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mercredi 19 novembre 2025

ISF : la France renoue avec ses vieux démons

Temps de lecture : 4 minutes

Monsieur Lecornu 2 ne veut pas de la taxe Zucman qui consisterait à taxer à hauteur de 2% par an les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Il a raison car cet impôt supérieur au rendement de nombre de patrimoines professionnels obligerait leurs détenteurs à vendre progressivement leur capital, ce qui équivaudrait à une expropriation rampante. Mais pour se concilier la gauche, et considérant que « certaines optimisations fiscales de très grandes fortunes ne sont pas défendables », il propose, à  un taux de 2%, la création d’une taxe sur le patrimoine des holdings, hors leur patrimoine professionnel. Elle frapperait les holdings dont le total de bilan est « supérieur ou égal à un montant de 5 millions d’euros » et qui « perçoivent des revenus passifs représentant plus de 50 % du montant cumulé des produits d’exploitation et des produits financiers, hors reprises de provisions et amortissements ».

Mme de Montchalin alors ministre des Comptes publics, avait déjà fustigé les holdings et promis, lors de l’élaboration de la loi de finances pour 2025, de revenir avec un projet permettant de taxer les fortunes. Elle y arrive.

Avec l’IFI, qui taxe déjà l’immobilier, il s’agirait donc bien, quoi qu’il en dise, de rétablir une sorte d’ISF dont les seuils et modalité restent à préciser.

Certes, l’exonération du patrimoine professionnel éviterait le pire. Et à cet égard, des décennies de pratique de l’ISF, qui exemptait déjà les biens professionnels, ont permis de définir de manière relativement précise cette notion. Mais l’idée même d’imposer les autres actifs financiers qui seraient considérés comme non productifs relève d’une grave ignorance économique. Car les holdings ont naturellement le souci de faire fructifier leurs actifs financiers et sont imposées sur les bénéfices y afférents. Elles placent, directement ou au travers de fonds d’investissement, leurs disponibilités dans d’autres entreprises qu’elles aident ainsi à se développer. Elles concourent elles-mêmes à la création de nouvelles entreprises ou à des acquisitions immobilières qui répondent à des besoins professionnels ou de logement. Il en va de même, autrement, pour les particuliers. Il n’y a guère d’argent improductif. Qui laisse encore son or dormir, caché dans son grenier ?

Les holdings bénéficient d’un régime mère/fille qui n’exonère largement les dividendes reçus de leurs filiales et les plus-values sur leurs participations que pour éviter que les profits distribués déjà imposés à l’impôt sur les sociétés dans les filiales le soient à nouveau, indument, chez la mère. Tous les pays développés ont à cet égard des pratiques voisines. Et pour éviter toute dérive, le droit empêche les actionnaires et dirigeants d’utiliser les moyens de la holding pour acquérir des biens ou payer du personnel à leur profit. Ceux qui le font ne manquent pas de se faire rattraper par le fisc qui punit sévèrement les actes anormaux de gestion.

Dans la vie des affaires, les sociétés holdings ne manquent pas d’utilité. Elles réunissent souvent des actionnariats familiaux dispersés tout en conservant l’unité et le contrôle d’un groupe industriel ou commercial, elles permettent d’obtenir le concours de fonds d’investissments sans les impliquer dans les structures plus opérationnelles, elles font vivre des filiales et les font participer à une stratégie commune tout en leur laissant une autonomie nécessaire…

Il suffit d’accabler les riches au nom de préjugés infondés et de satisfaire à vil prix son électorat en lui vendant des impôts payés par les autres. Contrairement à la doxa véhiculée par la gauche, les revenus du capital supportent déjà plus de quatre fois plus d’impôt que les revenus d’activité et de remplacement ainsi que l’Institut de recherches économiques et fiscales, IREF, l’a démontré. La France est en Europe le pays où le stock de capital est le plus taxé, à raison de 4,0 % du PIB ( en 2023) contre 1,1% en Allemagne et 2,2% en moyenne dans l’Union européenne.

Instauré en 1982, l’ISF a sans doute été l’impôt le plus néfaste et le plus décrié qu’a connu la France depuis longtemps. Sarkozy avait promis sa suppression mais n’a pas eu le courage de passer à l’acte. Emmanuel Macron l’a transformé en 2018 en impôt sur la fortune immobilière – l’IFI, ce qui a libéré les placements mobiliers et favorisé les investissments financiers dans les entreprises. Le flux des départs fiscaux s’est tari, mais l’IFI a pesé sur le marché immobilier et contribué à la crise du logement.

