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lundi 10 novembre 2025

Sébastien Lecornu suspend la réforme des retraites et annonce de nouvelles taxes

Temps de lecture : 3 minutes

Sébastien Lecornu a évité pour l’instant « la crise de régime », du moins dans son esprit. Il s’agit de la dissolution de l’Assemblée nationale. Il a annoncé mardi devant l’Assemblée nationale la suspension de la réforme des retraites, symbole de la présidence Macron, jusqu’à la présidentielle de mi 2027. Il a obtenu ainsi un sursis des socialistes, qui en faisait une condition sine qua non pour épargner la censure au gouvernement, laquelle aurait aussitôt entrainé la dissolution.

Le PS, dont il faut rappeler qu’il avait obtenu 1.7 % des voix à la présidentielle de 2022, a donc obtenu le retrait de LA réforme emblématique du double mandat d’Emmanuel Macron, dont le bilan en la matière sera donc quasi-nul, en une période de bouleversements géopolitiques et technologies majeurs exigeant un surcroît de compétitivité économique. Tout juste pourra-t-on inscrire au crédit d’Emmanuel Macron en huit ans de règne quelques réformettes sur la fiscalité des placements boursiers, la formation professionnelle, les scrutins locaux, ou la taxe d’habitation.

Le PS a répondu être prêt à faire « ce pari de donner (…) un budget juste au pays ». Les motions de censure déposées par le RN et par la France insoumise, qui seront examinées jeudi matin, ont donc peu de chances d’être adoptées, dans la mesure où, en outre, les députés LR ne les voteront pas. « Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028 » ; la marche vers la banqueroute du régime de retraites par répartition, condamné inéluctablement par la démographie française, peut donc continuer tranquillement.

Adopté mardi matin en Conseil des ministres, le projet de budget de l’État, qui devrait être largement modifié par le Parlement, propose une réduction d’une trentaine de milliards d’euros, sur 1300 milliards et repose sur des hypothèses « optimistes » de croissance en 2026, selon le Haut conseil des finances publiques. Le gouvernement prévoit un effort d’une trentaine de milliards d’euros, dont 17 milliards d’euros sur les dépenses, notamment celles de l’État qui baisseront, à l’exception de la défense (+6,7 milliards), et près de 14 milliards en recettes nouvelles, d’après un chiffrage du Haut conseil des finances publiques. Environ 3.100 postes de fonctionnaires seront supprimés.

Prétextant « des anomalies » dans la fiscalité des très grandes fortunes, le Premier ministre a souhaité une « contribution exceptionnelle » des plus riches dans le prochain budget, ce qui devrait continuer de pousser des riches entrepreneurs à quitter le pays. La contribution différentielle, qui fixe un taux minimal d’imposition de 20% pour les ménages dont les revenus dépassent 250.000 euros pour un célibataire et 500.000 euros pour un couple, est prolongée d’un an. Une taxe est instaurée sur les holdings patrimoniales. En tout, ces deux mesures doivent rapporter 2,5 milliards d’euros. Quelque 400 grandes entreprises sont également mises à contribution, avec une reconduction, à hauteur de 4 milliards, d’une surtaxe sur les bénéfices.

Les pensions de retraite et prestations sociales seront gelées. L’abattement de 10% sur les retraites est remplacé par un abattement forfaitaire de 2.000 euros. En tout, 23 niches fiscales (sur 474) « obsolètes » ou « inefficaces » sont supprimées pour environ 5 milliards d’euros.  A noter que cette hausse de la fiscalité sera appliquée dans le pays à… plus forte pression fiscale au monde en proportion du revenu national.

Après l’équivalent de 5.4 % du PIB en 2025, le Premier ministre ambitionne un déficit public « à moins de 5% » l’an prochain, plutôt que les 4,7% mentionnés dans le projet de budget, alors que la croissance est revue en baisse à 1%. Cette situation complique la trajectoire du retour en 2029 à un déficit de 3% maximum autorisé par Bruxelles alors que la France, deuxième économie de la zone euro, est déjà un cancre en la matière. Elle paie aussi le prix de l’instabilité sur les marchés où elle emprunte plus cher depuis la dissolution de juin 2024.

Entérinés en conseil des ministres, les projets de budget de l’État (PLF) et de la Sécurité sociale (PLFSS) vont désormais être examinés au Parlement, in extremis pour permettre leur adoption d’ici le 31 décembre. Ils pourront fortement évoluer lors des débats parlementaires. Le président des Républicains (LR), Bruno Retailleau, a accusé le gouvernement d’être « l’otage des socialistes ». Quant au président du RN, Jordan Bardella, il a brocardé « l’amicale des sauveurs d’Emmanuel Macron » dont « le seul dénominateur commun » serait « la peur des urnes ».

