Après les coopératives d’entrepreneurs, ce sont les associations qui se plaignent de la baisse des subventions. La Cour des comptes pense aussi que le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) doit être largement subventionné, mais pourquoi resterait-il à l’écart de la nécessaire réduction des dépenses publiques ?
La Cour des comptes vient de se pencher sur « Les soutiens publics à l’économie sociale et solidaire », autrement dit sur les subventions que reçoit ce secteur qui représente environ 11% de l’emploi en France.
L’ESS, un secteur hétéroclite couvé par les pouvoirs publics
Le secteur de l’économie sociale et solidaire (ESS) regroupe à la fois des associations (1,1 million), des coopératives (23 807), des mutuelles (6 828), des fondations (2 317) et des sociétés commerciales dont l’activité a pour finalité une utilité sociale (4 500). Cette hétérogénéité n’empêche pas la Cour des comptes d’en donner une définition qui reprend, peu ou prou, celle qui figure dans la loi : l’ESS « désigne un mode d’entreprendre qui cherche à concilier activité économique et utilité sociale. Elle repose sur des principes de solidarité, de coopération, de démocratie et de primauté de l’humain sur le profit. »
Une définition hautement contestable car bien des entreprises cherchant à faire du profit ont également une « utilité sociale » certaine. C’est même en réalisant des bénéfices qu’elles font la preuve du service qu’elles rendent. Comme l’écrivait Hayek : « Le profit est le signal qui nous dit ce que nous devons faire pour servir des gens que nous ne connaissons pas. En recherchant le profit, nous sommes aussi altruistes que nous pouvons l’être, parce que nous étendons notre préoccupation à des personnes hors de portée de notre conception personnelle. »
Il nous semble, à la lecture du rapport, qu’une autre définition de l’ESS était possible : « un secteur couvé par les pouvoirs publics et incapable d’exister sans subventions ».
Couvé par les pouvoirs publics, en effet, depuis la loi Hamon de 2014 qui avait trois objectifs principaux : 1) reconnaître l’ESS comme un mode d’entreprendre clairement défini ; 2) mieux structurer le secteur ; 3) le faire changer d’échelle, notamment en lui octroyant des moyens financiers supplémentaires. Par ailleurs, à la suite d’une recommandation du Conseil de l’Union européenne de novembre 2023, il est prévu qu’une stratégie nationale pour promouvoir le développement de l’ESS soit élaborée d’ici la fin de l’année 2025 (ce sera plus probablement en 2026). Ajoutons qu’il existe un délégué ministériel à l’économie sociale et solidaire (rattaché à Bercy), mais aussi un Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, défini comme « espace de dialogue entre les acteurs de l’ESS et les pouvoirs publics ».
La Cour des comptes regrette cependant que le « changement d’échelle » visé par la loi de 2024 n’ait pas eu lieu, la part de l’ESS dans l’emploi salarié étant restée stable depuis 2014, autour de 10%. Ce n’est pourtant pas faute de recevoir des fonds publics.
Des subventions importantes, mais difficiles à mesurer
En effet, c’est le deuxième terme de notre définition, l’ESS est incapable d’exister sans subventions. Pourtant aguerris, les magistrats financiers avouent ne pas être en mesure de déterminer le montant des aides versées. S’il leur est facile de recenser celles de l’État (16 Md€ en 2024), des collectivités (6,7 Md€) et de la Sécurité sociale (0,42 Md€), ils ont plus de mal à estimer les subventions en provenance des opérateurs et de l’Union européenne. On sait par exemple que l’Agence de la transition écologique (Ademe) a versé 62,5 millions d’euros (M€) à des structures de l’économie sociale en 2024, mais la masse globale reste mal cernée.
Une grande partie des aides est constituée de subventions versées à des associations pour « garantir des droits ou assurer des services dans le prolongement de l’action de l’État : l’hébergement d’urgence (18% des subventions en 2024), le soutien à l’enseignement privé et à l’éducation (15%), l’accompagnement social et l’aide alimentaire (13%), l’accueil et l’orientation des réfugiés et des demandeurs d’asile (12%) ».
Si le total des aides à l’ESS est difficile à quantifier, la Cour des comptes semble estimer qu’elles sont insuffisantes. Atteinte d’un tropisme sévère, elle souhaite que la banque publique d’investissement (Bpifrance) et la Caisse des dépôts s’impliquent davantage, mais aussi que l’épargne réglementée soit encore plus dirigée vers les structures de l’ESS qu’elle ne l’est actuellement.
Si nous admettons que des structures, principalement associatives (93% des aides), puissent recevoir des subsides étatiques pour réaliser un objet de nécessité mieux que ne le ferait l’Etat, il faudrait qu’une évaluation systématique soit opérée. Nous savons que ce n’est pas le cas, mais la Cour des comptes, que l’on a connue plus stricte sur l’utilisation des fonds publics, ne s’en émeut pas.
