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vendredi 7 novembre 2025

L’Argentine de Javier Milei : premier bilan

Temps de lecture : 6 minutes

La victoire électorale de Javier Milei aux élections législatives, le 26 octobre, a pris à revers le discours pour le moins mitigé, voire franchement péjoratif de la presse française à l’égard du président argentin.

D’une façon générale, dès qu’ils évoquent Milei, les médias français traditionnels pratiquent le « oui mais » et régurgitent des éléments de langage visant à déconsidérer le bilan du président argentin, dont on rappellera qu’il est arrivé au pouvoir il y a à peine deux ans, dans un pays à la situation financière absolument critique. D’ailleurs avant son élection, nos médias, tout comme nos politiciens de gauche et même du centre,  insistaient sur ses difficultés et anticipaient un échec électoral.

Pourtant, l’électorat argentin a fait mentir nos experts en prévisions électorales avortées et Javier Milei remporte une très large victoire, alors que son parti n’existe que depuis 2021. Le système électoral argentin, qui ne prévoit qu’un renouvellement par moitié du Parlement, ne lui donne pas encore de majorité absolue, mais ce succès supprimera de nombreuses possibilités de blocages de ses réformes par la gauche locale.

« Oui, mais », nos journalistes continuent de dénigrer Javier Milei, certains parlant d’une victoire « malgré un bilan contrasté ». Au fait, quel est son bilan ? Dressons une liste des indicateurs qui se sont améliorés depuis son arrivée au pouvoir, puis, par souci d’honnêteté, de ceux pour lesquels l’amélioration se fait attendre.

L’état de l’Argentine en décembre 2023, lors de l’élection de Javier Milei

Rappelons d’abord dans quel état le socialiste (péroniste) Alberto Fernandez, au pouvoir depuis 2019, a laissé l’Argentine début décembre 2023.

L’inflation annuelle atteignait alors 211%. La vie quotidienne des Argentins consistait surtout à rechercher des billets, dont il y avait pénurie, et à les dépenser aussi vite que possible pour les achats du quotidien avant que la monnaie ne perde sa valeur. Dans de telles conditions, même les personnes vivant au-dessus du seuil de pauvreté ne pouvaient guère être considérées comme aisées, encore moins comme riches. D’ailleurs, le peso argentin, entre décembre 2019 et 2023, a vu sa valeur divisée par 6 par rapport au dollar, qui était devenu de fait la devise « réelle » de l’économie argentine.

Cours du peso en dollars

La situation financière du gouvernement était telle que la dette publique est passée de 82% en 2022 à 155% en 2023, forçant la Banque centrale à imprimer des pesos sans retenue, propulsant l’inflation à des sommets. Cette situation explique l’élection de Javier Milei en décembre 2023.

Indicateurs en amélioration

De quels résultats celui-ci peut-il se prévaloir 2 ans après ?

–  Inflation mensuelle : passée de 25 % (12/2023) à 1,9 % en août 2025.

Inflation mensuelle en Argentine

– Inflation sur 12 mois glissants : 211% (déc. 2023) → 31,8 % (sept. 2025).

Inflation sur 12 mois glissants en Argentine

Certes, ces valeurs sont très au-dessus de ce à quoi nous sommes habitués en Europe, mais l’inversion de tendance est remarquable.

– Dette publique (FRED st Louis) : de 155% du PIB (2023) à 85% (2024), et 76% fin juin 2025. La FED de St Louis prévoit qu’elle atteindra 73% à la fin de l’année. Ah, si seulement Emmanuel Macron pouvait en dire autant…

Dette brute de l’administration centrale argentine

 

– Croissance (gouv) : après une année 2024 difficile, 2025 affiche des taux record en rythme annuel avec 5,8% au premier trimestre et 6,3% au second.

Taux de croissance annualisé par trimestre

– Balance commerciale (gouv) : négative en 2023, excédentaire de 8Mds USD en 2024 et de 5Mds en cours d’année 2025.

– Déficit/Excédent de l’État. Déficit 2023 : -4.4% du PIB → excédent financier 2024 : +0,3 % du PIB  ; sept. 2025 : surplus de $309,6 Mds.

– Spread obligataire (comparé aux bons du trésor US) : ≈ 2 500 points de base fin 2023 → meilleur point 2025 : ~ 578 pb (6 janv.) – Cet indicateur mesure l’écart de taux avec une obligation considérée comme sûre, généralement américaine. Cet écart est la « prime de risque » exigée par les prêteurs à l’Argentine. Certes, ce spread est remonté fin septembre 2025 autour de ~ 1 100 pb à la suite de la défaite aux élections partielles locales de Buenos Aires, faisant craindre un recul des réformes, mais il reste encore bien meilleur qu’en 2023. Il est probable que la victoire nette d’hier soir rassurera les prêteurs et donc contribuera à l’abaisser sensiblement, concrétisant le retour durable à la confiance des investisseurs et des prêteurs.

– Pauvreté et pauvreté extrême : 41,7% / 11,9% (S2 2023, dernier semestre plein de l’ère Fernández) → 31,6 % / 6,9 % (S1 2025). Notons que les anti Milei s’attardent sur les taux à la fin du premier semestre 2024, soit 52,9% et 18,9%, comme si d’un coup de baguette magique il aurait pu inverser la descente aux enfers vécue sous le mandat de Fernandez. Les taux atteints mi 2025 se rapprochent des plus bas du millénaire.

