuelles telles qu’un effondrement bancaire ou une dégradation soudaine de la notation de crédit d’un gouvernement ». Ainsi, en 1976 au Royaume-Uni, a-t-elle stabilisé le taux de change de la livre sterling pendant que le gouvernement tentait d’équilibrer le budget de l’État. « Le FMI, qui agit vaguement comme une banque centrale, argue Sternberg, est spécialisé dans l’apaisement des crises de liquidité. »
Or la France n’a pas un problème de liquidité. Elle est insolvable. Ses engagements de dépenses futurs, principalement sous la forme de prestations sociales et de retraites, dépassent de loin toute estimation réaliste de la croissance économique qui permettrait de payer les factures. Ce qui ne devrait pas entraîner de véritable crise de défaut de paiement, car, nous dit Sternberg, il existera toujours un marché pour la dette française. Les investisseurs exigeront simplement une prime élevée afin de financer ces déficits budgétaires.
En mentionnant le FMI, Éric Lombard et Amélie de Montchalin se sont comportés comme des personnes ayant mis en œuvre de mauvaises politiques et cherchant un bouc émissaire commode. A moins, poursuit J.C. Sternberg, qu’il n’y ait là « un avertissement plus subtil pour les électeurs », à savoir : le redressement budgétaire et la croissance économique sont entre vos mains. Personne ne fera le travail à votre place !
Il n’est pas certain que les Français perçoivent toute la subtilité de ce message. Les débats sans fin sur la taxe Zucman montrent bien que nos compatriotes recherchent toujours des solutions illusoires.
6 réponses
C’est plus la réaction du milieu financier qui devrait un jour forcer l’état français à prendre des mesures d’austérité réelle. On s’y rapproche avec le taux d’intérêt de la dette qui va bientôt dépasser le taux de croissance (+ inflation).
🇫🇷 La politique budgétaire française: vers une correction des déséquilibres de la dette
-Ne pas se laisser dicter par les agences de notation
Sumihiko Seto,
Chercheur invité à l’ITI (Institut for International Trade and Investment)
, Ancien professeur à l’Université Teikyo
Les enjeux de la dette publique en Europe s’articulent autour de cinq axes :
1. L’héritage de la pensée économique classique depuis la Révolution française concernant la dette et la fiscalité.
2. La compatibilité avec les critères de convergence du traité de Maastricht.
3. La possibilité d’une convergence selon la condition de Domar.
4. Le rôle de la politique monétaire de la BCE, notamment en matière de taux d’intérêt.
5. L’analyse à la fois au niveau de l’Union européenne et des États membres.
Le solde primaire (PB) — différence entre les recettes fiscales et les dépenses hors charges de la dette — est un indicateur clé. En France, si le solde primaire actuel se maintient, une convergence de la dette publique pourrait être envisageable avant 2030. Toutefois, la condition de Domar, issue du modèle américain néoclassique, est rarement évoquée en Europe, où les taux d’intérêt ne sont pas sous contrôle national.
En juin 2025, les projets de loi de règlement budgétaire et de la sécurité sociale pour l’exercice 2024 ont été rejetés par les deux chambres. La croissance du PIB reste faible (1,2 % en 2024), et le déficit budgétaire atteint 1559 milliards d’euros, soit 6 % du PIB. Le président Macron propose un plan d’austérité ambitieux pour 2026, incluant la suppression de deux jours fériés et le gel des prestations sociales, mais les critiques fusent, y compris au sein de la majorité.
La dégradation budgétaire entre 2023 et 2024 s’élève à 180 milliards d’euros. Les recettes ont été surestimées, notamment en raison d’une mauvaise anticipation du prélèvement à la source. Les dépenses sociales explosent : les dépenses de santé dépassent les objectifs ONDAM, les pensions augmentent de 5,3 % en raison de l’indexation sur l’inflation. Le ratio dette/PIB atteint 113,2 %, et le coût du service de la dette pourrait frôler les 100 milliards d’euros en 2028.
Le déficit du régime de sécurité sociale s’élève à 157,1 milliards d’euros, aggravé par la réforme hospitalière du Ségur de la Santé et l’absence de financement des hausses salariales dans les hôpitaux. Les retraites enregistrent également un déficit de 5,6 milliards.
Les agences de notation (S&P, Moody’s, Fitch), qui dominent le marché, fondent leurs évaluations sur des critères qualitatifs, non sur des modèles économétriques. Les cinq principaux indicateurs sont : le PIB par habitant, le taux d’inflation, le ratio service de la dette/exportations, l’historique de défaut souverain, et le niveau de développement économique. Il convient de ne pas se laisser guider aveuglément par leurs jugements.
Les causes de l’aggravation du déficit sont multiples : ralentissement économique, mesures de relance, contributions aux mécanismes de sauvetage européens (FESF, MES), dépenses liées à la pandémie, crise énergétique, guerre en Ukraine. Le retour à l’équilibre budgétaire, initialement prévu pour 2027, est repoussé à 2029, voire au-delà .
Malgré les incohérences politiques liées aux alternances et aux cycles économiques, les fonctions fondamentales des finances publiques demeurent :
• Stabilisation conjoncturelle : les prestations sociales augmentent en période de crise, avec une générosité supérieure à celle des autres pays.
• Allocation efficace des ressources : les collectivités territoriales et les partenariats public-privé ont permis des avancées notables dans les infrastructures, les pôles de compétitivité et les clusters intellectuels.
• Redistribution des revenus : grâce à une fiscalité élevée, la France est l’un des pays les moins inégalitaires au monde, comme le souligne Thomas Piketty.
Tant qu’ils auront le ventre
plein et des séries télévisées à regarder, les Français n’accepteront aucun des changements nécessaires, sauf bien sûr ceux qui ne concernent que les autres, comme taxer les plus riches ou les entreprises.
Et la BCE sert à quoi dans l histoire ?
La BCE intervient régulièrement des que les taux d emprunt dérapent nettement à la hausse!!!!!!
La BCE intervient régulièrement des que le spread entre le taux francais a 10 ans et celui allemand dérape!!!!
Miraculeusement l’écart monte a 0,90 puis redescend a 0,84……