En revanche, bien des subventions n’ont aucune justification. Par exemple, celles qui ont pour objectif de financer une campagne de communication grand public avec le lancement d’un site internet et d’une marque ESS, l’État estimant que le secteur est mal connu des Français ! De même, pourquoi faut-il que l’État subventionne les 18 chambres régionales de l’ESS – démembrement de la chambre française de l’ESS, en quelque sorte la fédération patronale du secteur – à hauteur de 1,8 M€ en 2024 ? De cela non plus, la Cour ne s’étonne pas.
Il n’y a aucune raison non plus à ce que l’État soutienne l’ESS « en tant que mode d’entreprendre » comme le recommande le rapport de la Cour des comptes. L’État n’a à soutenir aucun « mode d’entreprendre » en particulier. Il doit, en la matière comme en bien d’autres, être d’une neutralité absolue.
Tout pour la transition écologique
A vrai dire, nous nous demandons si la grande sympathie de la Cour des comptes pour ce secteur ne trouve pas une explication dans les 12 pages de l’annexe 21 du rapport, intitulée « Le cas emblématique du rôle de l’ESS dans l’économie circulaire ». Les magistrats de la rue Cambon s’étendent sur le fait que l’ESS « a contribué à l’émergence de l’économie circulaire et pèse aujourd’hui en son sein », et regrettent que ses acteurs soient aujourd’hui « menacés dans leur modèle économique ». En effet, de grandes enseignes de la distribution, des entreprises de services en ligne, des plateformes d’échanges, des startups… – la plupart du temps des sociétés commerciales (quelle horreur !) – ont investi les marchés du réemploi, de la réparation, du reconditionnement, de la seconde main… et concurrencent les structures de l’ESS dont le modèle d’affaires se trouve remis en cause.
La Cour plaide donc pour davantage de soutien des pouvoirs publics en faveur des acteurs de l’ESS « qui maillent le territoire et sont seuls en mesure d’assurer une promotion de proximité de l’économie circulaire, tout en assurant une mission de cohésion sociale et territoriale ».
Nous savons que Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, n’a eu de cesse de la politiser (à gauche, bien sûr) et de l’impliquer fortement dans l’écologie. Désormais, pour la rue Cambon, aucune dépense n’est superflue si elle sert la transition écologique devenue l’alpha et l’oméga de l’action publique.
6 réponses
La cour des comptes c’est un ied sur la pédale de frein inopérante et l’autre sur celle de l’accélérateur qui marche à fond! La recette idéale pour aller tout droit au fossé (et à la fosse commune de l’économie française!)
CPEF
Il faut arrêter toutes ses subventions qui nuisent à la dynamique d’entreprendre.
M Moscovici qui a toujours biberonné l’État, ne reconnaît un mâle qu’après avoir vu ses attributs. En fait il n’a jamais rien apporté au système et arrive toujours après coup » pour ne pas perturber les débats »!
L’ESS est une enveloppe trop disparate. Il n’est pas logique de mélanger des associations qui suppléent aux faiblesses-coûts de l’État déjà hypertrophié et ne faisant pas ses heures officielles (accueils des sdf et équivalents : plusieurs centaines de milliers de personnes, dont des enfants), et les rêves entrepreneuriaux d’équipes incapables de produire leurs biens et services à un coût acceptable pour les publics cibles.
Ces rêveurs sont en plus très égocentrés en bienfaiteurs du peuple et de ce fait incapables de partager ou reproduire une formule qui fonctionne qq part ailleurs. Ils réinventent la roue.
Or le passage à l’échelle d’une formule qui marche sans faire de marges, (et qui donc ne peut pas grandir par manque de rentabilité des capitaux propres nécessaires à une vraie productivité (taux de croissance = taux de rentabilité) ), n’est possible qu’en  » franchisant » et formant des équipes nouvelles volontaires intéressées dans les 8000 territoires concrets où sont joignables les cibles de ces entreprises ESS.
Le Groupe SOS est une réussite car il reprend et productivise des organisations publiques inefficaces. Mais même lui, manque de capitaux propres. Leur idée serait que des prêts long terme à taux réduits (niveaux caisses d’épargne) soient possibles de la part de bienfaiteurs. Il faudrait des banques ESS pour recueillir et affecter des sommes qui pourraient bénéficier de déductions fiscales, comme souvent les associations/
La cour des comptes pourrait améliorer son rapport 🙂
Cela vous étonne de la part de Moscovici et des socialistes qu’il a embauché dans ce machin ?
Il y a beaucoup d’associations qui vivent au crochet de l’état, la communauté des contribuables en a ras le bol. Il faut supprimer toutes les subventions à tous les organisation que ne peuvent pas prouver leur efficacité par le contrôle des agents de l’état. Les syndicats également.
A quel titre Moscovici peut il décider de l’attribution de subvention à tel ou tel organisme ? Cet homme n’a plus rien à faire à la Cour des Comptes ni ailleurs, la retraite lui tend les bras. Si je ne m’abuse, son poste de commissaire européen devait être le dernier.