Cette volonté de punir les riches d’être riches nuit pourtant à tous et aussi, dans le long terme, aux ressources budgétaires de l’Etat. Le rétablissement de l’impôt sur la fortune favorisera des attitudes de repli : émigration fiscale, découragement et baisse d’activité, multiplication de schémas complexes et nuisibles pour éviter ou réduire l’impôt…Plus que tous les autres, l’ISF est l’impôt qui tue l’impôt parce qu’il est considéré comme profondément injuste par ses redevables, surtout lorsqu’ils supportent déjà une multitude d’autres prélèvements.

Au sein de l’Union européenne, Seuls la France et les Pays-Bas taxent encore partiellement la fortune, avec l’Espagne socialiste qui a augmenté significativement en 2022 les taux les plus élevés de son impôt sur le patrimoine, ce qui a déjà fait fuir ses ressortissants les plus aisés. Nombre de pays qui le pratiquaient ont supprimé leur impôt sur la fortune :  l’Italie en 1992, l’Autriche en 1994, l’Irlande, le Danemark et l’Allemagne en 1997, la Finlande en 2006 et  laSuède en 2007. Leurs économies en ont profité : la plupart d’entre eux font partie du club des pays les plus riches. Et si la Suisse est l’un des pays qui a le niveau de vie le plus élevé du monde alors que les cantons y appliquent un impôt fortune, c’est que généralement les droits de succession y sont modestes, voire inexistants en ligne directe.

Ils sont plus riches parce que la liberté de posséder est un moteur du monde. L’ISF a été l’impôt le plus honni parce qu’il était considéré comme une atteinte à l’intimité de chacun. En attentant à la propriété un nouvel ISF nuira à la créativité, à l’innovation, au progrès humain. La propriété n’est pas efficace par hasard. Elle l’est parce qu’elle est naturelle à l’homme, répond à ses besoins fondamentaux, permet ses échanges créateurs de richesse. La liberté de posséder est une dimension indispensable à la croissance de l’être et de sa communauté et la liberté sans propriété est amputée de son assise sur laquelle elle prospère.

Rétablir l’ISF est un aveu de faiblesse. Il vaudrait mieux supprimer l’IFI. Mais il y faudrait de la conviction et du courage ainsi qu’une perspective de durée qui, en effet, manque à ce gouvernement.

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5 réponses

  1. Quand notre pauvre lecornu aura avalé sa dose maximale de couleuvres mi décembre 2025 pour faire adopter son projet de budget 2026 une motion de censure sera déposée par la gauche et le RN puis une loi speciale sera votée fin 2025 afin de doter le pays d un budget reconduit!!!!
    C est un éternel recommencement….

  2. Il faudrait réduire ou supprimer les principales niches fiscales des entreprises pour « amadouer » le peuple débile français et en même temps réduire les impôts de sociétés de 5 points (réduire à 20%).
    Ca n’aurait peut être pas un énorme impact comptable, mais au moins, ça simplifierait notre fiscalité afin derrière de potentiellement baisser certaines cotisations et taxes particuliers.

  3. Existe t il des études sur le montant des capitaux qui ont quittés la France depuis ( et à cause) de l’ISF de mitterand et ses successeurs? Ce serait sans doute des évaluations imprécises mais j’aimerais bien avoir une idée du capital perdu en 44 ans. Et là je parle uniquement d’argent, le capital humain perdu c’est autre chose.

    1. Question très difficile, mais étant binational avec une partie de ma famille en Belgique, je puis vous assurer que les commerçants d’Uccle (le Neuilly bruxellois) étaient ravis de notre ISF. La chaussée de Waterloo y est baptisée « boulevard des Français », tant les boomers qui ont réussi en France et vendu leur entreprise s’y côtoient à la retraite ! Je pense aux anciens rois (ou reines) des EHPAD, du surgelé ou des champignons de Paris, ainsi que d’autres encore en activité. Les artistes et les sportifs préfèrent souvent la Suisse, mais on trouve facilement sur internet la très longue liste des célébrités exilées. Au final, il est permis de penser que l’ISF fut bel et bien un impôt au rendement… négatif !

  4. j’ai payé l’ISF en son temps. Moi je serais pour un ISF universel, pour tous ,à un taux doux . Son montant serait déductible du montant de l’impôt sur le revenu. Une adaptation pour les entreprises serait indispensable .
    Comme cela , les tricheurs paierait de l’impôt et les expatriés fiscaux également.
    Les syndicats, les associations aussi

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