Taux de pauvreté et taux d’extrême pauvreté en Argentine

– Indicateurs de criminalité (gouv). Taux d’homicides 2024 : 3,8/100 000 soit une baisse de 12,7 % par rapport à 2023. Les données 2025 sont encore partielles, la tendance sera à affiner. Le taux d’homicides reste cependant 3 fois plus élevé en Argentine qu’en France.

Indicateurs moins favorables

– Pouvoir d’achat (12 mois glissants) : indice de salaires +53,2 % (juil. 2025) vs indice des prix +36,6 % (juil. 2025) → amélioration sur 1 an, effacement presque complet de la perte de pouvoir d’achat initiale post-décembre 2023 pour le secteur privé, mais pas pour le secteur public (-15% pour ce dernier). Cela dit, la chute du pouvoir d’achat était quasi continue depuis 2015 à fin 2023,  cf. graphique ci-dessous (source). Cette chute semble pour l’instant enrayée.

Evolution du pouvoir d’achat des salariés du privé et du public

 

– Chômage : les coupes dans la fonction publique ont provoqué une hausse début 2024, laquelle s’est lentement résorbée l’an dernier mais a connu un mauvais rebond au premier trimestre 2025.

 

Taux de chômage trimestriel, Argentine

– Monnaie : Le peso a été dévalué de moitié à l’arrivée de Milei, pour tenir compte de l’inflation. Puis en deux ans, il s’est encore érodé d’environ la moitié de sa valeur. De ce point de vue, Milei ne fait pour l’instant pas mieux que Fernandez. Cependant, le reflux de l’inflation, s’il peut se poursuivre, laisse espérer une stabilisation à moyen terme.

– PIB par habitant (FRED) : exprimé en dollars constants de 2010, il est passé de $13182 fin 2022 à $12933 fin 2023 sous Fernandez (-1,9%), et à $12 667 sous Milei en 2024 (-2%). Mais la reprise forte de la croissance aux deux premiers trimestres 2025 laisse espérer une inversion de cette tendance lorsque les données de l’année complète seront disponibles.

Un bilan « contrasté » ? Pourquoi ne pas reconnaître qu’il est remarquable ?

Voilà donc un « bilan contrasté », selon la presse française. Alors certes, il n’est pas parfait, mais on rappellera que l’Argentine était en perdition en novembre 2023. Milei n’est pas magicien, il n’allait pas, en seulement deux ans, transformer un pays en voie de Vénézuelization en une Suisse-bis ! Mais l’inversion de la spirale de l’échec est remarquable et c’est ce que les électeurs ont plébiscité hier.

Tous ces résultats ont été acquis alors que Milei était minoritaire au Parlement et que la gauche a utilisé sa capacité de blocage pour détricoter certaines réformes, notamment un « big bang » de simplification fiscale, certaines privatisations d’importance, la réforme du marché du travail, la décentralisation/responsabilisation des provinces. Ce sentiment de patinage a récemment alimenté des commentaires pessimistes sur l’action de Milei. Mais la gauche n’aura plus cette minorité de blocage après ces élections.

Nous attendons donc les prochains progrès avec impatience, sachant bien sûr que notre presse continuera à dire : « oui mais ». Tant que les journalistes français des médias traditionnels refuseront de reconnaître objectivement les mérites d’un homme politique sous prétexte qu’il est de droite, ils éroderont un peu plus leur crédibilité déjà fortement entamée, auprès d’un lectorat toujours plus maigre.

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7 réponses

  1. L’Argentine est un. pays qui a emergé de la pauvreté au debut du 20° siècle. Ile etait à l’époque un des 15 pays les plus riches du monde. Cette richesse s’est accrue avec la guerre de 14 puisque l’argentine est alors devenu le grenier de l’Europe après l’effondrement de notre production agricole et de celle de la Russie quelques années plus tard. A l’époque l’argentine a été le parfait exemple du libéralisme salvateur, le pays a vendu son incroyable capacité agricole pour acheter les biens industriels US et européens. Puis vint la crise de 29, la fermeture du pays et avec la guerre l’arrivée au pouvoir des militaire nationalistes et du péronisme (gauche populiste) L’argentine est alors tombée en enfer, Il y a eu un répit dns les annéees 80, mais le péronisme est revenu. Maintenant l’Argentine a une chance de revenir à la position internationale qui était la sienne en 1914 et revenir dans le giron des pays developpes.

  2. Les politiques français et européen non aucune autre politique que de taxer et encore taxer, des règle et encore des règles, d’augmenter leurs revenus et ponctionner les entreprises et les peuples qui travaillent, cela dure depuis 40 ans en promettant des jours meilleurs qui se dégradent de jour en jour, il faut changer de système, c’est connu que la distribution de l’argent ne fait pas un peuple gagnant, mais appauvrie une nation.

  3. Qu’attend t’on pour embaucher en CDD Milei en france ?
    Il a tout compris et c’est exactement cela qu’il faut pour donner enfin un coup de balai à tous nos malades de la dépense publique et des impôts et taxes tout azimuts

  4. Merci d’avoir précisé (pas assez ?) que l’opposition a fait un sacré barrage dans les réformes proposées qui, d’après la liste évoquée auraient donné un meilleur résultat et rassuré encore plus les marchés.
    Ca, les médias vont « oublier » de le noter…

    1. Les peronistes sont tout a fait dans leur rôle d opposants….ils veulent retrouver le pouvoir!!!!
      C est le bon déroulement d une démocratie saine…..

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