Le commerce mondial de marchandises affichera encore +2,4 % pour 2025, mais la croissance retombera à seulement +0,5 % en 2026, selon le dernier rapport de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). L’effet des tarifs douaniers, des achats anticipés liés à ces tarifs et du ralentissement des échanges nord-américains pèsera lourdement sur les flux mondiaux. Malgré la vigueur du commerce des biens liés à l’intelligence artificielle, le commerce mondial entrera dans une phase de décélération dès l’année prochaine.
Après une année 2024 déjà en reprise (+2,8 % pour les biens, +6,8 % pour les services), 2025 apparaît comme une période charnière. Les échanges de biens ont progressé de +2,4 % et ceux de services, de +4,6 %. L’Asie et l’Afrique, avec respectivement +5,3 % d’exportations pour chacune, figurent en tête du classement mondial ; l’Amérique du Nord recule de 3,1 % sous l’effet direct des hausses tarifaires et l’Europe stagne à 0,7 %. Quant aux importations africaines (+11,8 %), elles témoignent d’un dynamisme inédit, tout comme celles d’Amérique du Sud (+8,8 %) et d’Asie (5,7 %). Les importations européennes, elles, restent stables (+2,4 %).
2025 : une année de transition portée par l’IA
La vedette de cette croissance 2025 est sans conteste le commerce des biens liés à l’intelligence artificielle. L’IA bondit de +20 % sur un an, atteignant 1 920 milliards de dollars au premier semestre 2025 (contre 1 610 milliards de dollars au premier semestre 2024). Les produits (semi-conducteurs, serveurs, machines-outils, ordinateurs et équipements télécoms) représentent 15 % du commerce mondial et 43 % de la croissance totale. Ces biens technologiques compensent partiellement les effets des politiques protectionnistes    en maintenant artificiellement le cap d’une croissance encore solide en 2025, mais qui risque de se dégrader en 2026.
Le directeur général de l’OMC, Ngozi Okonjo-Iweala, souligne : « La réponse mesurée des pays aux changements tarifaires, le potentiel de croissance de l’IA et l’essor du commerce entre pays émergents ont contribué à limiter les reculs du commerce en 2025. » Les échanges Sud-Sud, hors Chine, affichent ainsi une hausse de 9 % en valeur, bien supérieure à la moyenne mondiale de 6 %.
2026 : le retour des vents contraires
La comparaison entre les prévisions d’avril et celles d’octobre 2025 illustre parfaitement la fragilité du commerce international face aux tensions protectionnistes. En avril, l’OMC anticipait une contraction de – 0,2 % suivie d’un rebond à + 2,5 % en 2026. Désormais, c’est l’inverse : une croissance de + 2,4 % cette année, puis un net ralentissement à + 0,5 % l’an prochain. Autrement dit, la montée des barrières tarifaires n’a pas supprimé le choc : elle l’a simplement repoussé.
En 2026, l’Asie et l’Amérique du Nord connaîtront des trajectoires différentes. Les exportations des marchandises asiatiques devraient stagner à 0 %, après un solide +5,3 % en 2025, tandis que ses importations progresseront modérément de +2,7 %, en retrait par rapport aux prévisions d’avril. À l’inverse, l’Amérique du Nord subira un repli significatif de son commerce extérieur. Les exportations reculeront de 1,0 %, prolongeant la baisse observée en 2025, tandis que les importations connaîtront une chute plus marquée encore de 5,8 %, bien en dessous des prévisions initiales.
Dans ce contexte, l’Asie apparaît comme la moins touchée par l’instabilité actuelle du commerce international. La nouvelle offensive que Donald Trump a engagée contre plusieurs partenaires visait en particulier la Chine, qui semble pourtant assez peu affectée par les droits de douane qu’impose Washington.
Les services résistent mieux. En effet, toujours selon les prévisions de l’OMC, le numérique maintiendra une croissance soutenue (+6,1 % en 2025, puis +5,6 % en 2026). En revanche, les services commerciaux progresseront encore de 5,8 % en 2025, avant de ralentir à +5,1 % en 2026. Le transport montrera également des signes d’essoufflement (+2,5 %, puis +1,8 %).
L’ère des murs tarifaires : l’Europe face à un choix stratégique
Quant à l’Europe, elle devrait faire preuve d’une relative résilience malgré la révision à la baisse de l’OMC : les exportations de marchandises, initialement prévues à +2,5 % en 2026, ne progresseraient finalement que de 2 %, tandis que les importations, attendues à +2,7 %, ne s’élèveraient qu’à +0,8 %.
Pour protéger son industrie face à la concurrence, notamment chinoise, la Commission européenne envisage de taxer jusqu’à 50 % l’acier importé, à l’image des mesures protectionnistes de Donald Trump. Ces surtaxes ont pour objectif de freiner les importations à bas coût, mais elles risquent, à court terme, d’alourdir les prix et de peser sur la demande intérieure. Déjà fragilisée par une baisse de productivité et le ralentissement industriel de ses principales économies, l’Europe pourrait voir sa croissance durablement freinée, et elle pourrait de moins en moins peser sur le commerce international.
En 2026, la véritable bataille de la croissance se jouera sur ce choix stratégique : protéger (ou croire protéger) ses industries ou maintenir l’ouverture et la liberté commerciale qui ont toujours enrichi le monde.
Une réponse
Comme Javier Milei l’explique dans son excellent entretien avec Louis Sarkozy (disponible sur Youtube), la politique douanière de Trump est essentiellement liée à des objectifs géopolitiques et non économiques : donner aux USA les moyens industriels et humains de faire face à la menace de la Chine et des empires autoritaires émergents.