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11 réponses

  1. 3000 fonctionnaires supprimés. Dans un pays qui bat le record du nombre de fonctionnaires par habitant. Nous avons presque 6 millions de fonctionnaires et il va en supprimer 3000. Soit 1 sur 2000. Il se moque du monde !
    Plus la chute vers le fond est lente, plus douloureuse sera l’arrivée. Que ce soit le FMI ou la faillite financière de la France, préparons nous à au moins une décennie de galère. La galère ce sera revenus en baisse (il a commencé modestement avec ses hausses d’impôts), prix en hausse avec inflation de plus de 10 % par an, chômage, descente sous le seuil de pauvreté, insécurité avec guerre civile larvée ou révoltes diverses, communautés agressives, etc..
    Ceux qui sont incrédules face à cette issue seront ceux qui en souffriront le plus.

  2. La projet de budget 2026 comme la proposition suspension de la réforme des retraites des 64 ans montrent que la derive continue imperturbablement!!!!!
    Ce budget déjà bien faiblard sera detricoté vaillamment par le parlement
    Le vote de la suspension de la réforme des retraites promet de belles empoignades au parlement car certains voudront aller vers sa suppression pure et simple
    Une fin d année malheureusement sous le couvert du bruit et de la fureur!!!!

  3. C’est un avis personnel, mais en ce qui me concerne je ne mettrais pas la suppression de la taxe d’habitation au crédit de Macron, ce n’est rien de moins qu’une entourloupe populiste.
    Bon, cette situation me rappelle la citation de Churchill : « vous aviez le choix entre la guerre et le déshonneur, vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre ». Ils avaient le choix entre l’impopularité d’une réforme courageuse et ne rien faire. Ils ont choisi de ne rien faire, ils ont l’impopularité en prime. J’ai de plus en plus de mal à croire que quoi que ce soit de bien puisse sortir de cette situation, tant qu’on aura les mêmes baltringues en tête d’affiche…

    1. Je partage totalement votre avis, que ce soit concernant la taxe d’habitation, passée dans les impôts, comme la contribution audiovisuelle d’ailleurs, concernant la citation de Churchill revue à la française-année-2025, ou concernant les baltringues en tête d’affiche.

  4. Ce n’est pas bien étonnant car pensant à son cher électorat retraité (au sens propre comme au figuré), Édouard Philippe avait délibérément saboté l’ambitieuse réforme systémique promise par Macron en 2017 et qui aurait ouvert la voie à la baisse des pensions, patate chaude que les politiques se refilent depuis l’époque de Rocard.

  5. Quel montant sera récupéré par le réforme des retraites,quand elle aura lieu face à la suppression de l’AME et de l’APD ?

  6. Nous sommes gouverné par des littéraires qui ne savent pas compter. Faire des discours, écrire des livres, raconter de belles histoires, faire rêver…; ils savent faire.
    Réfléchir avec bon sens et agir… ils ne savent pas! (d’ailleurs ils ont une haine viscérale du « bon sens », surtout la gauche)
    « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… » avez vous déjà entendu un politique vous exposer un problème et sa solution clairement?
    … il n’y a qu’a regarder le problème des retraites. Ils n’y comprennent rien alors ils cherchent simplement à trouver de l’argent. Il baptisent « réforme » ce qui n’est qu’un bricolage minable de paramètres pour justement ne pas réformer !
    Ecœurant!

  7. La suppression de la taxe d’habitation est une absurdité monumental et une injustice manifeste car elle exonère une partie significative des utilisateurs du financement des services dont ils sont les premiers bénéficiaires.
    On constate aussi que, si le PS s’est plutôt bien vendu, le LR s’est carrément donné sans aucune contrepartie et a préféré ses petits intérêts internes et la guéguerre Retailleau/Wauquiez à ce qui devrait normalement être le cheval de bataille d’un parti se revendiquant d’un certain réalisme économique.
    LR a bien davantage perdu : son honneur, sa raison d’être et sans doute une grande majorité de ses électeurs qui, je l’espèrent, vont se tourner vers David Lisnard, le seul libéral véritable de ce camp des lâches et des déserteurs sans conviction ni colonne vertébrale politique.
    C’est sincèrement à gerber. En un mot désespérant.
    Courage aux libéraux et à ceux qui travaillent vraiment !

  8. Pour éviter la dissolution de l’Assemblée Nationale, et donc de nouvelles élections qui auraient fait disparaître les macronistes du paysage politique, honte absolue, définitive et internationale pour Macron, son camp préfère accélérer la chute de la France et terminer de l’enfoncer dans les bas-fonds économiques.
    Du pur calcul politocard individuel.
    Je donnais sa chance à Lecornu, car être un ex-ministre des Armées apprécié des armées était un bon début.
    Je n’éprouve désormais que du dégoût pour tous ces macronistes, ils sont pires que les socialistes-communistes dont je n’attends plus rien depuis longtemps déjà.

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